Entre ombres rédhibitoires et lumières pâles
Ainsi notre pays vient-il d’être choisi pour abriter les Jeux Olympiques de la Jeunesse(JOJ) d’été 2022. Déclenchant il est vrai, une certaine satisfaction et une appréciation positive souvent teintée d’émotion feinte ou réelle, plus polarisée dans quelque cercle mais pas vraiment dans la grande opinion ni même dans les réseaux populaires, parties prenantes à l’activité sportive. Avec également comme point d’orgue, le satisfecit du Gouvernement, à l’occasion du conseil des ministres du mercredi 17 octobre 2018.
Le charme de notre pays et l’une de ses grandes qualités, c’est d’avoir été, d’être, et de devoir demeurer, une terre de tolérance et d’ouverture, avec de vives traditions , conquises de haute lutte, d’émancipation et de formulation de la pensée et de droit d’exprimer ses opinions et convictions, comme l’une des marques irréfragables de la liberté du citoyen. Aussi m’était-il et m’est-il toujours devoir, de porter attention, courtoisie et respect aux manifestations de joie consécutives à l’événement, sans porter quelque once de trouble à la relative jubilation de compatriotes qui voient ce motif dans la désignation de notre pays, par le Comité International Olympique(CIO), pour abriter les JOJ d’été 2022.
Le CIO , faut-il le rappeler, est une éminente société d’hommes et de femmes , parfois de haute extraction, souvent de riche culture ,de vives compétences , d’habiletés et d’expériences avérées, et toujours de très grande qualité, a poursuivi et poursuit encore une immense œuvre d’encadrement de la jeunesse autour de valeurs et programmes qui, par le sport, la culture et l’éducation ,aident à construire un style de vie où le respect des principes éthiques universels, la paix et la solidarité ont un sens. Tout le monde connait la qualité de ses programmes notamment les JEUX OLYMPIQUES dont la première édition fut célébrée à Athènes, en Grèce, en 1896. Depuis lors, ils sont devenus le plus gros événement sportif au monde, avec des sujets de préoccupations qui ont très souvent défrayé l’actualité comme : la question de l’amateurisme et du professionnalisme, l’irruption effrénée de l’argent dans le sport, la question du dopage et le boycott sportif comme arme politique dans les relations internationales. L’impact, l’aura et l’audience de ces Jeux, à l’échelle planétaire, ont fini de conquérir le monde grâce aux médiats de masse, par l’achat à des coûts exorbitants des droits de retransmission télévisuelle, pour faire vivre à des milliards de téléspectateurs disséminés dans le monde , les prouesses et exploits de champions de légende comme Michael PHELPS, Mark SPITZ, Carl LEWIS , Allyson FELIX, la ‘’dream team ‘’américaine de basket ou le fabuleux Usain BOLT et tant d’autres athlètes d’exception. Il se trouve que, du fait du gigantisme qui caractérise les Jeux Olympiques d’été, une grande partie du monde est exclue de son accueil et de son organisation, notamment l’Afrique. Tout comme les Jeux Olympiques d’hiver, du fait de caractéristiques particulières, liées à l’environnement, au climat et aux très importants moyens requis, sont très loin de l’universalité prônée et sont confinés dans quelques zones du monde riche, avec presque toujours les mêmes abonnés.
Il faut bien signaler que, ces Jeux Olympiques là, sont différents des Jeux Olympiques de la Jeunesse. Les premiers s’adressent en principe aux meilleurs des meilleurs, les seconds sont des jeux multisports avec une dimension culturelle et éducative qui s’adressent aux jeunes gens de 14 à 18 ans. Ils visent à aider à la promotion des activités sportives, à diffuser et à favoriser le partage des valeurs olympiques. Ils visent surtout ,à faire éclore et évoluer des talents et espoirs capables de poursuivre leur carrière jusqu’au bout et de réaliser le rêve et l’exploit olympiques. Ces JOJ ont été créés en juillet 2007. La 1ère Edition a eu lieu à Singapour en 2010, la seconde à Nankin(Chine) en 2014 et la troisième vient de se tenir à Buenos Aires du 6 au 18 octobre 2018.
