Dakarmidi – J’ai été élève de Oustaz Oumar Dramé dit » Professeur » au Daara, de Monsieur Biaye (Abdoulaye) à Sédhiou, de Monsieur Mané (Maaneebaa) à Pikine, de Madame Barrière au Lycée Blaise DIAGNE et étudiant des Professeurs Nzouankeu, Ibrahima FALL, Ibou Diaité et autres. Oui, Gendarme pendant quarante ans, je suis » passé entre les mains », formule consacrée pour dire avoir été formé, modelé ou formaté en langage NTIC, par des éducateurs avant tout. Ces personnalités (ils l’étaient véritablement) forçaient le respect par leur science mais surtout par le modèle de tenue (vestimentaire comprise) et de vertu qu’ils incarnaient et inculquaient à l’assoiffé de savoir et de vie réussie que j’étais, dans ma volonté de faire la fierté de mes parents.
J’ai suivi, élève au lycée Blaise DIAGNE, les événements de Mai 1968, habitant dans une maison de jeunes enseignants qui avaient mis leurs ressources ensemble pour payer le loyer et la nourriture (suivez mon regard). Ceci pour dire que j’ai connu l’action syndicale dans l’enseignement public dès la première décennie de notre indépendance et que j’ai vécu la dure vie d’élève éloigné de ses parents, sans bourse, marchant sur plusieurs kilomètres pour se rendre au lycée. Jamais, je n’ai été témoin de mouvements tels que ceux qui se déroulent sous nos yeux.
Les personnes de ma génération doivent certainement comme moi, s’étonner et se questionner sur une telle évolution (négative). Nos » maîtres », du primaire à l’université, étaient syndiqués pour la plus part, mais n’avaient jamais sacrifié notre droit au programme annuel sur l’autel de leurs revendications corporatistes. Élève, puis étudiant, jamais les infrastructures et équipements d’enseignement n’ont été vandalisés. Poser des barrages sur les routes à grande circulation et y enflammer des pneus, sont devenus une pratique à la mode au Sénégal et se retrouvent naturellement dans nos écoles, lycées et universités avec en plus la mise à sac des salles, amphithéâtres, bibliothèques et archives mais aussi l’incendie de véhicules de transport de masse ou appartement à l’Etat. Le « cocktail » est complété par des affrontements avec les forces de l’ordre considérés comme actes de bravoure.
Gendarme, j’ai prêté serment » de ne faire usage de la force qui m’est confiée que pour le maintien de l’ordre et l’exécution des lois et règlements » (décret 74-571 du 11 Mai 1974 portant règlement sur l’emploi et le service de la Gendarmerie). La formule est d’une redoutable précision : d’abord, la conscience que la force légitime m’a seulement été confiée (à travers l’Etat, premier délégataire) par son unique possesseur, le peuple souverain. Ensuite, le but (unique) de cette force est l’application des lois et règlements de la République constituant son cadre » infranchissable « . C’est de tout cela qu’il est dit » force doit rester à la loi ». L’usage de la force et au besoin celui des armes tir à balle réelle) est bien prévu par la loi.
C’est le lieu de rappeler que la formation du personnel des forces de défense et de sécurité porte autant sur les techniques du maintien de l’ordre incluant la socio-psychologie des foules (capacité d’analyse comportementale des rassemblements de personnes dans un environnement donné) que sur les textes nationaux et internationaux. Ces hommes et femmes sont en plus aguerris sur le terrain pour devenir des agents accomplis.
Les Sénégalais relèveront certainement que deux modes d’action différentes de la gendarmerie ont été conduits à Saint Louis et à Patar avec la même toile de fond des événements à l’UGB. Au premier endroit, la foule des étudiants était violente, au second, les habitants de Patar, village de naissance de l’étudiant Mouhamed Fallou Sène, manifestaient pacifiquement malgré leur douleur. D’un côté il y avait une volonté ferme « d’en découdre » avec les gendarmes, de l’autre, elle visait juste à se faire entendre par les autorités. Comme moi, les deux commandants d’unité d’intervention sur ces lieux, ont été élèves et étudiants.
Ces deux situations ont montré le professionnalisme qui caractérise le personnel de nos forces de défense et de sécurité qui savent adapter leur mode d’action à toutes les situations possibles. Ceci explique que la police et la gendarmerie fournissent le plus important effectif au monde, au service des Nations Unies. Il s’y ajoute que beaucoup de leurs cadres servent comme experts dans d’autres structures techniques et opérationnelles des Nation Unies assistant la justice, le gouvernement et le parlement des pays en crise profonde (RDC, RCA).
