Dakarmidi – A 33 ans, Malick Badiane est un des grands noms de cette saison en Nationale 2. Considéré comme un grand prospect il y a quinze ans, l’intérieur de 2,11 m n’a jamais foulé les parquets de la NBA mais a néanmoins goûté au très haut niveau.
Après une saison blanche, due à des blessures, Malick Badiane s’est engagé avec Fougères la saison dernière et joue désormais au quatrième échelon national, la Nationale 2. De la draft NBA au quotidien d’un joueur de Fougères, l’intérieur sénégalais s’est livré pour BeBasket.
Malick, tu as vécu une carrière très riche. Présente-nous ton parcours.
J’ai quitté le Sénégal en 2002 pour le club de Langen (D2) en Allemagne. A la fin de la saison, j’ai été drafté pour les Rockets de Houston en 44e position. J’avais alors 19 ans. Honnêtement je m’attendais à être drafté au premier tour. Les franchises te promettent des choses, tu y crois et à la fin tu finis deçu. En étant drafté si bas, mon contract n’était pas garanti et j’ai donc choisi de retourner en Allemagne, en signant quatre ans chez les Francfort Skyliners (Bundesliga). On a fini champion d’Allemagne en 2004 mais on a échoué en finale de la coupe nationale. Malgré tout, ce fut une très belle saison.
En 2005, j’ai joué en EuroLeague. J’en garde un très bon souvenir, j’ai même affronté l’équipe de Pau-Orthez. En 2006, j’ai signé à Quakenbrück (Bundesliga) pour une saison. C’est en 2007 que je suis arrivé en France, à la JDA Dijon en Pro A. Cependant je n’y suis resté que quatre mois, car notre meneur Laurent Sciarra s’était bléssé et ils ont engagé un Américain pour le suppléer. Or, la réglementation n’était pas la même à l’époque et j’étais donc considéré comme un joueur états-unien. C’est parce que le quotas de joueurs étrangers était dépassé que je suis parti. J’ai donc rebondi à Saint-Vallier, en Pro B, où j’ai fini meilleur contreur, meilleur rebondeur et meilleure évaluation de la division.
Durant l’été 2008, les Rockets qui possédaient toujours mes droits, m’ont tradé à Memphis. J’ai joué la summer league sous leur maillot et j’ai même signé un contract non garanti avec eux. Cependant à la fin du training camp, soit juste avant le début de la saison régulière, j’ai été coupé. J’ai décidé de rester aux Etats-Unis en jouant avec Anaheim (en D-League) toute la saison. Mais au terme de cette période, je n’ai pas été appelé pour jouer dans la grande ligue.
Pascal Donnadieu m’a contacté à ce moment la, et je me suis engagé avec Nanterre, qui évoluait à l’époque en Pro B. On a atteint les demi-finales des playoffs. Notre poste 4, Nate Carter, m’avait beaucoup impressionné. Je me suis par la suite stabilisé en Pro B, en jouant respectivement à Boulazac, Antibes, Nantes et enfin à Saint-Quentin. J’avais d’ailleurs signé un contrat de deux ans avec eux, mais je me suis rompu les ligaments croisés et j’ai eu du mal à revenir. Nous avons donc mis un terme à notre engagement après une année.
Pour la saison 2013/14, j’ai décidé de jouer en NM1, à Chartres. Mais mon physique continuait à me faire défaut. La saison suivante, je n’ai pas joué du tout car j’étais trop limité par mon genoux.
C’est en 2015/16, que je me suis relancé à Fougères en NM3. Mon ami El Kabir Pene (actuel joueur de Rennes en NM1) qui connaissait le coach Christophe Evano a facilité mon arrivée. Le projet me plaisait et nous avions de bonnes chances de monter en NM2 à très court terme. Ce fut chose faite puisque nous évoluons actuellement dans la poule B de NM2.
Quels sont les meilleurs joueurs que tu ais croisé sur les parquets ?