Il importe de noter que , pour les actuels Jeux Olympiques de la Jeunesse 2018 qui viennent de se dérouler à Buenos Aires, une rude sélection débouchant sur une élection serrée, avait opposé Medellín(Colombie),Glasgow(Royaume-Uni) et Buenos Aires(Argentine) en 2013 , avec un deuxième tour Buenos-Aires /Glasgow terminé sur un score de 49 voix contre 40. Alors que sur la ligne de départ, étaient enregistrées d’autres grandes villes du monde comme Guadalajara et Rotterdam. C’est un peu pour dire que, si le même modèle compétitif restait de mise, l’Afrique risquait encore d’être à la traîne face à des concurrents redoutables. Voulant donc briser ce carcan qui le poursuit depuis très longtemps, dans l’isolement de l’Afrique dans l’accueil et l’organisation de jeux sous l’égide olympique, le CIO a décidé que les Jeux Olympiques de la Jeunesse, qui sont encore une fois , différents des Jeux Olympiques et qui sont de niveau, de régime et de format réduits, pourraient pour la première fois, de façon ciblée, être attribués à l’Afrique. Décision en fut prise à l’occasion des jeux d’hiver de Pyeongchang en Corée du Sud en février 2018, et le processus d’être mis en œuvre pour aboutir à la recommandation de la Commission Exécutive le 7 septembre, avant le vote du 8 octobre 2018 désignant notre pays pour abriter les JOJ d’été 2022. Pourtant, il ne serait pas inutile de s’interroger sur la posture de certains ‘’grands d’Afrique’’ comme le Maroc qui poursuit inlassablement son rêve d’organiser la Coupe du Monde de Football et qui , dans ce sens, possède tous les équipements et moyens pour les grands événements sportifs ou surtout l’Afrique du Sud qui, après avoir fait la preuve de ses capacités en 2010 avec la coupe du monde de football, et restant la grande puissance économique et financière à même de pouvoir prétendre organiser les Jeux Olympiques d’été, n’ont pas été visibles sur «cette première africaine».
Ainsi, Dakar face à Abuja et à Gaborone, a remporté la palme car les observateurs avertis savaient déjà dès le mois de mai 2018 que, la Tunisie était recalée pour des questions liées à la géopolitique du monde arabe. Tunis , qui pouvait bien être un prétendant sérieux, malgré la douloureuse réminiscence’’’ des murs du Musée Bardo troublés’’’ en mars 2015. Voilà en gros le contexte de cette affaire qui, pour les analystes ,met bien en évidence , la qualité de management du CIO qui sait où il va, comment il y va ,en déployant tous les instruments , ressources et relais pour peser finement sur le processus décisionnel politique dans le cadre d’une démarche dont la transparence ne saurait être mise en cause et qui aboutit finalement à une affaire rondement menée.
Il convient de rappeler que, les distingués membres du CIO, une fois admis, prêtent le serment suivant « « Admis à l’honneur de faire partie du Comité International Olympique, et me déclarant conscient des responsabilités qui m’incombent à ce titre, je m’engage à servir le Mouvement olympique dans toute la mesure de mes moyens, à respecter et à faire respecter toutes les dispositions de la Charte olympique et les décisions du Comité International Olympique, que je considère comme étant sans appel de ma part, à me conformer au Code d’éthique, à demeurer étranger à toute influence politique ou commerciale comme à toute considération de race ou de religion, à lutter contre toute forme de discrimination et à promouvoir en toutes circonstances les intérêts du Comité International Olympique et du Mouvement olympique ».
On peut aussi rappeler que « Les membres du CIO représentent et soutiennent les intérêts du CIO et du Mouvement olympique dans leur pays et dans les organisations du Mouvement olympique au service desquelles ils se trouvent »
On peut donc valablement noter et apprécier la dextérité du monitoring de ce dossier aboutissant à la décision qu’on connait maintenant et qui, pour autant, sauf dans l’hypothèse exceptionnelle de couverture de la plupart des charges liées à cet événement par le CIO ou par un autre organisme extérieur, n’en projette qu’une pâle lumière pour aujourd’hui et demain sur des enjeux qui interpellent notre pays et qui, à mon sens, dressent des ombres rédhibitoires qui méritent d’être évoquées et explicitées. Cela, sans aller jusqu’à intenter une action rédhibitoire, comme diraient les juristes.
Après avoir noté l’expression de satisfaction et de joie de nombre de compatriotes, alors que, peu à peu, la clameur s’estompe, je crois pouvoir et devoir maintenant donner sereinement mon point de vue sur cette question de Sénégal JOJ 2022, qui concerne au fond tous les Sénégalais.
