Dakarmidi – De ce thème qui nous est offert comme support de méditation en cette 130ème édition du Pèlerinage Marial de Poponguine, nous pouvons nous émerveiller, de prime abord, du riche et fascinant mot de « oui », « amen » (Fiat) que nous voulons dire au Seigneur à la suite de Marie. Parler du « oui », nous sort a priori de l’espace et du temps pour nous mener au cœur de la Trinité immanente (Dieu en lui-même avant l’Incarnation) où le Père dans un « oui » parfait et souverain engendre son Fils unique, en lui communiquant tout son être ; où le Fils lui dit son « oui » éternel en épousant parfaitement sa volonté : « oui, je viens faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 7) ; où l’Esprit est la personnification de ce « oui » divin comme unité du Père et du Fils avec qui il reçoit « même adoration et même gloire ».
Par ailleurs toute l’histoire du salut ne sera qu’une succession de « oui » qui s’enracinent et s’arc-boutent tous dans le « oui » divin qui, en réalité, donne sens à nos « oui » humains. C’est dans ce sens qu’il faut entendre et comprendre les « oui » de nos prédécesseurs dans la foi, allant de l’histoire des patriarches (et c’est Abraham qui a donné la note par son oui admirable à l’appel de Dieu) à nos pères chrétiens d’hier et d’aujourd’hui, en passant par les juges, les rois-prophètes, les prophètes et les sages. Mais, le « oui » qui, entre tous les « oui », a été plus déterminant et plus majestueux, est celui de Marie, puisque, par lui, le Fils de Dieu s’est fait chair par amour « pour nous les hommes et pour notre salut » ; un amour qu’il a accompli par sa mort sur la croix et par sa résurrection. Quel beau mystère, tout partant du « oui » de la servante du Seigneur : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout m’advienne selon ta parole » ! (Lc 1, 38).
Par conséquent, la foi chrétienne ne se conçoit pas sans la présence maternelle et le « oui » de Marie. Car si le Verbe s’est fait chair pour sauver le monde, c’est grâce au « oui » de Marie qui a accepté de collaborer au plan du salut de Dieu « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité » (1Tim 2, 4). Un père cappadocien le dit merveilleusement d’ailleurs : « ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé ». Donc Marie est la première croyante à accueillir dans son cœur et dans son corps la Parole de Dieu. Elle est en ce sens, la Mère du Christ et notre Mère par la volonté du Christ, conséquemment, la Mère de l’Eglise. Ce qui nous fait toucher la réalité de la solennité nouvellement instituée que nous célébrons aujourd’hui : Marie, Mère de l’Eglise.
Et cette maternité est à comprendre comme un don reçu du Père qui a choisi pour son Fils une Mère qu’il a prédestinée, en la préservant du péché originel, comme un don du Fils qui nous a donné sa Mère, en s’adressant à nous à travers la personne du disciple bien-aimé : « voici ta mère » (Jn 19, 27) et comme un don de l’Esprit Saint qui a couvert Marie de son ombre et a conçu en elle le Verbe de Dieu. Ce don, ratifié par le « oui » de Marie, a marqué le début de l’Eglise. La liturgie de la solennité de l’Annonciation le proclame dans la magnifique prière proposée sur les offrandes : « Daigne accepter, Dieu tout-puissant, les dons offerts par ton Eglise : elle n’oublie pas qu’elle a commencé le jour où ton Verbe s’est fait chair… ». Rien d’étonnant alors si la présence de Marie est remarquable et remarquée au cénacle et au jour de la Pentecôte qui marque la manifestation de l’Eglise au monde
Pourtant, ce « oui » de Marie, aussi splendide soit-il, n’a pas été prononcé sans difficultés. Pour s’en convaincre, il suffit juste d’observer l’attitude de Marie face à l’envoyé de Dieu : « elle fut très troublée, et elle se demandait… » (Lc 1, 29) ; « comment cela se fera-t-il, puisque je n’ai pas de relations conjugales, s’interroge-t-elle ? » (Lc 1, 34). Cette situation se complique quand on sait qu’elle a été fiancée à un homme, sans parler, qui pis est, du regard et du jugement de sa société qui condamnait durement certains comportements.
Malgré tout, Marie dit « oui » à Dieu et ne cesse de renouveler ce « oui » dans une foi inconditionnelle et une confiance totale. Ainsi, elle devient modèle et soutien de tous ceux qui ont dit « oui » à Dieu de par leur baptême et de par leur vie, et qui contre vents et marées le lui renouvellent chaque jour par leur vacillante fidélité.
C’est alors à juste titre que le peuple de Dieu, dans un chant populaire, s’adresse à la Mère de l’Eglise, implorant son secours et ses suffrages, pour dire, à sa suite, « oui » au Seigneur. Un « oui » qui nous engage tous dans notre relation avec Dieu, avec notre prochain, avec notre environnement et avec nous-mêmes. En effet, ce oui qui devient une réponse à l’amour gratuit de Dieu à renouveler chaque jour, peut être formulé avec ses paroles lourdes de conséquences de Saint Pierre : « oui Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime » (Jn 21, 17).
Ailleurs, ce oui nous fait admirer notre prochain comme notre alter ego : « voici l’os de mes os et la chair de ma chair » (Gn 2, 23) et l’aimer comme un chef d’œuvre divin : « qu’est-ce que donc l’homme pour que tu penses à lui, l’être humain pour que tu t’en soucies ? Tu en as presque fait un Dieu : tu le couronnes de gloire et d’éclat ; tu le fais régner sur les œuvres de tes mains » (Ps 8, 5-7).
Dans le même ordre d’idées, ce « oui » nous rend responsables envers notre environnement compris comme notre « maison commune » à protéger et à sauver, car « attendant avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 19). Enfin, ce « oui » nous tourne vers nous-mêmes, nous faisant tourner le dos aux passions désordonnées de la vie, à la paresse, à la facilité, à la recherche effrénée du merveilleux, pour aller résolument au Seigneur à la suite de Marie et avec elle, la croix devant nous et le monde derrière nous.
En somme, demander à Marie de nous aider à dire « oui » au Seigneur, c’est apprendre à imiter sa vie sainte et à opter de manière radicale pour le Christ que nous touchons et recevons dans l’Eucharistie et les autres sacrements. D’où l’invite du cardinal Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements : « si nous voulons grandir et être remplis de l’amour de Dieu, il faut planter notre vie sur trois grandes réalités -la Croix, l’hostie, et la Vierge – « trois mystères que Dieu a donnés au monde pour structurer, féconder et sanctifier notre vie intérieure, et nous conduire vers Jésus ». Et c’est ainsi que nous marcherons résolument sur le chemin de la sainteté qui est la vocation de tout chrétien quels que soient son statut social, sa condition de vie, ses défauts, ses qualités, ses forces et ses faiblesses (Cf. Exhortation Apostolique du Pape François, Gaudete et exultate)
O Marie, aide-nous à dire oui au Seigneur, en répondant avec confiance à son appel et en menant une vie conforme à sa volonté.
Qu’il soit ainsi pour les siècles des siècles. AMEN