J’ai joué contre Boris Diaw qui évoluait à Bordeaux (Pro B) pendant le lock-out NBA. J’en garde un très bon souvenir. Au championnat du monde en 2006 avec l’équipe du Sénégal, nous avions affronté la Team USA, j’ai donc pu défendre sur LeBron James. Durant le même tournoi, la Chine était également dans la même poule que nous. J’ai pu me mesurer à Yao Ming (2,29 m). D’habitude, je ne suis par surpris de la taille des autres (il mesure 2,11 m), mais la c’était vraiment inhabituel que quelqu’un fasse une tête de plus que moi (rires). Durant l’Afrobasket, j’ai aussi joué contre l’équipe du Cameroun et Luc M’Bah a Moute (joueur des Clippers en NBA actuellement). Enfin pour la petite histoire, j’ai beaucoup conseillé Gorgui Dieng (actuel joueur des Minnesota Timberwolves en NBA) qui vient lui aussi du Sénégal.
Après 15 ans de basket professionnel, quels sont tes plus beaux souvenirs en carrière ? As-tu d’éventuels regrets ?
Mes années en Allemagne indéniablement. J’ai pu cotoyer le plus haut niveau européen en jouant l’EuroLeague. Après la Draft reste aussi un moment fort. J’étais présent au Madison Square Garden, entouré de LeBron James (premier choix) entre autres. Après je regrette qu’on ait perdu la finale de l’AfroBasket contre l’Angola en 2005. J’ai aussi joué cinq coupes d’Afrique avec le Sénégal mais je suis déçu de n’avoir jamais participé aux Jeux olympiques.
Tu as connu tous les échelons du basket français (de la Pro A à la NM3), comment évalues-tu le niveau de la NM2 ?
Honnêtement, je suis surpris tant le niveau est bon. Toutes les équipes appliquent bien leurs systèmes, les équipes sont scootées par vidéos. Chaque week-end on affronte un gros morceau, que ce soit La Charité, La Rochelle… c’est très dense. Globalement je remarque que le niveau de jeu est bon en France, il y a beaucoup de divisions dans lesquelles ça joue bien.
Ton club est actuellement huitième de la très relevée poule B. Comment juges-tu ta saison sur un plan collectif mais aussi personnel ?
C’est un saison à plusieurs visages. Après une pré-saison catastrophique durant laquelle on a perdu tous nos matchs, on a très bien démarré en championnat. Néanmoins depuis trois mois on est dans le dur. L’effectif a pas mal été renouvelé, avec le départ de notre Américain Justin Monroe et les arrivées de Rolan Roberts et de Tony Stanley. De plus, Mari Konaté s’est blessé et il vient de reprendre après sept matchs d’indisponibilité. Sur un plan plus personnel, je remarque qu’à chaque match mes adversaires me trappent, ça défend dur sur moi. J’ai tout de même réalisé de bonnes performances, comme par exemple face à La Rochelle où je mets 16 points (il tourne à 8 points de moyenne par match). Le coach est satisfait de moi jusqu’à présent.
La Nationale 2 est un championnat semi-professionnel. Quel est donc le quotidien d’un joueur de Fougères ?
On est dix dans l’effectif mais on est trois pro à plein temps. Les autres travaillent à côté. On s’entraîne cinq fois par semaine : le lundi matin, le mardi soir, le jeudi matin et soir et enfin le vendredi matin. Et le week-end est bien entendu consacré au match. En plus de cela, je coach dans des écoles de la région à des enfants de 7 à 11 ans. Je gagne correctement ma vie, j’ai une famille et je me vois donc poursuivre ici.
Enfin, un petit mot sur la retraite (récente) de Matt Bonner, drafté juste après toi en 2003 (44e position pour Badiane et 45e pour Bonner) ?
Une carrière de basketteur se joue sur des opportunités. Il a réalisé un bon parcours durant lequel il a su marquer les esprits. Je lui souhaite évidemment bonne chance pour la suite.
Le prochain match pour Malick Badiane et ses coéquipiers aura lieu à Fougères contre l’USV Ré ce samedi 25 février.