Ainsi, dans cette affaire qui semble apporter au Sénégal, visibilité et lumière, lumière que pour ma part, je le répète, je juge très pâle, je note quatre(04) ombres rédhibitoires :
Une double ombre rédhibitoire liée à deux contre-indications de nature politico-diplomatique ;
Une ombre rédhibitoire liée à de sérieuses raisons sportives ;
Une ombre rédhibitoire liée à de sérieuses questions de gouvernance.
Enfin, je livrerai mes observations et appréciations et indiquerai des avis et suggestions pour faire face à la situation.
I-Une première ombre rédhibitoire de contre-indication de nature politico-diplomatique, liée à l’organisation des JEUX AFFRICAINS ,dans le cadre de la construction et du renforcement de l’UNITE AFRICAINE
Au début des indépendances de nombre d’états africains, le souci de développer et de renforcer des liens fraternels et pacifiques, avait conduit à l’organisation des Jeux de la Communauté d’abord à Tananarive, ensuite à Abidjan avant les jeux de l’amitié de Dakar. Dans tout ce processus, se profilait la volonté d’utiliser l’activité sportive comme moyen de contact, de brassage et de communion au profit d’une jeunesse dont l’évolution historique et politique de son continent, avait fini de consacrer la balkanisation des Etats. Cette volonté fut matérialisée en 1966 avec la création du Conseil Supérieur du Sport en Afrique (CSSA) qui, pendant longtemps, s’attela à favoriser l’essor du sport africain dans son organisation et ses événements phares, notamment par la tenue des Jeux Africains, en veillant à leur pérennité. Malgré de très nombreuses difficultés, le CSSA s’est attelé à la tâche jusqu’à sa dissolution et la responsabilisation de l’Association des Comités Nationaux Olympiques Africains( ACNOA), dans la continuité de la gestion des Jeux Africains.
A ce jour, il y a eu onze(11) éditions organisées depuis la première de Brazzaville en 1965 :
Lagos 1973 , ALGER 1978,NAIROBI 1987, CAIRE 1991,HARARE 1995, JOHANNESBURGH 1999,ABUJA 2003,ALGER 2007(deuxième fois),MAPUTO 2011,BRAZZA 2015(deuxième fois).
Et le plus intéressant à noter, c’est que la prochaine édition en 2019, sera abritée par le MAROC dont tout le monde sait qu’il avait quitté le giron continental pendant de très longues années et’’’ aussitôt revenu au bercail ,il prend sa part d’Afrique’’’ de façon généreuse et volontaire en abritant les prochains Jeux Africains à CASABLANCA en 2019.
Tout le monde connait l’investissement et l’engagement de notre pays, pendant des décennies, dans la construction et la consolidation de cercles régionaux et de la réalisation de l’Unité africaine dont le principe est inscrit au frontispice de notre Loi fondamentale. Tout le monde connait également, les efforts méritoires assumés par le Sénégal, en soutien à nombre de luttes de libération dans le continent. Tout le monde connait enfin, le rôle et la place de nos diplomates, de nos soldats et de nos valeureux cadres dans la défense de la paix, des droits humains et dans la promotion des valeurs de progrès, de liberté é et de solidarité dans le continent. Personne au surplus, ne peut oublier combien notre pays a été une place forte centrale dans la formation des élites dirigeantes et dans l’éveil et le renforcement de la conscience africaine. Nous avons toujours été présents, considérés et respectés même quand ‘’’nous n’avions pas de grands moyens’’’ et que nous ne pouvions qu’aller chez les autres, pour participer. Quand donc, par un concours de circonstances pas encore maitrisées, nous nous sentons suffisamment forts et riches, pour accueillir la jeunesse du monde entier, mon humble avis est que : nous aurions dû commencer par la jeunesse africaine, à laquelle, onze états du continent ont tenu vaille que vaille, malgré les difficultés et vicissitudes de toutes sortes, dans la durée, à témoigner soutien, affection et amour. Le Sénégal, terre de culture, de sport, de traditions d’hospitalité et de solidarité, n’aurait pas déparé cette liste de onze états et bientôt douze avec le Royaume chérifien. Qu’il n’y soit pas, ne me semble pas singulièrement l’honorer , ni être à la mesure de ses responsabilités et de ses devoirs !
