L’Organisation mondiale de la santé a annoncé suspendre « temporairement » ses essais cliniques avec l’hydroxychloroquine. Une étude observationnelle publiée dans la revue The Lancet, a en effet montré que la molécule, seule ou associée à de l’azithromycine, pouvait être nocive et associée à un risque accru de problèmes cardiaques.
Par mesure de précaution, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué qu’elle suspendait « temporairement » les essais cliniques qu’elle mène avec plusieurs partenaires sur l’hydroxychloroquine. Cette décision, annoncée par le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, au cours d’une conférence de presse virtuelle, fait suite à la publication le 22 mai, d’une analyse rétrospective dans la revue scientifique The Lancet.
Selon cette analyse, aucune preuve ne peut être apportée quant aux bénéfices de l’usage de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine chez les patients COVID-19. Cette vaste étude a été menée à partir de données de 96 032 patients hospitalisés entre le 20 décembre 2019 et le 14 avril 2020, au sein de 671 hôpitaux. Environ 15 000 avaient été traités avec de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine seules ou associées à l’azithromycine. Ces groupes de patients répartis en 4 groupes ont été comparés à un groupe témoin comprenant plus de 80 000 patients et n’ayant pas reçu de traitement.
Résultat ? Les quatre traitements étaient associés à un risque de mortalité plus élevé qu’au sein du groupe témoin (qui était de 9,3%) : 16,4% de décès pour la chloroquine seule, 22,2% quand elle était combinée à l’antibiotique,18% pour l’hydroxychloroquine seule, et 23,8% quand elle était associée au même antibiotique.
« Il s’agit de la première étude à grande échelle à trouver des preuves statistiquement solides que le traitement à la chloroquine ou l’hydroxychloroquine ne bénéficie pas aux patients atteints de COVID-19, commente Dr Mandeep R. Mehra, co-auteur. Au lieu de cela, nos résultats suggèrent qu’il peut être associé à un risque accru de problèmes cardiaques graves et à un risque accru de décès. Les essais cliniques randomisés sont essentiels pour confirmer tout préjudice ou bénéfice associé à ces agents. En attendant, nous suggérons que ces médicaments ne devraient pas être utilisés comme traitements pour COVID-19 en dehors des essais cliniques. »
Il ne s’agit pas d’une étude clinique, c’est-à-dire d’une étude comparant le traitement chloroquine à un traitement placebo en double aveugle. Du reste, les auteurs soulignent que « des essais randomisés urgents sont nécessaires », même s’ils concèdent que le contexte pose problème du fait que la chloroquine et l’hydroxychloroquine sont associés « à une augmentation des taux de mortalité et des arythmies cardiaques chez les patients hospitalisés atteints de COVID-19 ».
Cette étude conforte deux autres études américaines récentes. La première étude, relayée par l’agence de presse AP, constate, après avoir analysé les dossiers médicaux de 368 vétérans hospitalisés pour une infection confirmée à coronavirus, qu’environ 28% de ceux qui ont reçu de l’hydroxychloroquine en plus des soins habituels sont décédés, contre 11% de ceux qui ont reçu des soins de routine seuls. Environ 22 % des personnes recevant le médicament et l’azithromycine sont également décédées, mais la différence entre ce groupe et les soins habituels n’a pas été considérée comme suffisamment importante.
Une autre étude, publiée par le New England journal of medicine, n’appuie pas l’utilisation de l’anti-paludéen, après avoir suivi les patients admis dans les services d’urgence des hôpitaux New York-Presbyterian Hospital et Columbia University Irving Medical Center. 811 patients ont reçu deux doses de 600 mg d’hydroxychloroquine le premier jour puis 400 mg quotidiennement pendant quatre jours. 565 malades n’ont pas reçu le médicament. Selon les chercheurs, le médicament n’a ni amélioré ni détérioré l’état des malades.
Chloroquine : des effets secondaires cardiaques ?
Si certains voient en l’hydroxychloroquine le remède miracle au coronavirus, des effets secondaires graves ont été recensés. La molécule est suspectée de provoquer des anomalies électriques du fonctionnement du cœur pouvant mener à des troubles du rythme cardiaque, voire au décès. Une étude de l’Institut Pasteur apporte une possible explication aux lourds effets secondaires cardiaques observés au cours de certaines études cliniques sur l’hydroxychloroquine. Les chercheurs ont, en effet, « démontré qu’en plus de cibler les récepteurs Sigma-1 et Sigma-2, l’hydroxychloroquine se lie à une protéine appelée hERG, essentielle à la régulation de l’activité électrique du cœur. Ces résultats, obtenus en laboratoire, pourraient expliquer les risques associés à l’utilisation possible de cet agent pour traiter le COVID-19 ».
Elle peut en outre entraîner des rétinopathies. C’est pourquoi de nombreux médecins restent prudents.
L’Agence du médicament (ANSM) qui recueille les déclarations d’effets indésirables liés aux médicaments, souligne ce 25 avril qu’ils sont en augmentation « ces dernières semaines ». Au total 321 cas en lien avec l’infection Covid-19 ont été notifiés, dont 80% de cas graves et 4 décès, le « signal de vigilance » est donc confirmé indique l’ANSM. Rappelons qu’au 10 avril, l’agence avait annoncé une centaine de cas.
