Ce papier n’a pas eu pour déclic la défaite subie à Rabat. Ça peut arriver à n’importe quelle équipe. Par contre depuis sa nomination, je me pose toujours la même question : Quelle mouche a piqué nos dirigeants au point de confier les rênes de l’équipe première à quelqu’un qui n’a jamais dirigé une équipe ? A parachuter l’adjoint de l’entraineur des Olympiques comme titulaire de l’équipe A ?
Ma conviction est que le Sénégal a assurément raté des succès qui étaient largement à sa portée en 2017 et 2019. Je suis également convaincu qu’il y avait de la place pour un parcours beaucoup plus honorable en Coupe du monde que la sortie au premier tour. Un bref rappel du contexte dans lequel CISSE a été fait sélectionneur s’impose pour revisiter son parcours et lorgner l’avenir de notre sélection.
Contexte et scandale d’une nomination
On sortait d’une CAN 2015 marquée par une conférence de presse de Giresse à la fois virulente et révélatrice de la déception du peuple du foot sénégalais. Une génération prometteuse composée des olympiques de 2012 (Gana, Kouyaté, Souare, Kara, Sadio Mané, Stéphane Badji) accompagnés de quelques anciens comme Mame Birame, Moussa SOW, Papiss CISSE etc., a sombré après une victoire haut la main contre le Ghana, un nul contre l’Afrique du Sud et une défaite sans ambages 2 à 0 contre l’Algérie de Gourcuff.
Une bonne équipe était déjà en place mais les errements de Giresse (changements trop profonds du onze de départ entre deux matchs) durant la compétition ne l’auront pas aidée. Suivant la clameur populaire, la solution à nos contreperformances devait, alors, venir du banc que devrait, surtout occuper, un entraineur sénégalais. Aliou CISSE qui faisait encore ses classes à Châteauroux (adjoint) a eu le toupet de postuler et a été choisi au grand dam de l’expertise locale avérée portée par des techniciens chevronnés qui ont au moins marqué leurs passages dans des clubs fussent-ils sénégalais.
Ses défenseurs fondent la légitimité de son choix sur le fait que tous les autres ou presque ont déjà été mis à l’épreuve occultant dans leur plate analyse les conditions de préparation d’alors mais surtout les différences de potentiel entre les générations.
Les Karim Sega DIOUF, Lamine NDIAYE, Lamine DIENG, Abdoulaye SARR, LOCOTTE ou encore Sadio DEMBA, pour ne citer que ceux-là, ont dû assister à l’accession d’un apprenti à la tête de l’équipe nationale A. Or il s’avère que cette institution n’est pas un laboratoire pour apprenant. Elle doit être pour tout technicien un aboutissement, une consécration d’un parcours qui légitime des espoirs de réussite. Certains pays l’ont pourtant compris après des débâcles. On aurait pu s’en inspirer.
La France qui a cru bon de confier à PLATINI, fraichement retraité des terrains, sa sélection, a connu quatre années difficiles alors que l’Olympique de Marseille qui a compté au même moment jusqu’à huit titulaires en Equipe de France connaissait ses heures les plus glorieuses. Manifestement un problème de technicien. Même cause même effet. L’Argentine du petit coach, mais immense joueur Maradona a été balayée 4 à 0 par l’Allemagne en quarts de finale du Mondial 2010. Cette Allemagne qui, quatre ans auparavant, n’avait pas été convaincue par le joueur néo retraité Juergen KLINSMANN dompté par le Maestro LIPPI sacré champion du monde.
Depuis, la France, forte de l’expérience PLATINI, a pris son temps et observé attentivement l’apprentissage de Laurent Blanc d’abord (coach des girondins, champion de France, puis de Deschamps (finaliste de la Champions League avec Monaco, passé par la Juventus, champion de France avec l’OM) avant d’en faire des sélectionneurs.
L’Argentine, après la déroute de 2010 a été très proche de remporter le graal en 2014 du fait du chevronné Alejandro SABELLA. La liste est longue, mais on pourrait aussi citer l’Italie pour les cas CONTE et aujourd’hui MANCINI.