Accueillir au Sénégal, les jeunes de Belize, de Bolivie, des Bermudes, d’Aruba, de Sainte-Lucie ,de Saint-Marin, des Samoa américaines et des Maldives, c’est bien, c’est même très bien ! Mais ce serait encore mieux , dans le sens du bon principe senghorien de l’enracinement et de l’ouverture, de recevoir d’abord ,comme dirait l’autre , dans l’entre-soi africain , les jeunes vivant de part et d’autre du fleuve éponyme, témoin de la tragique fresque de Nder et de Dialawaly, pour que gaz et pétrole gisant au fond de l’océan, pêche et pâturage, ne soient jamais objet de discorde voire d’antagonisme. Pour que là-bas, dans le bassin tourmenté du lac Tchad, la jeunesse ne soit pas émue par des péripéties médiatico-judiciaires outre atlantiques, ni même par un’’’ hasardeux transit pro-électoral à la bonne chance ‘’’ qui ne semble pas nous avoir mis dans les bonnes grâces d’un nouveau et puissant César. Pour que là-bas très loin, dans les territoires zoulous et alentours, le souvenir de l’aigle de Sangomar volant courageusement et fièrement au nom de l’Afrique, pour apporter réconfort, soutien et confiance, en des temps difficiles et graves, ne s’estompe. Pour que là-bas aussi, dans tous les territoires proches du massif de l’Atlas et alentours, la flamme séculaire d’une amitié nourrie à la sève de la foi et qui transcende les épreuves, ne vacille. Enfin, pour que du sud au nord, d’est en ouest du continent, mais surtout tout près et dans tout le grand bassin du Niger et alentours, toute la jeunesse africaine ait conscience qu’elle partage le même destin et doit solidairement inventer un avenir commun de paix, de liberté, de progrès et de bien-être, pour que l’espérance ne meure jamais.
II- Deuxième ombre rédhibitoire de contre-indication de nature politico- diplomatique liée aux Jeux de la Francophonie
Ici, il n’est pas nécessaire outre mesure de s’étendre sur le rôle et la place de nos dirigeants de SENGHOR à Abdou DIOUF dans la création, la consolidation, l’élargissement et la visibilité politique et institutionnelle de la Francophonie. Au demeurant, à l’occasion du récent Sommet tenu à Erevan, le Président MACRON a rendu un vibrant hommage à SENGHOR et souligné combien le premier combat de la Francophonie devait être la jeunesse, surtout en Afrique, épicentre de la francophonie.
Par l’alliance du sport et de la culture dans des manifestations et compétitions qui favorisent rencontres, brassage, communion et solidarité dans l’espace francophone, les Jeux de la Francophonie ont été créés en 1989, sous l’égide de la CONFEJES dont le siège est à Dakar et dont nombre de hauts cadres Sénégalais, comme son premier Secrétaire général, le très distingué Amadou Lamine BA, grand serviteur du sport africain et International, ont grandement contribué à son expansion et à son rayonnement.
Les Jeux de la Francophonie ont déjà été organisés à : Casa Rabat 1989, Paris 1994, Antananarivo 1997, Ottawa 2001, Niamey 2005, Beyrouth 2009,Nice 2013 , Abidjan 2017 et les prochains Jeux en 2021 à Moncton- Dieppe au CANADA.
Là aussi, on voit bien qu’ à côté de Niamey, Abidjan, Antananarivo, notre pays ne déparerait pas la liste et ne serait pas en retard, par rapport à l’immense œuvre accomplie par de prestigieux compatriotes comme feu le Président SENGHOR et tout récemment encore, par le Président Abdou DIOUF, au sein de la Francophonie. Toutes ces questions ont été déjà agitées dans une contribution sous ce lien en date du 15 octobre 2015.
https://www.dakaractu.com/Hommage-public-et-solennel-de-l-Etat-et-de-la-Nation-au
On peut bien noter que sous le prisme des deux cas évoqués ci-dessus, relativement aux Jeux africains et aux Jeux de la Francophonie, l’option de Dakar, d’accueillir en revanche les JOJ, peut à certains égards, pour dire le moins, paraître contre productive, comme message ainsi envoyé à la communauté africaine et francophone.
III-Ombre rédhibitoire liée à de sérieuses raisons sportives
Il faut tout d’abord faire justice, aux différentes équipes qui ont eu la charge de conduire dans la durée, les destinées du Département des Sports et qui, dans la permanence, n’ont eu de cesse de concocter de sérieux programmes de développement de notre sport qui n’ont pas vraiment jamais reçu les moyens nécessaires à leur réalisation malgré les efforts faits, efforts limités par notre état de sous-développement. Dans ce sens, la politique en direction des petites catégories a le plus souffert du manque global de moyens : infrastructures, matériels pédagogiques, cadres formateurs, championnats réguliers, compétitions internationales, finances …etc.
