L’épreuve anticipée de philosophie, en prélude au Baccalauréat, prévue cette année pour le 29 Juin offre l’occasion aux différents professeurs de philosophie et spécialistes de dispenser des conseils, de procéder aux derniers réglages. Si ce n’est pas fait en classe, à la veille des anticipée, c’est à l’occasion de journées de révisions organisées le plus souvent dans les établissements. Une occasion pour passer en revue le programme et donner des conseils méthodologiques.
C’est à cette occasion que j’ai été sollicité par un établissement pour donner ma contribution lors d’une conférence. Les notes et remarques sont l’objet de ce texte que j’ai voulu partager avec nos candidats.
J’ai voulu sortir des sentiers battus, pour ne pas revenir sur les cours ou notions traités en classe mais inscrire mon propos dans une perspective didactique et attirer l’attention des candidats, sur ce qu’on attend d’eux, sur les pièges qu’ils doivent éviter et surtout sur les exigences de la communication écrite. L’expérience que nous avons des jurys de correction nous l’autorise.
Il est question de rappeler aux candidats qu’ils n’ont pas à être prisonniers des cours des professeurs, ni des notions abordées en classe. La philosophie, on a l’habitude de le dire, ne naît pas de la tête des philosophes elle naît des problèmes. Et, j’ai l’habitude de dire à mes élèves, reprenant un collègue aujourd’hui décédé Feu Louis-Roi Boniface Attolodé, La nouvelle approche ou l’approche par les compétences, pour user du terme consacré, postule un principe d’activité selon lequel l’enfant est celui qui apprend (activement). Comme tel, il est « l’artisan de son propre savoir, non plus seulement un vase à remplir, mais quelqu’un qu’on doit juste aider et que dans tous les cas : l’enseignement de la philosophie perdrait le plus précieux de sa valeur s’il était reçu avec indifférence et passivité comme une simple matière d’examen.
Les connaissances ne sont en soi pertinentes que pour autant qu’elles permettent d’accéder à autre chose, notamment des compétences transférables en lieux autres : de pouvoir, par exemple, analyser, comprendre et interpréter. Juste attirer l’attention sur le fait que les candidats peuvent être amenés à réfléchir le jour de l’examen sur l’actualité, sur des phénomènes de société, des problèmes, qui font débat et qu’on peut s’appuyer sur les cours, la culture générale pour y réfléchir. Parce qu’il n’est pas rare d’entendre un élève à la sortie d’un examen dire que le sujet de dissertation portant sur une question relative à la violence ou à la légitimité des lois, n’a pas été traité en classe par son professeur.
La question de l’homosexualité, par exemple, on peut bien l’aborder en partant des notions de nature et culture, pour savoir quelle est la part du naturel ou du culturel dans ce phénomène ; en réfléchissant sur les frontières entre le féminin et le masculin ; c’est quoi la masculinité, la féminité aujourd’hui. Il s’y ajoute que dans notre société l’homme simplement efféminé est déjà stigmatisé même s’il n’entretient pas des relations homosexuelles.
Mais, au-delà des condamnations et stigmatisations, il serait intéressant, sans vouloir légitimer ou justifier quoi que ce soit, de comprendre ce qu’est l’homosexualité. Est-elle une anomalie? Une pathologie ? Un dérèglement des sens ? Est-elle un mal définitif et incurable? Est-elle un choix ou une tare? Un fait inné ou un mal acquis ?
Est-ce que l’homosexualité est un choix libre ou conditionné ? Faut-il être tolérant à l’endroit des homosexuels. Au nom de la liberté, est-ce que les homosexuels n’ont pas le droit de s’épanouir librement.
Mais est-ce que notre société qui a des valeurs peut fermer les yeux ? Rien qu’en réfléchissant sur ces questions on peut mobiliser les connaissances acquises aux cours, celles relatives à la conscience et l’inconscient, la liberté et le déterminisme, les rapports entre l’individu et la société…
La démocratie pose aujourd’hui beaucoup de problèmes dans nos Etats modernes. Un de ces problèmes a été soulevé par Alexis Tocqueville dans son ouvrage intitulé De la démocratie en Amérique, au chapitre 5 et suivant où il nous parle du danger despotique des démocraties modernes, notamment la tendance des Etats à vouloir tout contrôler, a investir des sphères de plus en plus large et à remettre en cause les libertés individuelles.
