L’arène politique offre de nombreux exemples d’espoirs politiques “désespérés” ou de conflits désespérés. La figure de style est entrainante à bien des égards. Les hommes politiques et certains citoyens véhiculent d’une certaine manière cette image à travers leur comportement. Il faudrait peut-être se calmer un moment pour tester ou interroger le réel et avoir le courage de faire face. Pendant ce temps, le règne du chaos simplifie à outrance nos jugements sur l’espoir. Nous sommes tous presque condamnés à se soumettre au jugement sur l’espoir politique: les citoyens sont maintenant plus que jamais orientés vers l’idée que les choses connaîtront un changement radical, souvent sans avoir une idée précise ou nette.
En effet, sur l’espoir politique, je suis moi-même dubitatif et sourd aux appels. L’espoir est certes pour certains un cadeau du temps, mais demeure pour d’autres un slogan dénué de sens en dehors d’une action concrète. D’autant plus que l’opportunisme politique fait que les intérêts sont de plus en plus contradictoires – car faisant la promotion de conflits désespérés et une polarisation accrue, plongeant beaucoup de pays dans le chaos. Nous pouvons multiplier les exemples dans ce sens.
Le leader politique doit-il céder à l’anxiété, au désespoir pour autant? Le citoyen politique doit-il confondre foi en Dieu et action morale efficace suscitant le changement dans son désir irrésistible d’élévation ?
Selon Arendt, c’est le fait de garder espoir qui a rendu tant de personnes impuissantes. C’est l’espoir qui a détruit l’humanité en détournant les gens du monde qui se présentait à eux. C’est l’espoir qui empêche les gens d’agir avec courage dans les moments sombres. Dans bon nombre de ses premiers essais des années 1930 et 1940, Arendt s’intéresse aux implications éthiques de ce qui peut arriver lorsqu’on s’attache à l’espoir en période de crise. Elle critiquait particulièrement la façon dont les nazis avaient utilisé l’espoir pour impliquer les détenus des camps de concentration dans leurs crimes en les faisant se comporter comme des meurtriers les uns envers les autres.
Oui, peut-être que l’espoir a quelques défauts :
-L’espoir est déshumanisant car il détourne les gens de ce monde.
-L’espoir est le désir d’un résultat futur prédéterminé.
– L’espoir nous fait sortir du moment présent.
Quoi qu’il en soit, l’espoir a le don de donner sens à l’action humaine – dans les domaines de la religion, de la politique, de la vie notamment. Mais curieusement, ses défauts sont largement décrits dans la philosophie de Annah Arendt comme étant la source de tous nos projets politiques. En conséquence, les événements politiques traumatisants de ces temps-ci font que des termes comme l’espoir, la liberté ont le vent en poupe. Il faut juste imaginer une société politique disposant de toutes les ressources, y compris l’espoir, la foi, mais qui n’agit pas quand le péril est à nos portes. Pour Thucydide, l’espoir est un baume, une indulgence, un danger et une cause de perte.
Dans Les Œuvres et les Jours d’Hésiode (700 avant notre ère), qui est au cœur de la discussion d’Arendt sur l’espoir dans La Condition humaine, il soutient que c’est seulement l’espoir qui est resté dans la boîte de Pandore après que tous les autres maux se soient échappés : “Seul l’espoir est resté là dans un demeure incassable sous le rebord de la grande jarre, et ne s’est pas envolé par la porte”.
Autrement dit, on ne peut entrevoir l’espoir que lorsque le mal est déjà passé. Là il nous ramène certainement à l’holocauste ou aux grandes tragédies qui ont marqué l’histoire de l’humanité. La foi et l’espoir dans les affaires humaines ne peuvent venir que du fait que chaque nouvelle personne née dans le monde a la capacité de créer quelque chose de nouveau, d’agir et ainsi de déclencher une chaîne d’événements dont l’issue ne peut être prédite. Ainsi, pour Arendt, la foi et l’espérance ne sont pas des articles de croyance, mais des actes.
El Hadji Thiam est titulaire d’un certificat international en journalisme digital délivré par l’agence Reuters et enseigne la méthodologie du français écrit et parlé.