Dakarmidi – 15 mai 2018 – 15 mai 2019. Cela fait maintenant un an que l’étudiant Mohamed Fallou Sène a été tué lors d’affrontements entre gendarmes et étudiants à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Un peu moins d’un an que sa famille, ses camarades, ses amis et proches attendent que la justice promise par les autorités se fasse. Un peu moins d’une année que le procureur près le tribunal de Grande instance de Saint-Louis, Ibrahima Ndoye a transmis le dossier au procureur du tribunal Hors classe de Dakar Serigne Bassirou Gueye. Depuis, Omerta total sur le sujet. Personne n’est en mesure, à ce jour de dire où on en est et pourquoi son meurtrier est toujours libre.
Le jour du drame, le ministre des Forces armées d’alors Augustin Tine (devenu chef de cabinet du président de la République) avait déjà donné un indice clair sur l’identité du tireur. « Le commandant des opérations, étant encerclé, a senti que ses hommes étaient en danger. Il y a eu une réaction et malheureusement, un jeune étudiant Mohamed Fallou Sène est décédé« , déclarait-il le même jour à sa sortie de l’hôpital régional de Saint-Louis où il s’était rendu pour s’enquérir de l’état des blessés des affrontements à l’Université Gaston Berger.
Le ministre d’Etat conseiller du président de la République Ismaila Madior Fall, alors ministre de la Justice, avait également assuré que l’enquête serait bouclée dans la même semaine et que la loi serait appliquée dans toute sa rigueur. « Comme le Procureur l’a très bien annoncé, l’enquête sera bouclée au plus tard à la fin de la semaine. Les responsabilités seront situées et la loi sera appliquée dans toute sa rigueur« , disait-il
De son côté, le président de la République avait donné des instructions claires pour que les responsabilités soient situées, que justice soit faite le plus rapidement possible.
Entre temps, l’identité du tireur a été même révélée par la presse nationale. Le journal Libération dans sa livraison du mercredi 23 mai 2018, renseignait que « le tireur en question est le chef de l’unité envoyée à l’Université Gaston Berger (UGB) sur réquisition du recteur qui avait saisi le commandant de la brigade de gendarmerie de Saint-Louis après que les étudiants ont annoncé la veille qu’ils feraient « nguenté toubab » (restauration gratuite) ». La radio Zik Fm est allé jusqu’à donner le nom du lieutenant Sané
Un an après, les étudiants de l’Université Gaston Berger, par le biais de la Coordination des étudiants de Saint-Louis, réclament toujours en vain, la traduction du ou des coupables devant les juridictions. Ils avaient suspendu leur mot d’ordre de grève illimité, après la défaillance de leurs camarades de Dakar, qui ont décidé de d’abandonner la lutte après la décision du chef de l’Etat d’augmenter les bourses et de diminuer les prix des tickets de restauration.
Et comme pour se moquer de leurs camarades de l’Ugb, le mardi 26 juin 2018, les étudiants de l’Ucad ont même disputé un match amical avec les forces de l’ordres au Complexe Dakar Sacré-coeur, sur initiative du ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye et après un coup d’envoi fictif donné par son homologue d’alors de l’Enseignement Supérieur Mary Teuw Niane. Tous deux visés par les revendications des étudiants de Sanar, qui demandent leur limogeage.
L’ex-président de la Coordination des étudiants de Saint-Louis (Cesl), Antoine Mapal Sambou et ses camarades avaient opté pour un changement de la stratégie de lutte. Ils sont retournés dans les amphithéâtres le lundi 25 juin 2018, tout en précisant que le combat pour obtenir les têtes des principaux responsables de la mort de Fallou Sène (gendarmes, ministres) reste plus que jamais d’actualité. Ils reviendront ce mercredi 15 mai 2019, certainement avec un nouveau plan d’actions, après 365 jours de silence totale de la part du maître des poursuites.
Le 2 juillet dernier, en constatant l’effectivité de la baisse sur les prix des tickets de restauration, les étudiants qui n’ont pas oublié qu’ils doivent cela à la vie de leur camarade tombé le 15 mai à l’UGB, ont réclamé justice pour Fallou Sène.
Pendant ce temps, le procureur de Dakar Serigne Bassirou Gueye, qui a même, eu le temps de se rendre en Russie pour supporter les « Lions » de la téranga (pendant la Coupe du monde de football), reste toujours aphone sur le dossier de la mort de l’étudiant originaire de Pattar. Il a tous les éléments entre ses mains et personne n’est en mesure de dire exactement pourquoi celui qui a tiré sur Fallou Sène n’est toujours pas traduit en justice. Le chef des poursuites fait le sourd-muet devant le dossier qui tient en haleine toute la communauté estudiantine du Sénégal, qui a commémoré le 14 août dernier, le 4e anniversaire de la mort d’un de ses autres martyrs Bassirou Faye, tombé lui aussi, dans des affrontements avec les forces de l’ordre à Dakar en 2014.
L’avocat de la famille a menacé de saisir les juridictions internationales
«Il n’y a eu aucune évaluation. La famille ne cesse de se poser des questions, de même que les étudiants. On ne sent pas la justice bouger et c’est toujours cette justice qui sait être diligentée qui sait être expéditive par rapport à certains dossiers, mais qui marche au pas de caméléon par rapport à d’autres dossiers», a déclaré l’avocat de la famille de l’étudiant Me Assane Dioma Ndiaye, sur les ondes de la Rfm le mercredi 15 août 2018.
La robe noire de prévenir: «Cette affaire sera élucidée d’une façon ou d’une autre». La robe noire d’informer sur les ondes de la Rfm qu’ils ont «la possibilité de saisir le Doyen des juges dans une plainte avec constitution de partie civile, mais aussi qu’il y a d’autres juridictions extra-nationales qui pourront être saisies».
«La justice doit aujourd’hui se sentir mal à l’aise de voir qu’elle ne répond pas aux aspirations et aux attentes du citoyen, mais aussi de l’Etat de droit lui-même», conclut-il.
La triste réalité selon laquelle tous les Sénégalais ne sont pas égaux devant la loi est l’un des durs enseignements qu’on pourra tirer de cette affaire de meurtre survenu le 15 mai 2018 à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.
Originaire de Pattar (village de la région de Diourbel) et d’une famille modeste, l’étudiant Fallou Sène a, en une année, permis l’augmentation des bourses de ses camarades étudiants (la demi bourse est passée de 18 000 à 20 000 et la bourse entière de 36 000 à 40 000) et la diminution du prix des ticket de restauration au sein des campus universitaire (le ticket petit-déjeuner est passé de 75 Fcfa à 50 Fcfa et le ticket repas est passé de 150 Fcfa à 100 Fcfa).
En une année, la Première dame a envoyé plusieurs tonnes de ciment et du matériel pour reconstruire la demeure de la famille du défunt. D’autres autorités ont donné de l’argent. Le leader du parti Rewmi s’était engagé à rebâtir la maison des parents. Mais un an après, la famille, les amis, les camarades étudiants de Mohamed Fallou Sène ont plus soif de justice que d’autre chose.