Compte tenu de tout cela, il est injuste d’indexer systématiquement les forces de sécurité, l’Etat et la justice chaque fois que des conséquences graves telles que des morts d’hommes surviennent particulièrement à l’occasion des violences à l’intérieur des établissements d’enseignement et les voies publiques, en oubliant les auteurs des actes de violence et de vandalisme. C’est une forme d’apologie de la violence que de mettre en exergue les conséquences d’une action de maintien de l’ordre ou un dysfonctionnement de l’Administration en taisant ou en minimisant les violences perpétrées par ceux qui se seraient sentis lésés par les manquements avérés ou non de l’Etat. Elle encourage, puisse que justifiant, le recours à la violence à l’occasion de tout rassemblement. Dans le même esprit, et sans préjuger des raisons profondes qui ont motivé le double limogeage du recteur de l’UGB et du directeur du CROUS, je crains que l’acte soit interprété comme une caution à la violence estudiantine et sa légitimation comme moyen de revendication.
Les Sénégalais doivent comprendre qu’il n’y a aucune raison objective de condamner les forces de défense et de sécurité en tentant de les discréditer à travers des commentaires malveillants. Je suis obligé de nommer les organisations telles Amnesty International Sénégal, la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH) et Article 19, qui (c’est devenu une habitude) comme plus au fait que le procureur de Saint Louis, des détails factuels des événements à l’UGB, se sont empressés de qualifier de » meurtre » le décès de l’étudiant Sène et d’excessive, l’action des forces de sécurité « sans aucune autre forme de procès ».
Quid de la grève décidée par le syndicat de l’enseignement supérieur (SAES) en » solidarité » avec leurs étudiants. C’est complètement renversant d’incohérence à la veille des évaluations et au moment où on parle de rattrapage des heures perdues du fait des précédentes grèves. Comme si cela ne suffisait pas, un de leurs dirigeants se propose de participer à une » commission d’enquête indépendante » dont il réclame la création pour faire la lumière sur les incidents à l’UGB, sans dire quelle compétence en matière d’enquête criminelle il avait et quelle valeur juridique aurait aux yeux du juge, le rapport que cette commission produirait.
Avec le terrorisme qui frappe à nos portes, Il n’est pas d’un bon ton de s’en prendre ainsi aux agents en charge de notre sécurité à tous. Une analyse lucide des événements de cette nature et un discours responsable et constructif sont les contributions qu’on devrait attendre de tous et particulièrement de la société civile. Personne ne doit se méprendre sur le but de l’enquête diligentée par le procureur qui concerne toutes les infractions liées aux événements malheureux de l’UGB. Il s’agit donc de celles susceptibles d’être imputées au personnel des forces de l’ordre mais également aux étudiants et à toute autre personne impliquée dans les manifestations, les actes de vandalisme et les violences contre les agents de la force publique. Ceci doit être clair dans la tête de chacun pour éviter tout malentendu.
La France républicaine depuis plus de trois siècles a connu la grande misère jusqu’au cœur de sa capitale pendant près de deux décennies (1950-1970). Au lieu de susciter des vagues d’émeutes, c’est un mouvement caritatif avec un religieux, le Père Joseph Wresinsky, avec son organisation ATD (Agir Tous pour la Dignité) Quart-Monde, qui a » mené le combat » pacifique de sensibilisation citoyenne française et mondiale pour lutter contre la misère.
Cet exemple doit être profondément médité par les Sénégalais sur deux thèmes: dans une société, la violence n’a jamais rien résolu et l’effort personnel sans attendre l’Etat est la voie. Il est difficile d’imaginer que le gouvernement d’un État à peine sorti d’un demi-siècle d’existence, peut être en mesure de régler tous les problèmes existentiels de ses citoyens et sans aucun dysfonctionnement de son administration.
En ce début de Ramadan, j’implore le pardon de ceux que mes propos présents et passés ont pu offenser. Mon but est seulement de m’acquitter d’un devoir religieux fondé sur l’enseignement du Prophète de l’Islam (PSL) : » aimer (agir pour) sa Nation est inhérent à la foi ». Que la paix de Dieu remplisse nos cœurs.
La rédaction