FRANCE DEGAGE
Deux cents ans après la naissance de Louis Faidherbe (1818-2018)
Dakar, le 31 mai 2018
A Monsieur Alioune Ndoye
Maire de Dakar Plateau
Objet : demandes de débaptisation de l’avenue Faidherbe et de rencontre
Monsieur,
A l’occasion du bicentenaire de la naissance de Louis Faidherbe, né à Lille le 3 juin 1818, nous pensons qu’il est venu le temps de débaptiser les rues qui rendent hommage à des hommes qui personnifient l’oppression de notre peuple d’hier à aujourd’hui. Faidherbe est l’un d’eux et nous proposons de commencer par lui. La seule évocation du nom de Faidherbe renvoie aux heures les plus sombres de la colonisation de l’Afrique en général, du Sénégal en particulier. Louis Faidherbe c’est la conquête coloniale de l’Afrique avec des villages pillés, brûlés, rasés et des êtres humains violés, exploités, assassinés au Sénégal, des peuples asservis dans l’intérêt de la France coloniale. Nous joignons à cette lettre une liste de certains des hauts faits coloniaux de Faidherbe. Comment peut-on accepter que nous les violés tatouions les noms de nos violeurs sur nos corps ? Faidherbe ne mérite pas qu’une de nos avenues porte son nom. Faidherbe et d’autres ont leur place dans le musée de l’oppression des peuples et non dans nos espaces publics. Ils doivent être enseignés comme piliers des systèmes qui avilissent les êtres humains et les peuples.
Monsieur le maire, comme Sembène Ousmane écrivit à Léopold Sédar Senghor en 1978, nous vous écrivons en 2018 pour vous dire la même chose que le cinéaste sénégalais dit au président de la république du Sénégal: « N’est-ce pas une provocation, un délit, une atteinte à la dignité morale de notre histoire nationale que de chanter l’hymne de Lat Joor sous le socle de la statue de Faidherbe? Pourquoi, depuis des années que nous sommes indépendants à Saint-Louis, Kaolack, Thiès, Ziguinchor, Rufisque, Dakar, etc., nos rues, nos artères, nos boulevards, nos avenues, nos places portent-ils encore des noms de colonialistes anciens et nouveaux ? Notre pays n’a-t-il pas donné des femmes et des hommes qui méritent l’honneur d’occuper les frontons de nos Lycées, collèges, théâtre, université, rues et avenues, etc…? »
Une avenue à laquelle il est donné le nom de Faidherbe et de tout autre esclavagiste, colonialiste, néocolonialiste revient à glorifier nos bourreaux d’hier et d’aujourd’hui. Cela revient à raconter l’histoire mais du point de vue du chasseur colonial. Cela revient à insulter leurs victimes et leurs descendants. Il est temps que nous sénégalais nous guérissions de ce syndrome de Stockholm qui n’a que trop duré.
C’est pourquoi, nous, citoyens, descendant.e.s de colonisé.e.s, militant.e.s et habitant.e.s anticolonialistes, membres de la plateforme FRANCE DEGAGE ou pas, demandons la débaptisation de l’avenue qui porte le nom de Louis Faidherbe ainsi que de tous les autres espaces publics où il est rendu hommage à l’oppression coloniale et néocoloniale. Nous demandons qu’à leur place soit rendu hommage aux victimes de la colonisation et à celles et ceux qui y ont héroïquement résisté.
Monsieur le maire, la mairie de Barcelone s’est débarrassée de la statue d’Antonio López de la place du même nom, un commerçant d’esclaves entre l’Afrique et Cuba du 19e siècle. Le conseil municipal de Barcelone par cet acte a accédé à une demande d’organisations citoyennes. Berlin va rebaptiser des rues rappelant la colonisation allemande en Afrique et honorer à la place des militants africains de l’indépendance. Si Barcelone, Berlin…posent ces actes, les municipalités des descendants des colonisés, des victimes de l’oppression coloniale et de provenance des esclaves ne peuvent pas faire moins.
Nous serions heureux de vous rencontrer pour mieux vous expliquer nos motivations.
Dans l’attente de suites favorables à nos demandes, veuillez agréer Monsieur le maire de la commune de Dakar Plateau nos sentiments les plus distingués.
Pour France DEGAGE
Le Coordonnateur
Ousmane Wade
77 424 92 08
Qui est Louis Faidherbe ?
Quelques un des actes de Louis Faidherbe
-Janvier 1855 : une expédition est lancée contre le village de Bokol dans le Dimar. Tout le village est brûlé.
-Mars 1855 : expédition contre les villages de Marsa et d’Oundounba. Faidherbe y envoie la « Garnison de Bakel ». Le village est brûlé. On dénombra 12 morts, 25 blessés, 22 bœufs volés ainsi que des chèvres et des ânes.
-Mars 1855 : un lieutenant de Faidherbe, M. Bargone, envoie des tirs de canons et rase le village de Bakel. La détermination de M. Bargone fut saluée par Faidherbe. Un seul endroit dans Bakel fut épargné, le quartier Ndiaybé (Ndiayga?), parce qu’il s’y trouvait quelques alliés fidèles du général.
-Le 5 avril 1855 : Les hommes de Faidherbe brûlèrent le village de Nayé, dans le Sénégal oriental. Plus de 200 personnes périrent dans les flammes. Un grand homme religieux du village fut fusillé sur place.
