ce jeudi, les aveux faits sur Pv par le «docteur » Amadou Samba qui passe sa première nuit en prison.
«Oui, je savais nettement que cette carte est une fausse car elle ne m’a pas été délivrée par le ministère de la Santé et de l’Action sociale ». Dès les premières heures de sa garde à vue, ce vendredi 27 mars 2020, Amadou Samba fait cette confession aux enquêteurs de la Sûreté urbaine (Su). Quelques minutes plus tôt, une équipe civile l’avait intercepté sur la Vdn, devant le siège de la Caisse des dépôts et consignation (Cdc), où il s’était rendu espérant récupérer un reliquat de 100.000 Fcfa après avoir effectué de faux tests relatifs au coronavirus pour deux employés.
Lors de son interpellation, les policiers avaient découvert sur lui un classeur renfermant différentes sortes de documents en l’occurrence un certificat de guérison du… coronavirus au nom de M. à qui le « docteur» avait fait croire qu’il avait le maladie avant de le «traiter », un résultat de test de Covid-1 négatif portant l’identité de Y. et de faux cachets de médecins officiant dans différentes structures hospitalières, entre autres documents.
« J’ai tout fabriqué… ».
« Je reconnais que tous les documents sont faux. J’ai fabriqué ces documents puisque je me faisais passer pour un médecin. Après avoir obtenu mon baccalauréat au Lycée Yafuz Selim, j’ai entamé des études en médecine au département du même nom mais je n’ai pas pu soutenir ma thèse à cause des difficultés financières. En attendant de trouver de l’argent, j’ai entamé des études de spécialisation en « Développement industriel du médicament », à travers la filière payante, de 2017 à 2019. Mais je n’ai pu obtenir de diplômes. Il y’a de cela deux ans, je suis venu au niveau de la Cdc pour déposer une offre afin de faire un bilan général de santé à tout le personnel. Mais je n’ai pas eu de retour. Récemment, le responsable des ressources humaines m’a contacté pour me dire qu’ils ont besoin d’un conseiller sur la maladie du coronavirus. Je me suis présenté au siège de la Cdc pour leur faire un exposé et leur fournir des recommandations sur les mesures sanitaires à prendre. C’est sur ces entrefaites que le directeur des ressources humaines m’a informé qu’il souhaite que je fasse des tests pour deux employés qui ont séjourné dans une zone à risques. Aussi, le nommé M.T s’est présenté à la clinique Rabi à ma demande pour un prélèvement sanguin. Quant à l’employé I.D, je lui ai envoyé l’infirmier Daouda Ndiaye, en service à Le Dantec. Après avoir reçu les flacons de sang, je les ai versés comme d’habitude dans le lavabo une fois chez moi, à Keur Ndiaye Lô. Tous les prélèvements de sang que je faisais étaient systématiquement jetés dans le lavabo », raconte Samba. Comme le précisait Libération, pour les tests relatifs à la détection, les professionnels de la santé utilisent l’écouvillonnage et non les prélèvements sanguins.
Tant pis, Samba bat sa coupe : «Je reconnais mon tort en me présentant comme le directeur de la clinique Rabi. Vous savez quoi ? En toute franchise, je ne faisais que mentir. Je n’ai jamais été docteur mais, honnêtement, j’étais un bon étudiant en médecine ». Au moins…
«Je ne faisais que mentir, je n’étais pas docteur même si j’étais un bon étudiant ».
Interrogé sur les trois cachets de médecins trouvés par devers lui, Samba raconte : «J’ai requis les services d’une connaissance qui tient une boutique sise à la Médina pour la confection des trois cachets. Docteurs Diakhaby et Fifa dont j’ai falsifié les cachets n’étaient pas au courant de mes agissements. Pour la carte professionnelle aussi, c’était du toc. Le matricule qui y figure est différent d’un matricule de solde de la Fonction publique car il correspond au matricule qui m’avait été attribué alors que j’étais étudiant à l’institut « Saint Christopher », situé au Point E. Cette carte a été confectionnée par un ami tenancier d’une imprimerie dénommée « Iso Tech » sise au Point E».
« La carte a été confectionnée à l’imprimerie «Iso Tech» sise au Point E ».
