« La mort du président tchadien Idriss Déby risque de provoquer une instabilité politique dans ce pays producteur de pétrole et dans l’ensemble de la région d’Afrique centrale, avec un impact potentiel sur le secteur pétrolier », s’inquiète l’agence de notation S&P Global au lendemain de l’annonce du décès du chef d’État, qui venait d’être élu pour un sixième mandat à la tête du pays.
Il faut dire que la lutte contre le terrorisme (Boko Haram, État islamique) et les rébellions (notamment du Conseil de commandement militaire pour le salut de la République et du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) pesait lourd sur une économie d’à peine 12,5 milliards de dollars.
Avec 1,5 milliard de barils de réserves pétrolières prouvées et une production d’environ 140 000 b/j, le Tchad est le dixième producteur d’Afrique. L’or noir représente 90 % de ses exportations, environ 40% des recettes publiques et 20% du PIB.
Dette pétrolière
Avant même les chamboulements auxquels le pays fait désormais face, le Tchad s’était déjà lourdement endetté, notamment auprès du trader Glencore via des prépaiements de sa future production pétrolière, faisant face à une crise aiguë de liquidités, malgré un pourcentage d’endettement somme toute raisonnable, à 42 % du PIB.
Cet étranglement des finances publiques, aggravé par la crise du Covid-19, a poussé le pays à demander, fin janvier, à bénéficier du nouveau cadre de restructuration des dettes mis en place en novembre 2020 par le G20. Un cadre qui pousse les créanciers privés – dont Glencore – à s’engager au moins autant que les prêteurs publics.
À la même période, le FMI et N’Djamena ont conclu un accord dans le cadre de la Facilité élargie de crédit et du Mécanisme élargi de crédit portant sur 560 millions de dollars sur quatre ans.
Déficit commercial et réserves de change taries
L’institution internationale se prononce rarement – en public – sur les transitions politiques dans ses pays d’intervention. Et le calendrier précis de déboursement de l’enveloppe de 560 millions de dollars promise en début d’année n’est pas connu.
Mais il ne fait aucun doute, toutefois, que tant sur les volets budgétaires que sur le renforcement des réserves de devises du pays, les nouvelles autorités tchadiennes devront compter sur l’appui du Fonds. Et ce d’autant plus que « l’insécurité régionale persistante pourrait perturber le commerce bilatéral et mettre sous tension les finances publiques », avertissait il y a quelques mois la Banque mondiale.
Selon les projections, les recettes du gouvernement tchadien étaient attendus en baisse de 10 % à 747 milliards de F CFA par rapport à l’année précédente, pour des dépenses en progression de 10,5 % à 1 177 milliards de F CFA.
Pour ne rien arranger, la balance commerciale (échange de biens) du pays avait périclité en 2020, passant d’un excédent de 676 milliards de F CFA à un déficit de 3 milliards selon les projections du Fonds, qui anticipait il y a encore quelques mois un « rebond » à 198 milliards de F CFA en 2021. Et les réserves de change du pays plafonnent à 300 millions de dollars loin des 1,1 milliard d’avant la crise pétrolière.
Les réformes auxquelles s’étaient engagés l’exécutif tchadien auprès du FMI comprenaient, entre autres, l’amélioration du climat et le renforcement du secteur bancaire, de la transparence – notamment dans l’attribution des marchés publics – et de la gouvernance (lutte contre la corruption, déclarations de patrimoine…).
Dans un message publié ce 21 avril, Kristalina Georgieva, la dirigeante du FMI, a exprimé ses condoléances au peuple tchadien et salué la mémoire « d’un dirigeant qui a consacré sa vie à son pays et à la sécurité de la région du Sahel. »