Tocqueville pensait d’ailleurs qu’attendre beaucoup de l’Etat c’est accroître de façon dangereuse le rôle de ce dernier. La croissance de l’Etat centralisateur s’accompagne d’une fragilité plus grande des individus lorsque l’Etat doit se contenter de garantir les libertés individuelles. D’autres questions relatives au despotisme de la majorité, la raison d’Etat, (L’Etat pense-t-on n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts ; à l’homme d’Etat, qui selon Meinecke, « perd la liberté d’agir de façon personnelle et arbitraire ; il est un soldat au service de l’Etat ».
L’opposition entre morale et politique interpelle notre conscience et particulièrement celle de nos hommes politiques même si Hegel considère que « l’Etat n’a pas de plus haut devoir que de se maintenir lui-même », et quel que soit ce qu’en pense Machiavel, la question est encore d’actualité : on ne cessera de s’échiner sur la contradiction entre, d’un côté, les impératifs moraux d’obéissance aux principes du droit naturel et, de l’autre , l’obligation de suivre les dures exigences de la realpolitik. La même contradiction, rappelle Michel Terestchenko, est soulevée par Max Weber entre l’éthique de la conviction, et l’éthique de la responsabilité, ce drame intérieur de la conscience que connait tout décideur.
La crise de l’Etat – Providence et de la société assurantielle : car on était habitué traditionnellement à bénéficier de la protection, de la sécurité sociale, de la solidarité organisée de l’Etat. Michel Foucault utilisait l’expression « Bio-pouvoir » pour montrer que, par le biais d’institutions, comme les assurances sociales, l’Etat va pouvoir gérer la vie des populations. Cette idée d’Etat- providence, pensait Pierre Rosanvallon, s’inscrit dans le mouvement de l’Etat protecteur dont Hobbes a fait, au XVIIe siècle, la théorie.
C’est vrai qu’on parle de la démocratie comme étant le système qui garantit le mieux l’Etat de droit, l’épanouissement individuel et collectif mais on peut se demander si des sociétés pauvres peuvent se permettre les principes démocratiques. Est-ce que la démocratie n’est pas un luxe pour nos pays, comme le pensait le président Chirac ?
Il est vrai que, pour paraphraser Feu le professeur Sémou Pathé Gueye, il n’y a aucun peuple au monde qui n’aspire à vivre sous un régime politique pouvant garantir à toutes ses composantes les conditions de leur plein épanouissement, de leur liberté, de leur sécurité, et de la sécurité de leurs biens. Mais la manière dont se vit ou s’applique ce régime politique, dépend d’un certain nombre de considérations
Je pense que loin de voir derrière cette appréciation de la xénophobie ou de s’offusquer, l’idée que la démocratie n’est pas faite pour les africains englobe plusieurs préoccupations. L’une d’elle est fondée sur le sentiment que l’organisation de la démocratie coûte chère et demande qu’on lui consacre beaucoup de temps alors que le temps et les moyens dont disposent nos pouvoirs publics seraient plus utilement employés s’ils servaient à répondre aux besoins les plus pressants de la population en matière de santé , d’éducation, etc .
Juste pour dire que l’organisation d’élections, la formation du personnel administratif est nécessaire au fonctionnement des institutions démocratique. À cet argument financier s’ajoutent les conséquences, tout le préjudice que nous coûtent des élections je pense aux divisions sociales et politiques inhérentes à la compétition électorale, des familles qui se déchirent… L’impact sur notre économie, ce que nous coûte de temps perdu et d’efforts dans les discussions, querelles durant et après les élections : on ne travaille pas avant et après les élections dans nos pays. Bref, l’unité nationale et le développement économique reçoivent de sacrés coups. À quoi bon donc la démocratie quand on est dans des sociétés pauvres ?c’est la question que je pose aux élèves et qui ne sera pas de celles des anticipés de philosophie, mais j’espère juste qu’elle servira d’exercice.
Quel que soit le sujet, le candidat doit rester serein, prendre le temps de lire les 03 sujets avant de s’engager. Et, il est tenu de s’exprimer dans un français qui ne gêne pas la compréhension. E il ne doit pas oublier d’aller à l’examen avec plusieurs stylos et une montre pour contrôler le temps puisque l’usage du portable est interdit. Des rappels, parmi tant d’autres que les professeurs ont bien voulu donner d’ailleurs à leurs candidats.
Bira SALL Professeur de Philosophie au Lycée Ababacar Sy de Tivaouane Chercheur en Education, Spécialiste Petite enfance sallbira@yahoo.fr