Il est vrai que depuis quelques temps, des efforts soutenus faits par certaines fédérations sont en train de donner des résultats qui autorisent des espoirs.
Faut-il le rappeler, chaque fois qu’une embellie est notée dans notre sport de haut niveau, pour l’essentiel, elle est due à des joueurs et pratiquants dont la progression et les performances ont été construites et polies dans un environnement institutionnel, pédagogique et technologique étranger, généralement en Europe.
A l’interne, malgré les immenses efforts déployés par fédérations et techniciens dévoués, les capacités, les performances et le niveau dans beaucoup de disciplines sont à la traîne. Dés lors, les résultats s’en ressentent et accentuent notre recul là où nombre de nos voisins, grâce à une politique volontariste et à des investissements massifs couplés à une bonne organisation, en arrivent à gommer leur retard par rapport à nous et à nous dépasser quelquefois. C’est dire justement combien dans les catégories concernées par les JOJ, notre pays n’est pas à très bonne enseigne.
A titre indicatif, nous allons prendre deux référentiels relativement aux mêmes jeux, c’est-à-dire les Jeux Africains de la Jeunesse d’Alger qui viennent de s’y dérouler au mois de juillet et qui sont de niveau continental, et les Jeux Olympiques de la Jeunesse qui se sont justement déroulés du 6 au 18 octobre à Buenos Aires et qui sont de niveau mondial et qui ont d’ailleurs passé le témoin au Sénégal pour les prochains jeux en 2022. Nous allons ainsi essayer d’interroger les performances et classement de notre pays pour pouvoir bien nous situer par rapport au reste de l’Afrique et du monde.
Premier référentiel : Classement des pays aux Jeux Africains d’ALGER édition 2018
1er
Egypte 199médailles dont 101 or
10e
Kenya 15 dont 6 or
19e
Gabon 5 dont 1 or
2e
Algérie 226 médailles dont 71or
11e
Côte d’Ivoire 14 dont 3 or
20e
Guinée 4 dont 1 or
3e
Tunisie 136 dont 36 or
12e
R D Congo12 dont 2 or
21e
Gambie 3 dont 1or
4e
Maroc 106 dont 29 or
13e
Mali 5 dont 2 or
22e
Angola 7 dont 4 argent+3 bronze
5e
Nigéria 103 dont 29 or
14e
Mozambique 2 or
23e
Libye 14 dont 3 argent+11 bronze
6e
Afrique du sud 33 dont 15 or
15e
Cameroun 19 dont 1 or
24e
Ghana 6 dont 3 argent+3 bronze
7e
Ethiopie 25 dont 11 or
16e
Botswana 14 dont 1 or
25e
Burundi 5 dont 3 argent+2 bronze
8e
Ile Maurice 31 dont 8 or
17e
Zimbabwe 8 dont 1or
26e
Ouganda 5 dont 3 argent+2 bronze
9e
Namibie 28 dont 8 or
18e
Zambie 4 dont 1 or
27e
Sénégal 3 dont 2 argent+1 bronze
Le Sénégal est suivi dans ce classement par des pays comme le Rwanda, le Cap-Vert, le Tchad, Madagascar, Centre Afrique…….jusqu’à Soudan Djibouti et Sierra Léone.
L’on constate ainsi très aisément que dans ces catégories ‘’jeunes’’, notre politique ne nous permet pas de faire le poids et nous envoie dans les profondeurs du classement, derrière presque tous les pays frères de notre zone : Côte d’Ivoire, Mali, Guinée et même Gambie.
Cette 27e place du Sénégal aux Jeux africains de la Jeunesse d’Alger, devrait susciter une vive réflexion et une puissante réaction pour l’avenir.
Pourtant, dans les traditions sportives du Sénégal, dans tous les jeux multisports ‘’seniors’’, notre pays a toujours été dans le peloton de tête, parmi les 7 premiers voire même mieux classé quelquefois. Alors qu’il faisait face toujours aux poids lourds comme l’EGYPTE, l’AFRIQUE du SUD, le NIGERIA, suivis des pays du Maghreb ou d’Afrique centrale ou de l’est.
