Dakarmidi -La musique sénégalaise, qui peut se prévaloir d’une histoire glorieuse, semble désormais à la croisée des chemins, entre essoufflement de la production, besoins de formation et nécessité de mieux intégrer de nouveaux enjeux, notamment de transformation digitale, estiment experts et acteurs de la scène musicale.
« Il ne faut pas se voiler la face, notre musique doit être encore revisitée, réorientée et beaucoup plus ouverte au monde », soutient le directeur des arts, Abdoulaye Koundoul, guitariste de formation. L’ancien formateur à l’Ecole nationale des arts du Sénégal estime que arbres « sont là, qui cachent la forêt, mais derrière il n’y a absolument rien’’.
Il reconnaît toutefois que la musique sénégalaise a connu « une histoire beaucoup plus reluisante » que ce qu’elle est actuellement. Il déplore le manque de formation des professionnels, auquel il faut remédier par « un retour à des dispositions beaucoup plus vertueuses concernant la formation », d’autant plus que si les musiciens « ne sont pas bien formés, cela déteint forcément sur la production musicale ».
« Notre musique gagnerait à avoir des musiciens mieux formés, et cela me fait penser à l’Ecole nationale des arts, précisément au Conservatoire national de musique, de danse et d’art dramatique où une formation digne de ce nom est livrée aux musiciens », insiste Abdoulaye Koundoul.
Le producteur Ousmane Faye, lui, en appelle à une meilleure organisation du secteur, pour l’émergence d’une industrie musicale digne de ce nom. « Il faut organiser et réglementer ce secteur de la musique pour savoir non pas qui est qui, mais qui fait quoi et apporte quoi », dit-il.
Selon l’aps, aux yeux d’Ousmane Faye, une telle démarche permettrait de « rendre visible la contribution de la culture au même titre que les autres secteurs, pour qu’à l’heure de la redistribution des dividendes » par le biais du Budget national, « on puisse dire pour la culture : vous n’êtes pas des moindres, voilà votre part ».
La culture « est aussi un business comme l’agriculture, il faut l’assumer », souligne M. Faye, manager du Super Diamono. Dans tous les pays, les acteurs de l’industrie musicale « ont assumé ce statut d’hommes d’affaires », ajoute-t-il, donnant les exemples de Youssou Ndour et El Hadji Ndiaye, « des artistes qui ont investi dans la culture ».
De la même manière, suggère Ousmane Faye, le tissu économique de la culture doit être construit, car c’est une base sur laquelle « tout le monde » pourrait se reposer le moment venu, pour des dividendes qui « seront redistribués en termes de plus-value ».
« Nous ne sommes pas les derniers ou les moins intelligents, des supra ou des marginaux de la société. Nous devons voir comment intégrer les politiques publiques » et faire en sorte que « nous ne soyons pas des amuseurs de la galerie parce que nous créons des emplois, des entreprises, une industrie et contribuons à la sécurité, à la paix et à la stabilité », propose Ousmane Faye.
Le secteur étant en construction, tout est possible, laissent entendre d’autres professionnels de la musique, qui tiennent compte des enjeux, ceux de la transformation digitale par exemple. Le président de l’Association des métiers de la musique (AMS), Daniel Gomes, estime pour sa part que des efforts ont été faits depuis les années 2000, avec la loi sur le droit d’auteur et le droit voisin, l’installation de la Société de gestion collective et la mise en place de la mutuelle de santé des acteurs culturels.
Il signale par ailleurs que l’AMS travaille pour la mise en place d’une « convention collective », en attendant le vote de la loi. « Il faut que l’artiste comprenne qu’on ne doit pas réclamer à être travailleur, le Code du travail nous reconnait pas comme travailleur », précise-t-il.
L’AMS suggère la mise en place d’ »un système de rémunération minimale » à négocier avec l’employeur, le ministère du Travail ou encore le chef d’orchestre.
La rédaction