Dakarmidi – « Je vous remercie, Monsieur le Bourgmestre, pour l’amitié que vous faites au Sénégal, en nous accueillant dans votre belle et charmante cité de Chastre.
Ainsi vont les relations entre la Belgique, le Sénégal et les pays amis ici représentés : relations amicales, chaleureuses et confiantes.
J’adresse à Sa Majesté Philippe, Roi des Belges, et à l’ensemble du Peuple belge l’expression renouvelée de notre fidèle amitié. Nous sommes réunis alors que la folie meurtrière du terrorisme, qui a frappé ici même, au cœur de la capitale européenne, continue d’éprouver durement nos deux continents. Je veux saluer la mémoire des victimes de cette barbarie indicible. J’ai une pensée pour leurs familles et les pays amis endeuillés.
Ces lieux chargés d’histoire et d’émotion nous rappellent jusqu’où peut mener la folie du l’extrémisme.
Ils nous rappellent notre devoir de lutter sans relâche contre le fléau la tyrannie de la terreur. Ils nous rappellent aussi et surtout le sacrifice de vaillants soldats : tirailleurs sénégalais, combattants belges, français et nord-africains, qui, par leurs glorieux faits d’armes, ont écrit l’histoire, la grande histoire, celle qui élève l’homme l’inscrit dans le long temps de l’immortalité.
Voilà que par notre présence ici, des morts rassemblent des vivants, donnant raison à la parole du poète, je veux nommer notre compatriote Birago Diop, qui disait ceci, dans son célèbre poème, Souffles :
« Ecoute plus souvent les choses que les êtres, La voix du feu s’entend, Entends la voix de l’eau. Ecoute dans le vent, Le buisson en sanglot, c’est le souffle des ancêtres. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis ».
Assurément, le poète avait raison.
Plus qu’une sépulture, chaque tombe, ici, est un souffle vivant.
Un souffle vivant qui nous conte le récit d’une vie.
Une vie de courage forgé dans l’épreuve.
Une vie de combats dans la douleur et le sacrifice.
Une vie d’espoir pour la liberté, notre liberté.
Tel a été le destin grandiose des valeureux soldats de toutes nationalités que nous honorons aujourd’hui.
Parmi eux, les Tirailleurs. Tirailleurs sénégalais dit-on. Mais de toute l’Afrique, ils venaient.
Ils partaient à l’aube naissante, quand le chant du coq résonnait au-dessus des chaumières.
Ils partaient en plein jour, quand le soleil au zénith labourait la savane de ses rayons ardents.
Ils partaient le soir tombant, quand le clair de lune de son charme apaisant invitait au repos et à la quiétude…
A la fleur de l’âge, ils partaient. Bravant la peur, ils traversaient des horizons inconnus pour répondre à l’appel du front.
Mais l’histoire de la guerre n’est jamais simple, jamais ordinaire ; parce qu’au-delà de ce que l’on en sait et de ce que l’on en dit, elle appartient d’abord à ceux qui l’ont écrite par la plume de leurs armes et l’encre de leur sang.
Comme Issa Cissé, engagé au 4ème Régiment de Tirailleurs sénégalais : « Un jour, dit-il, après avoir mangé, au lieu de retourner au travail, je me suis engagé. Je n’avais rien dit à ma mère. C’était le 4 novembre 1942 ».
Comme Ndiogou Dièye, qui a servi sur plusieurs fronts, de 1939 à 1945. Du haut de ses 94 ans, il a confié à la postérité l’histoire de son engagement : « Il n’est pas possible de refuser, dit-il. Si le commandant en chef demande de recruter des militaires, le chef de canton recrute. On vient voir ton père et on lui dit : ton fils, à partir de telle date, il vient avec nous. Tu ne peux pas refuser, c’est clair. Il y a des volontaires. Mais moi, je n’étais pas volontaire. »
Voilà dans toute sa complexité, l’histoire inénarrable de la guerre.
Mais volontaires ou engagés sur ordre, tous nos anciens combattants ont, par leurs sacrifices immenses, marqué de leur empreinte l’histoire qu’ils ont contribué à écrire aux côtés de leurs frères d’armes africains, européens et d’autres horizons.
C’est cette histoire, cette grande histoire sans trou de mémoire qui nous rassemble ici, autour de nos valeurs communes, dans l’amitié et la fraternité, pour célébrer et honorer nos morts, pour leur dire notre reconnaissance infinie.
Anciens ennemis aujourd’hui réconciliés, anciens colonisés aujourd’hui libres, nous devons bâtir sur le creuset de nos valeurs partagées de paix, de liberté et de démocratie les fondements d’un monde meilleur pour éloigner à jamais le spectre de la guerre.
Ainsi, seront nous dignes de ceux qui, par la grandeur de leurs actes, ont semé les germes de leur immortalité dans la mémoire collective des générations actuelles et futures.
Et puisque les morts ne sont pas morts, alors, reposez en paix, vaillants soldats ici couchés, mais toujours debout et immortels dans nos cœurs et nos esprits !
Je vous remercie.
La Rédaction
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