Deuxième référentiel :Classement des pays aux JOJ de Buenos AIRES 2018
Après donc les Jeux Africains de la Jeunesse d’ALGER en juillet 2018 qui étaient rappelons le, de niveau continental, les meilleurs jeunes sportifs d’Afrique se sont retrouvés à Buenos Aires en octobre 2018 pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse, concernant le monde entier.
Ici, nous allons prendre en compte les éléments de l’interview du Responsable de la Commission technique du Comité National Olympique et Sportif Sénégalais(CNOSS) avec le Journal sportif Stade du 11octobre 2018, dans laquelle, il nous confirme que tous nos athlètes présents à Buenos Aires, ne doivent pas leur présence à une qualification, mais ont bénéficié de ‘’wild card’’ dans le cadre de la règle de l’universalité.
Cette règle permet aux Comités Nationaux Olympiques qui n’ont pas de sportifs qualifiés sur le terrain, de pouvoir malgré tout, participer notamment en bénéficiant d’invitations en athlétisme et en natation et quand les performances minimales le justifient, dans certaines autres disciplines.
Pour le bilan de la participation sénégalaise à Buenos Aires 2018, le Responsable de la Commission technique du CNOSS nous apprend : « Nous sommes avec deux nageurs :Amadou NDIAYE engagé au 400 m nage libre au 800 m nage libre, Ramatoulaye CAMARA a concouru aux 50m brasse et aux 50 m nage libre. En escrime nous avons Moustapha COLY au sabre. En athlétisme, Maty Assane DIOP va courir le 100 m plat…….Ils sont tous invités. Cela veut dire qu’on ne peut pas attendre grand-chose d’eux. Les trois se sont arrêtés au premier tour ………….Moustapha COLY a fait 7 combats qu’il a tous perdus. Il n’a marqué que 2 points. Ramatoulaye est 5e dans sa série et Amadou NDIAYE 7e »
On voit ainsi que malgré la bonne volonté et le courage de nos athlètes et de leurs encadreurs, le fossé qui nous sépare de nos concurrents d’Afrique et du monde, est grand.
Au classement général des pays, à l’occasion de ces JOJ 2018 de Buenos Aires, on trouve en tête : Russie, Chine, Japon, Hongrie, Italie, Argentine, Iran, Etats-Unis, France…etc.
Quant à la participation africaine, il y eu 13 pays africains classés parmi les 83 pays médaillés. Les 5 pays africains les mieux classés sont : EGYPTE 23e, Afrique du SUD 26e, ETHIOPIE 32e, MAROC 44e, NIGERIA 49e, TUNISIE 54e. On constate ainsi que l’Egypte , qui est la meilleure équipe des Jeux Africains de la Jeunesse, pour avoir remporté deux des trois éditions organisées en Afrique, se retrouve à l’échelle mondiale, à la e 23place. C’est tout dire de l’âpreté du challenge qui nous attend à l’occasion des JOJ 2022 au Sénégal.
Dans notre zone ouest-africaine, en dehors du Nigéria, seul le Niger a eu une médaille de bronze, ce qui lui permet d’être parmi les pays qui ferment le tableau de classement à la 83e place. Notre pays quant à lui, n’a pas la chance d’y figurer.
Sur la base de toutes ces données, on peut bien convenir qu’il y a de sérieuses ombres rédhibitoires liées à l’état de notre sport des petites catégories. De façon générale, nous devrions apprendre à bien lire et interpréter les éléments concrets de l’état de progrès ou de recul de notre pratique sportive et ne pas surfer sur un coup de pied heureux ou malheureux qui nous enverrait ou pas, à participer à une compétition de prestige dont le plus souvent la suite laisse à désirer pour ne pas en dire plus.
En conclusion sur ce point essentiel, on peut retenir qu’organiser des joutes sportives de niveau mondial au Sénégal alors que l’état de notre sport est ce qui est signalé ci-dessus, c’est-à-dire, un double fossé, d’abord par rapport à l’Afrique, ensuite par rapport au reste du monde, nous commande une démarche sérieuse, innovante et hardie s’appuyant sur une planification, une organisation et une logistique inédites, pour pouvoir faire face et tenir honorablement à l’occasion des prochains JOJ de 2022.