-Le 14 juillet 1855 (le 14 juillet symbolise la prise de la Bastille, date fêtée en France) : Le gouverneur Faidherbe lui-même fit tirer sur des villageois, des populations riveraines, près d’Orndoli dans le Damga.
Le capitaine Parent, un lieutenant de Faidherbe, fit des razzias aux abords de Bakel et brûla entièrement le village de Koungheul.
-Le 18 décembre 1856, le village de Nguik dans le Ndiambour est pillé et brûlé par les hommes de Faidherbe. Le général dirigeait lui-même les opérations.
-Le 19 décembre 1856, le village de Ouadan et celui de Baralé sont également incendiés par les hommes de Faidherbe.
À noter également qu’au mois de mars 1858, les hommes de Faidherbe brûlèrent de nouveau Ouadan. Le village de Keur-Seyni-Diop est aussi incendié au cours de « L’expédition de Niomré ». Les villages de Tanim ainsi que celui de Mbirama furent également incendiés par les soldats dirigés par un homme de Faidherbe, le lieutenant Lafont. Les chroniques rapportent qu’on voyait au loin la fumée s’élever au-dessus du village de Mbirama.
-Mars 1860 : Faidherbe envoya le commandant Laprade en Basse-Casamance pour punir certains villageois jugés hostiles. C’est « l’expédition de Caronne [Karone] et Thionk ». Le village de Hilor fut entièrement incendié. Un des fils du roi de Hilor fut tué. Le village de Kourba fut également brûlé.
-5 février 1861 : En Haute-Casamance, le village de Sandiniéri est dévasté. Le capitaine Fulcrand détruisit le village de Dioudoubou. Le village de Niagabar fut également incendié.
-Le 12 février 1861: Le village de Bombadiou est incendié.
-Novembre 1860 : un homme de Faidherbe, M. Parchappe, dirigea une expédition violente contre les Balantes et détruisit tout le village de Kouniara.
-Mars 1861 : Faidherbe dirigea lui-même une expédition contre le Cayor. Tous les villages entre Kelle et Mékhé, au nombre de 25 furent tous brûlés. Des dizaines de personnes furent fusillées.
-Le 4 avril 1861, au village Keur Ali-Mbengue, 16 hommes sont tués. Tous les villages voisins sont pillés et incendiés.
-Le 5 avril 1861 : 1000 soldats de Faidherbe sont envoyés pour détruire tous les villages des environs de Guéoul et de Mbawor.
-30 avril 1864 : 10 villages autour de Pout sont entièrement détruits.
-30 décembre 1863 : l’homme de main de Faidherbe, le lieutenant-colonel Laprade passa 4 jours à punir violemment des villages dans le Baol accusés d’être contre les intérêts des colons.
-Le 18 juillet 1864 : les hommes de Faidherbe détruisirent tous les villages Bosséyabé dans le Fouta. Près d’une quarantaine de personnes furent massacrées.
-Mai 1859 : Sur la route pour combattre le Sine, les hommes de Faidherbe forcèrent les villages à fournir de force un contingent de volontaires. L’échauffourée de Logandème contre Bour Sine Famak est lancée le 18 mai 1859. Ce fut une épreuve sanglante. Faidherbe lui-même affirme que 150 Sérères furent tués ou blessés. Il donna l’ordre de brûler Fatick et tous les villages environnants. Les imposantes colonnes de fumée poussèrent les rescapés à aller se réfugier dans les zones voisines.
POUR LA SOUVERAINETE MONNETAIRE FRANCE DEGAGE
Dakar, le 31 mai 2018
A Monsieur Augustin Senghor Maire de Gorée
Objet : demandes d’annulation de la délibération baptisant un lieu public « Place de l’Europe » et de rencontre
Monsieur,
Comme beaucoup d’africains, de citoyens sénégalais, de descendant.e.s d’esclaves et de colonisé.e.s, de militant.e.s et habitant.e.s anti esclavagistes et anticolonialistes, nous, membres de FRANCE DEGAGE, avons été choqués, humiliés, insultés quand nous avons appris l’existence d’une place de l’Europe à Gorée.
Une place de l’Europe à Gorée c’est comme si ont donnait à une place du village de Nder le nom d’un maure esclavagiste. Monsieur le maire, avez-vous déjà vu inaugurer une place de l’Allemagne à Auschwitz ou une place des Etats-Unis à Nagasaki ? Nous ne pouvons accepter qu’il y ait à Gorée une place qui porte le nom de « cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde. ».
Monsieur le maire, on glorifie un ami, on rend hommage à une personne de bien. L’Europe à Gorée – et pas seulement – n’a été ni l’un ni l’autre. C’est pourquoi, nous africains, sénégalais, descendant.e.s d’esclaves et de colonisé.e.s, militant.e.s et habitant.e.s anti esclavagistes et anticolonialistes, et nous membres de FRANCE DEGAGE demandons l’annulation de la délibération baptisant un lieu public « Place de l’Europe » et sollicitons une rencontre avec vous et votre conseil municipal.
Dans l’attente de suites favorables à nos demandes, veuillez agréer Monsieur le maire de la commune de Dakar Plateau nos sentiments les plus distingués.
Pour France DEGAGE
Le Coordonnateur
Ousmane Wade
77 424 92 08