Ces effets indésirables concernent pour plus de la moitié concernent des patients atteints du coronavirus traités par hydroxychloroquine (23 %) ou par ce médicament associé à l’antibiotique azithromycine (31 %), tandis que 42 % portent sur le Kaletra (un antiretroviral combinant lopinavir et ritonavir).
La revue indépendante Prescrire a annoncé quelques jours plus tôt être défavorable au recours à l’hydroxychloroquine (le Plaquénil) en association avec l’azithomycine dans le traitement du Covid-19 car cette association « augmente les risques de troubles graves du rythme cardiaque : allongement de l’intervalle QT avec risque élevé d’arythmie cardiaque et de torsades de pointes ». Prescrire donne entre autres les résultlats d’une étude américaine portant sur 84 patients atteints du Covid 19 et qui ont pris cette association de médicaments. Des troubles du rythme cardiaque ont été rencontrés chez 11% d’entre eux.
Chloroquine : des effets psychiques ?
Le 14 mai dernier, l’Agence nationale du médicament (ANSM) a été informée par son homologue espagnole (l’AEMPS) de la survenue de troubles neuropsychiatriques chez des patients attients du Covid-19 et traités par hydroxychloroquine. Ces troubles (symptômes aigus de psychose, tentative de suicide) sont apparus « principalement au cours des premiers jours de traitement, à des doses élevées, y compris chez des patients sans antécédents de troubles psychiatriques » souligne l’ANSM.
Ce risque est déjà connu avec l’hydroxychloroquine et la chloroquine et pourrait être aggravé par le contexte de la pandémie. Une évaluation a donc été lancée au niveau européen.
Etude du Pr Raoult : quels sont les résultats ?
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les scientifiques du monde entier recherchent un remède efficace contre la maladie. Parmi eux, l’hydroxychloroquine (commercialisé sous le nom de Plaquenil), une molécule prônée par le Pr Didier Raoult et habituellement utilisée contre le paludisme. Après avoir rencontré Emmanuel Macron, le Pr Raoult a présenté ce 10 avril de premiers résultats de son étude menée sur plus de 1000 patients testés positifs au coronavirus et ayant reçu pendant au moins trois jours.
Quels sont les résultats ? Après 10 jours, 91,7% des patients présentaient une charge virale nulle. Cinq personnes (0,5% des patients) sont décédées. Il s’agissait de patients âgés de 74 à 95 ans. Selon le résumé présenté par le Pr Raoult, ce pourcentage est « significativement plus bas » que chez « les patients traités sous d’autres régimes ». L’intégralité de l’étude n’a pour l’heure pas été rendue publique.
La veille le Pr Raoult était optimiste. « On est en train de finir l’analyse de 1000 cas que l’on a traité. les choses sont très rassurantes. Nous n’avons eu aucun ennui cardiologique chez les patients et sur lesquels on montre une efficacité du produit qui est plus grande que celle des séries précédentes », expliquait-il dans une nouvelle vidéo postée sur Youtube.
De son côté, Florence Ader, l’infectiologue de l’Inserm qui cordonne l‘essai clinique européen Discovery a annoncé, sur Youtube également, que les premiers résultats de cet essai clinique ne seront pas disponibles avant la fin du mois. »Pour l’analyse globale des 300 premiers patients, il va falloir attendre que chaque patient ait franchi le cap du quinzième jour pour qu’on puisse commencer à analyser les données afférentes à son traitement. »
L’étude du Pr Didier Raoult suscite beaucoup d’espoir chez les malades. Une première étude dévoilée mi-mars par le scientifique et réalisée sur 24 patients testés positifs au Covid-19 faisait état de la guérison de trois quarts des patients au bout de six jours. Néanmoins, il faut rester prudent : une étude sur 24 patients n’est pas suffisante pour affirmer l’efficacité d’un traitement. « Aucune publication n’a pour l’heure démontré un effet clair sur le pronostic, la guérison et la survie des patients », affirme au Parisien, le docteur Alexandre Bleibtreu, infectiologue à la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Une étude chinoise rassurante. Une première étude avait été menée en Chine au plus fort de l’épidémie sur 100 patients, à travers une dizaine d’hôpitaux à Wuhan, Pékin et Shanghai. Les chercheurs chinois estimaient que le médicament serait efficace pour « contenir l’évolution de la pneumonie, améliorer l’état des poumons, pour raccourcir la durée de la maladie et pour permettre au patient de redevenir négatif au virus ». « Nous savions déjà que la chloroquine était efficace in vitro contre ce nouveau coronavirus et l’évaluation clinique faite en Chine l’a confirmé », déclarait alors le Pr Raoult ajoutant même que « finalement, cette infection est peut-être la plus simple et la moins chère à soigner de toutes les infections virales« …
Chloroquine et azithromycine : l’essai PREP Covid à l’AP-HP
Ce 14 avril, l’AP-HP annonce qu’elle lance un essai pour tester l’efficacité en prévention de la chloroquine et de l’azithromycine, un antibiotique largement prescrit aux enfants et aux adultes chaque hiver. L’objectif est donc ici de voir si un traitement peut être efficace pour se protéger d’une infection par le Covid-19. L’essai s’appelle PREP Covid et doit être mené sur un total de 900 soignants répartis dans huit hôpitaux de l’AP-HP. Des cibles prioritaires, alors que depuis le début de l’épidémie, 3 610 professionnels de l’AP-HP ont été infectés par le Covid-19 et 3 sont malheureusement décédés. « En cas d’efficacité du traitement préventif dans le bras hydroxychloroquine et le bras azithromycine, une comparaison des deux bras de traitement (hydroxychloroquine versus azithromycine) pourra être réalisée », précise l’AP-HP.