IV- Ombre rédhibitoire liée à de sérieuses questions de gouvernance
Les JOJ sont certes, de poids, d’audience et de standing réduits par rapport au JEUX OLYMPIQUES, pour autant, ils n’en coûtent pas moins très cher. En prenant comme référence Buenos Aires qui vient d’organiser de fort belle manière l’édition de
2018, malgré que sur les 26 sites de compétitions, les 22 étaient déjà disponibles et en état, les prévisions financières d’organisation étaient évaluées à 200 millions USD sur lesquels, il n’était escompté qu’un soutien de moins de 15 millions USD du CIO, pour soutenir l’hébergement et la restauration des participants. C’est dire que c’est d’un coût important et prohibitif. Quand on pense à la trentaine de disciplines sportives au programme et dont pour certaines les infrastructures n’existent pas encore ici, on imagine contrairement à Buenos Aires, un renchérissement éventuel des coûts de préparation. Cela au moment où, sans trop y insister, pour ne pas laisser libre cours à des interprétations tendancieuses, notre pays est confronté à un certain nombre de brulantes préoccupations sociales.
Tout semble indiquer qu’avec les JOJ, notre pays va vers des niveaux de financement jamais atteints ni même rêvés pour le sport de notre pays. Et c’est là le problème, car une telle volonté politique pour une telle option, qui va se traduire par une allocation de ressources d’une telle ampleur, méritait, dans la vision et la formulation, un sens plus aigu dans la confrontation des aspirations, des besoins, des normes et des priorités. Il est clair que les ressources qui vont aller à la préparation et à l’organisation des JOJ d’été de 2022 , auraient mieux servi à financer un ambitieux programme de modernisation et de développement du sport sénégalais pas simplement à Dakar et Diamniadio ,mais de façon assez équilibrée, dans au moins 8 régions pilotes pour élargir la carte de la pratique populaire des sports mais surtout faire progresser le sport de haut niveau sénégalais. Cela aurait sans doute eu le mérite de positionner l’actuel Chef de l’Etat, le Président Maky SALL, comme le plus grand bâtisseur et le plus efficace rénovateur du sport sénégalais de tous les temps. Comme d’ailleurs, dans une contribution en date du 15 octobre 2015 , je me surprenais à l’y inviter« ………Vivement que le Président Maky SALL se hisse à la hauteur de la mutation apportée par le General de GAULLE au sport français, pour, dans un surgissement historique, par des mesures stratégiques fortes et inédites, installer définitivement le sport sénégalais sur la rampe de lancement , dans la promotion d’un système pensé ,cohérent, méthodique et organisé et non dans la voie d’un »mbaboor » dont les effluves fugaces ,s’évaporent toujours avec la rosée du matin ». https://www.dakaractu.com/Hommage-public-et-solennel-de-l-Etat-et-de-la-Nation-au
Le Général de Gaulle, rappelons le, avait été vivement choqué par les contreperformances du sport français aux JO de Rome en 1960. Il sonna la révolte et entreprit de transformer en profondeur le sport français par des mesures d’une hardiesse, d’une justesse et d’une ampleur telle que, quelques années plus tard, le sport français recolla efficacement au peloton mondial de tête.
En parlant de gouvernance, comment ne pas dire un mot sur le CNOSS dont on doit à la vérité et à l’honnêteté, de reconnaître que l’actuel président, Monsieur Diagna NDIAYE ,lui a apporté comme jamais dans son histoire, plus de ressources, plus de visibilité et de positionnement institutionnels, plus d’avantages et de privilèges et surtout une plus grande ouverture au monde. Mais pour quels résultats ? BEIJING 2008, LONDRES 2012, RIO 2016 ? Cependant que nos amis ivoiriens et nigériens réalisent de brillantes performances aux Jeux Olympiques surtout dans une discipline dans laquelle, nous tenions la dragée haute. Alors que se profilent à l’horizon, TOKYO 2020, PARIS 2024, et LOS-ANGELES 2028, je suis tenté de ‘’bousculer un peu’’ les frères et amis du CNOSS pour leur dire que quelque chose doit bouger à la mesure de l’engagement, de la bonne volonté et de la valeur que je leur reconnais. J’ai eu d’ailleurs à aborder spécifiquement cette question dans une précédente contribution¨, en 2016, dont lien ci-dessous.
https://www.dakaractu.com/JEUX-OLYMPIQUES-AU-REVOIR-RIO-2016-DEJA
Tels sont donc les divers éléments sur lesquels, je fonde mon appréciation sur le choix du Sénégal pour abriter les JOJ d’été 2022. Alors que nombre de compatriotes manifestent satisfaction, joie et émotion, je ne ressens qu’un profond sentiment de gravité. Pour autant, le’’ bissap’’ étant déjà tiré, il faut le boire et faire face.