Si les LIPPI, HITZFELD, SACCHI, BILARDO, JACQUET, CAPELLO, BIELSA etc., sont de renommée mondiale c’est qu’ils ont eu l’humilité d’apprendre leur métier cumulant expertise, expérience et vécu.
Cette valeur, le président LEGRAET de la FFF l’aura rappelé à Zidane quand ce dernier a voulu céder à la prétention de coacher l’EDF après le limogeage de BLANC en 2012. Tout en lui prédisant une belle carrière, il l’a gentiment invité à se former à ce nouveau métier. Le résultat est jusqu’ici impressionnant.
Au Sénégal, les fédéraux et le Directeur technique se sont accordés sur le choix d’un « aboyeur » qui en tant que joueur ne boxait vraiment pas dans la même catégorie que les légendes citées plus haut. Pauvres de nous ! Ce qui est désolant c’est que ni la presse sportive, sinon inculte du moins inexistante, ni les experts du football, au nom d’une prétendue union autour de l’équipe, n’ont apposé leur véto.
Leur silence est fatalement complice.
Pourtant, il n’y a aucun chauvinisme à dire que Aliou CISSE ne mérite pas de diriger cette équipe et que c’est même lui rendre un mauvais service que de le faire débuter par le sommet. Cela procède d’une analyse lucide et rationnelle dictée par les enjeux du moment et l’intérêt général. Ces impératifs ne laissent place à aucune forme de complaisance. Il s’agit juste de mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
Un parcours et un jeu regrettables
A présent, au vu du parcours, mais surtout de la production individuelle et collective de nos joueurs, on est certainement déçus mais aucunement surpris. Ainsi sur le plan du jeu, CISSE, accompagné de son mentor BOGAERT, (un pied de nez à l’expertise locale sur la base de laquelle il a été nommé) peine encore à percer les blocs bas et s’expose dangereusement aux contres adverses (revoir les deux derniers matchs de CAN disputés contre la Tunisie en 2017 et 2019).
On découvre également qu’il a du mal avec les formations qui prennent l’option de l’attaquer à la gorge (match de poule à la CAN 2019 contre l’Algérie ou récent match amical contre le Maroc). Par ailleurs, à l’heure où 30% des buts sont marqués sur coups de pied arrêtés dans le football moderne, le Sénégal de CISSE, qui domine pourtant tout le monde par la taille, après 52 matches, n’a pas scoré plus de cinq fois sur ces situations.
On peut ajouter que les joueurs ne progressent pas sous la coupe de CISSE en équipe nationale. Les voir s’exprimer sur les pelouses européennes est bien plus plaisant. Pourquoi ?
Perspectives
Que peut-on encore attendre d’un tel sélectionneur ? Absolument rien ! Sinon une histoire qui se répète alors qu’il y a assurément moyen de faire beaucoup mieux. Pour ceux qui pensent qu’il sera difficile de redresser la barre d’ici la CAN prochaine, je rappelle que BELMADI, son tombeur, n’a passé que dix mois avant de brandir le trophée de la CAN. En revanche, si son statut de finaliste malheureux (comme du reste, le Burkina en 2013) et sa position flatteuse de numéro de N° 1 au classement FIFA légitiment encore sa présence, vaut mieux, d’ores et déjà, faire nos provisions de larmes, attendre une conférence de presse aussi mémorable que la der de Giresse et dire adieu à cette très belle génération, sans doute la meilleure. Tout en espérant que les dirigeants du futur fassent preuve de plus de jugeotte au moment de choisir son successeur.
Par One S
sallkaw@yahoo.fr
PS : Ce qui est arrivé au football s’annonce au basket où Boniface NDONG a été porté à la tête des « lions » alors qu’il est encore assistant coach en NBA. Encore une fois, Matar BA valide ce choix engageant ainsi nos deniers publics dans des aventures perdues d’avance. Comme quoi le fossé est grand entre les navétanes et le monde professionnel !