Quid de ses rapports avec la clinique Rabi ? «Dans le temps, je fus un stagiaire dans cette clinique. J’étais chargé de la garde de nuit en tant que débutant. Voilà la raison pour laquelle j’ai mis leur logo et leur adresse sur les documents que j’ai établis. Je reconnais entièrement les faits retenus contre moi car je me suis toujours présenté en tant que «Docteur », même si je n’y suis pas habilité. Je demande la clémence de la Justice et vous promets que je ne m’aventurerai plus jamais à exercer cette activité de médecin tant que je n’aurai pas les diplômes requis ».
«Je demande la clémence de la justice ».
Malgré cette promesse, Amadou Samb sera maintenu en position de garde-à-vue. Entre temps, les deux gérants de multiservices et l’infirmier de l’hôpital Le Dantec, Daouda Ndiaye, qui a fait le prélèvement sur l’un des employés de la Cdc, seront arrêtés. Mais les enquêteurs n’étaient pas au bout de leur surprise.
Le même jour, vers 14 heures, ils effectuent une perquisition à Keur Ndiaye Lô, au domicile d’Amadou Samba. Dans sa chambre, les policiers mettent la main sur un sachet contenant 9 flacons de sang et deux bulletins de radio et d’analyses médicales de l’hôpital Le Dantec portant cachet nominatif du docteur Niokhor Diouf. Dans un coin de la pièce, les enquêteurs dénichent un classeur contenant deux lettres de soutien pour le Gamou de Kaolack adressées au ministère de la Santé et de l’Action sociale ; un email de programmation de visite annuelle adressé au docteur Mbaye Diop, médecin de la Rts ; un imprimé de demande de sang et de dérivés adressé au Centre national de transfusion sanguine ; une correspondance, avec l’entête de la clinique Nabi, adressée au directeur général de l’hôpital Principal pour un appui en médicament à l’occasion du Gamou de Kaolack ; deux certificats de repos médical avec la cachet nominatif du mis en cause avec sa qualité de «médecin, directeur général de Biomedicalis » ; un cachet avec l’inscription «Dr Doudou Diouf, oncologue médical » ; des flacon d’urine… Au passage, il faut noter que les certificats de repos médical s’échangeaient, avec le docteur Samba, contre 20 à 30.000 Fcfa. Une aubaine !
«Je reconnais avoir commis une grosse bourde ».
Interrogé sur ces pièces à conviction, le mis en cause assume encore : « Comme je vous l’ai dit lors de mon précédent interrogatoire, je reconnais avoir commis une grosse bourde. Je demande encore une fois la clémence de la justice. Les flacons de sang ont été prélevés sur des patients à qui je devais faire d’autres analyses qui n’ont rien à voir avec le coronavirus ». Les enquêteurs lui rapportent les révélations accablantes de l’Institut Pasteur dont le cachet a été falsifié et celles du directeur général de la clinique Rabi. Il prétendait que cette structure lui appartenait et disposait même d’un cachet falsifié : «Je vous l’ai déjà dit. Je ne faisais que raconter des histoires », lâche Samba.
« Comme le docteur Alioune Diouf est un camarade de parti… »
Qu’en est-il du bon de livraison concernant le médicament «Coveram» (ndlr, utilisé dans le traitement de l’hypertension), issu de la pharmacie «El Hadji Ibrahima Niasse, et qui a été aussi retrouvé sous son matelas ? «C’est un médicament qui ne se vend pas sur ordonnance. Mais étant donné que le docteur en pharmacie Alioune Diouf est un camarade de parti (ndlr, Apr) j’ai demandé et obtenu de lui la vente à crédit de ce médicament », dit Samba. La Su exhibe la lettre de la Fondation «Cheikh Soumounou » adressée au ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, dans laquelle Samba demande un appui institutionnel pour la Gamou de Kaolack. «Docteur » se confesse encore : «Tout est faux : la Fondation n’existe pas et même son adresse, Corniche Hlm 5 villa 2310, est fictive. Je voulais juste escroquer Abdoulaye Diouf Sarr qui préside la Convergence des cadres libéraux dont je suis membre mais ça n’a pas marché ».