Dans ce sens, je suggère que le Chef de l’Etat, qui s’est engagé en première ligne dans cette affaire, par une présence qui eût pu être superfétatoire et qui en définitive, revêt une forte signification de caution politique et morale très contraignante, fasse convoquer un Conseil National des Sports extraordinaire, avec un double objectif :
Faire l’état des lieux du sport sénégalais : dans son environnement institutionnel ;son rôle et sa place dans notre société ;son organisation et ses résultats ;ses orientations et ambitions ,ses programmes et ressources, dans une perspective de durée ;
Partager le projet JOJ 2022 avec toute la communauté sportive et les experts de notre Administration et de la société civile en vue d’une appropriation nationale pour une plus grande synergie d’action.
Cette appropriation nationale est d’autant plus importante que, à l’inverse des Jeux Olympiques qui ont une résonance mondiale et qui attirent tous les grands médiats du monde qui leur consacrent des ressources exorbitantes ,les Jeux de la Jeunesse, pour leur part, ne suscitent pas autant d’intérêt et conséquemment les ressources des grands médiats n’affluent pas. C’est simple ,il faut voir l’intérêt et l’attention prêtés par les populations de notre pays d’une part, et le traitement que nos Journalistes sportifs et les télévisions de notre pays d’autre part ,ont accordé à la couverture des Jeux Africains d’Alger et ensuite à celle de Jeux Olympiques de Buenos Aires ,pour prendre conscience des limites objectives de l’audience de l’événement et justement en pouvoir mesurer le chemin à parcourir pour rendre les choses beaucoup plus favorables. C’est du reste, cette audience limitée, qui pousse le CIO à exiger des garanties encore plus importantes notamment des pouvoirs publics, pour couvrir les éventuels déficits. Pour le reste, ce projet nécessite des responsables concernés de savoir partir à temps et de travailler avec organisation etméthode. L’immense capital d’expérience au sein de notre Administration et de la communauté sportive, pourra grandement y aider.
Le moment venu, comme tout le monde, je verserai dans les contributions, ce que je considère comme le ‘’ trident’’ sportif, sous forme de palette de classification à trois niveaux des disciplines à prendre en charge et à engager dans l’entreprise des JOJ 2022. Et surtout le projet de transformation du Centre National d’Education Populaire et Sportive de Thiès(CNEPS),en base d’application de la politique de détection ,de formation et d’encadrement du sport de haut niveau au Sénégal, à l’image de ce que l’ancien Institut National des Sports fut pour la relance du sport français ,à l’initiative du général de GAULLE et de Maurice HERZOG et dont le monde entier à vu et salué les performances.
Pour conclure, je voudrais signaler que cette question des JOJ 2022 est un sujet sérieux et important. Il ne doit pas être perçu sous un angle personnel ou ‘’politicien’’. Il concerne les affaires du pays et le Pays. Il suffit juste de se dire qu’ au-delà des dépenses faramineuses qui seront faites sur deniers publics, de notre image nationale qui sera engagée , nous allons accueillir des gens venant de partout, avec leurs cultures, leurs mentalités, leurs orientations , leurs tendances , leurs penchants et leurs travers, pour nous convaincre que c’est aussi une chose qui peut être compliquée au regard de notre sentiment d’identité nationale, de la planification générale de notre développement et enfin de nos us et coutumes. Il faut donc en faire un débat de responsables, non de plumes à la commande ou de voix à la télécommande, ni même de flibustiers ou d’artificiers en mal d’intérêts, encore moins, de corbeaux à gages. Il convient aussi très fortement, d’être suffisamment présent et prégnant dans le Comité de Co-construction, pour tirer au mieux, avantage et durabilité dans tous les processus décisionnels. En somme, faire de sorte que dans le management futur, il y ait en plus, c’est-à-dire en trop, ce qui manifestement, a existé en moins, dans la genèse et la validation de cette affaire.
Le prestige et l’honneur du Sénégal seront en jeu en 2022 et il conviendra que tout soit fait pour les défendre et les préserver, et personne, en principe, ne devrait être de trop, pour y contribuer, patriotiquement.
Très sportivement
Dakar, le 29 octobre2018
Adama THIAM
Ancien Conseiller du Premier Ministre
Ancien Directeur de cabinet au ministère des Sports
Ancien Directeur de cabinet au ministère de la Jeunesse et des Sports
Ancien Directeur de la Haute Compétitio
avec seneweb