Dakarmidi – L’éclairage de l’autoroute à péage, l’arrêt immédiat de la divagation des animaux, la réduction des coûts de voyage et la publication du contenu du contrat d’exploitation signé entre le gouvernement sénégalais et la société Eiffage. Ce sont là les exigences du collectif des usagers de l’autoroute à péage qui a manifesté avant-hier sur l’axe Dakar-AIBD, malgré la présence des gendarmes.
Le décès de Papis Baba Diallo du groupe « Gelongal », survenu le samedi 5 mai 2017 sur l’Autoroute de l’avenir, communément appelé autoroute à péage, a provoqué l’ire de certains acteurs de la société civile sénégalaise. Ils ont profité du huitième jour (avant-hier) de la disparition de l’artiste du groupe Gelongal pour montrer leur mécontentement à l’endroit de l’Etat du Sénégal. Les manifestants, regroupés autour du collectif des usagers de l’autoroute à péage, se sont donné rendez-vous, samedi après-midi, au rond-point Maristes. Ce qui devait être une cérémonie de protestation dans le recueillement s’est transformée en chemin de croix pour les initiateurs de la manifestation.
Déjà avant 15 heures, heure du rassemblement, plusieurs voitures, drapées aux couleurs du drapeau sénégalais, étaient stationnées en face de l’église des Maristes peinte aux couleurs jaune et blanc. Les manifestants arborant des brassards rouges. Parmi eux, Guy Marius Sagna du front contre les Accords de partenariat économique (Ape), Elimane Kane de l’Ong Oxfam et d’autres membres de la société civile. Avant l’ébranlement du convoi, le coordonnateur du collectif des usagers de l’autoroute à péage, Cheikh Oumar Sy, décline l’objectif: « Nous allons faire le voyage Dakar-Aéroport international Blaise Diagne de Diasse (AIBD) via l’autoroute à péage. Arrivés à Toglou (Ndlr: gare de péage), nous allons nous recueillir devant le lieu de survenance de l’accident de Papis Mballo. Nous prierons pour lui et pour toutes les personnes qui ont péri sur cet axe », précise l’ancien député.
Les rappeurs Simon et Doug E Tee ratent le voyage
Le convoi prend le départ à 15h 30, mais les difficultés s’annoncent à Pikine où ils croisent une dizaine de gendarmes de la Légion de la Gendarmerie d’intervention (Lgi) de Mbao. Les hommes en tenue ont investi très tôt les lieux, en jalonnant tout le trajet. Le voyage devient aussitôt un parcours du combattant pour Cheikh Oumar Sy et ses camarades. Tout le monde franchit la première étape sans difficultés. Mais ils doivent, dès lors, revoir leurs plans et user de subterfuges (enlever les brassards rouges ou des drapeaux) pour échapper au contrôle strict des gendarmes à la deuxième phase, celle de Thiaroye, où huit véhicules, dont celui du rappeur Simon, sont immobilisés sur le bas-côté de la route. Le militant du mouvement « Y’en a marre », son ami Doug E Tee et des membres du mouvement ‘’France dégage’’, arrêtés à ce niveau, ratent ainsi le voyage de la contestation.
Le même scénario se répète à l’entrée de la ville de Diamniadio. Ici, le contrôle devient plus sévère. Le dispositif de la Lgi de Mbao est renforcé par le peloton routier de l’escadron surveillance de l’autoroute à péage dont le quartier général se trouve à la sortie de la ville de Rufisque. Un contingent d’une trentaine de gendarmes éparpillés dans trois véhicules 4×4 veille au grain. Seules les voitures qui ont enlevé leurs brassards rouges et les voyageurs empruntant des taxis échappent à la vigilance des forces de l’ordre et sont autorisés à continuer. Le contrôle minutieux effectué par les forces de l’ordre permet de stopper d’autres voitures.
La séance de prière interrompue
Le convoi de dix-sept voitures arrive à Toglou (village situé à quelques kilomètres de l’aéroport international blaise Diagne de Diass), vers 17 heures, et veut s’arrêter sur le lieu de la survenance de l’accident de l’artiste Papis Mballo, mais l’endroit est envahi par les forces de l’ordre. Du coup, la cérémonie de prières est transférée à quelques kilomètres de l’AIBD. Les mécontents, croyant avoir contourné l’obstacle de la Lgi, vont déchanter quelques minutes plus tard. A peine ont-ils eu le temps de s’adresser à la presse que cinq gendarmes surgissent pour interrompre la séance de recueillement. ‘‘Quittez les lieux et arrêtez de filmer! Rangez vos portables ! Nous avons reçu des instructions ! Personne n’a le droit de tenir une manifestation ou un rassemblement sur l’autoroute’’ ! avertit d’un ton ferme le commandant de la troupe. Une instruction que certains récalcitrants n’ont pas voulu exécuter.
Un membre du collectif « France Dégage » et le reporter du journal ‘‘Les Echos’’, qui continuaient de prendre des images, sont alors interpellés. Mais ils sont libérés après d’âpres négociations entre les organisateurs de la manifestation et le chef des gendarmes. Un motard arrive pour faire déguerpir le convoi manu militari, mais les manifestants refusent de s’exécuter. De ce fait, ils déclenchent une opération escargot, en ralentissant volontairement et roulant doucement sur la distance « Toglou-Diass-Diamniadio » pour manifester leur désaccord, et retarder les centaines de voitures qui se trouvent derrière eux. Ils donnent ainsi du fil à retordre aux policiers. Ces derniers sont encore obligés de procéder à des interpellations dont celle du journaliste-bloggeur, Cheikh Yérim Seck.
Cheikh Tidiane Dièye, membre du collectif des usagers de l’autoroute à péage, exprime sa satisfaction, malgré les difficultés qu’ils ont rencontrées. « Nous avons réussi notre pari. Nous avons effectué le voyage pour rendre un hommage aux personnes disparues sur l’autoroute à péage. Nous espérons que le président décryptera le message que nous lui avons adressé », renseigne-t-il. Selon lui, le Collectif exige quatre conditions: l’éclairage de l’autoroute à péage, l’arrêt immédiat de la divagation des animaux, la réduction des coûts de voyage et la publication du contenu du contrat d’exploitation signé entre le gouvernement sénégalais et la société Eiffage.
La coordonnatrice de « solidarité active », Mame Diarra Bousso Ndiaye, fustige, elle, les interpellations des forces de l’ordre. « Je regrette l’arrestation de nos camarades. Nous n’avons posé aucun acte de violence. Notre objectif était de venir à Diass pour rendre un hommage aux personnes qui ont perdu leurs vies sur l’autoroute à péage et nous recueillir sur la mémoire de Papis Mballo qui nous a quittés à cause de l’insécurité dans cette autoroute », se désole-t-elle.
Le collectif des usagers de la route, créé après la disparition de l’artiste de Gelongal, promet de continuer son combat sur le terrain juridique, avec le dépôt d’une plainte contre l’Etat du Sénégal et auprès de la présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la concussion (OFNAC), Seynabou Ndiaye Diakhaté.
Par Oumar Bayo Ba
La rédaction