La nouvelle est tombée cette semaine. L’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) est désormais rattachée à la présidence de la République. Un fait, qui inquiète. Le coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck, nous dit Igfm, craint que cette décision ne ramène le système de passation et de contrôle des marchés publics à 20 ans en arrière, avec une très forte réduction de la marge de manœuvre de l’Autorité de régulation.
« Dans la rapport de présentation qui rattache l’Armp à la présidence de la République, il est dit que c’est à cause de la suppression de la primature que l’Armp et autres sont rattachées à la présidence. Mais je voudrais souligner que dans le dernier décret de répartition de services, l’Armp était déjà rattachée au secrétariat général du gouvernement et cela n’a pas empêché que des marchés soient passés, que l’Armp prenne des décisions au niveau de son conseil de régulation et du comité de règlement des différends…« , selon Birahim Seck.
« Mauvais signal » et « recul de 30 ans »
« Mais ici c’est malheureux de constater que le gouvernement est en train de lancer un très mauvais signal à l’endroit du système de gouvernant interne des marchés publics, mais aussi à l’endroit des partenaires techniques et financiers dans un contexte où le président de la République appelle lui-même à une annulation de la dette africaine, la dette sénégalaise en particulier. Aujourd’hui, on ne peut pas nous ramener à 20 ans derrière…« , fait-il savoir.
Et de poursuivre : « Si on fait référence à la Commission nationale des contrats de l’administration qui était rattachée à la présidence, à cause des différentes dérives, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et d’autres partenaires avaient investi de l’argent vers les années 2000 pour modifier le système de passation des marchés publics. Ce qui avait conduit à loger l’Armp à la primature. Et aujourd’hui on veut nous ramener à ce système de dérives qu’on a connu avec la Commission nationale des contrats de l’administration. Ce qui constitue pour nous un signal très mauvais à l’endroit du système de gouvernance interne et des partenaires techniques et financiers. »
Un mandat « illégitime »
« À un second niveau, aujourd’hui, on se rend compte également que l’Armp est rattachée à la présidence à travers ce décret, mais à l’interne on constate qu’il n’y a aucune mesure de redressement prise par le gouvernement pour changer le Directeur général. D’autant plus que depuis longtemps, on a alerté que le Dg était en train de boucler ses deux mandats illégaux, après avoir terminé deux mandats légaux conférés par le décret portant organisation et fonctionnement de l’Armp. Ces deux aspects constituent un nouvel ordre de mal-gouvernance« , regrette le coordonnateur du Forum civil.
Une marge rétrécie
« La présence de l’Armp dans la sphère de la présidence de la République va nécessairement brouiller la transparence dans le système des marchés publics. La marge de manœuvre risque de se rétrécir. C’est le moment de lancer un appel à tous les partenaires au développement, pour qu’ils soient plus conséquents par rapport aux aides qu’ils accordent au Sénégal, dans la mesure où, malgré le combat qui a été mené depuis plus de 20 ans pour dissocier l’organe de régulation et de contrôle des marchés de la présidence, aujourd’hui, on se retrouve dans la même situation qu’on avait connue avant 2008. Donc on retourne 20 ans en arrière, ce qui est inadmissible dans ce contexte où on va à la pêche aux milliards à travers une demande d’annulation de la dette« , conclut-il.