Chloroquine : une étude au CHU d’Angers
De son côté, le CHU d’Angers a annoncé le 31 mars le lancement d’une vaste étude sur 1300 patients atteints du Covid-19, en collaboration avec 36 hôpitaux. « Le nombre de patients inclus fera de cette étude l’une des plus sérieuses traitant de l’hydroxychloroquine » souligne le CHU. Cette étude sera portée par le Pr Vincent Dubée, infectiologue au CHU d’Angers. « L’étude Hycovid n’entend pas se substituer à elles mais, plus simplement, apporter une réponse plus rapide à une question simple : Oui ou non, l’hydroxychloroquine est‐elle efficace chez les patients atteints de Covid‐19 à haut risque d’aggravation ? » explique le médecin.
Parmi les 1300 patients de 36 centres hospitaliers qui seront inclus dans cette étude, la moitié se verra administrer du Plaquenil tandis que l’autre recevra un placebo parfait. « Par placebo parfait, s’entend un « substitut de médicament » qui présente les mêmes caractéristiques apparentes que celle de la molécule comparée » souligne le CHU. L’efficacité du traitement sera jugée en comparant le nombre de patients décédés ou transférés en réanimation en raison d’une aggravation respiratoire dans chacun des deux groupes au cours des 14 jours suivant le début du traitement. Les premiers résultats sont attendus dans une vingtaine de jours.
Chloroquine : l’étude Discovery teste 800 patients européens
Après de premiers essais prometteurs menés auprès de 24 patients positifs au Covid-19 à l’hôpital de la Timone à Marseille, l’hydroxychloroquine fait partie, lui aussi, des quatre traitements expérimentaux qui seront évalués dans le cadre de l’essai clinique européen. Discovery. Parmi les 3200 patients européens (dont 800 Français) inclus dans cet essai clinique, certains seront donc choisis pour évaluer l’efficacité et la sécurité de ce médicament qui suscite beaucoup d’espoir depuis que le Pr Didier Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille, l’a testé au sein de ses services. Les résultats définitifs de cette étude devraient être publiés 6 semaines après le début des tests.
Plaquenil et chloroquine : quels patients ?
Finalement, le gouvernement a autorisé fin mars la prescription de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 pour les formes sévères dans les hôpitaux. Il n’est pas possible de se faire prescrire du Plaquenil par le médecin, ni pour les formes légères du Covid-19, ni en prévention. En revanche, le décret du 25 mars prévoit que l’hydroxychloroquine et l’association lopinavir/ ritonavir (Kaledra) « peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d’un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile ». Ce décret faisait suite à un avis du Haut conseil de santé publique (HCSP) selon lequel était exclue toute prescription dans la population générale pour des formes non sévères en l’absence de preuves probantes ».
Encadrement des ventes de Plaquenil. Selon ce même décret, la délivrance de l’hydroxychlorodine (Plaquenil) est désormais limitée à ses indications médicales strictes (polyarthrite rhumatoïde, lupus, et en prévention des lucites estivales). Suite au décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les pharmacies de ville ne délivreront le Plaquenil qu’aux personnes qui ont une ordonnance d’un spécialiste en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d’un renouvellement de prescription émanant de tout médecin.
En raison du nouvel engouement pour l’hydroxychloroquine (Plaquenil), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait été alertée sur la difficulté que certains patients, contraints de prendre ce médicament pour des maladies chroniques, rencontraient pour pouvoir suivre leur traitement au long cours. Aussi l’ANSM a demandé dès jeudi aux pharmaciens d’officine de ne délivrer le Plaquenil que sur prescription médicale dans ses indications habituelles. « Honorez uniquement les prescriptions initiales émanant des rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres et les renouvellements d’ordonnance émanant de tout médecin » souligne l’ANSM.
Cet encadrement de la délivrance du médicament vise aussi à limiter les risques d’intoxication en cas d’automédication.
Quelle différence entre chloroquine et hydroxychloroquine ?
La chloroquine est un médicament essentiellement prescrit pour le traitement ou la prévention du paludisme (la fameuse Nivaquine). L’hydroxychloroquine est un de ses dérivés, qui est quant à lui essentiellement prescrit en rhumatologie pour soigner le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. Il est également prescrit dans la prévention de la lucite estivale. Ce médicament est commercialisé en France sous le nom de Plaquenil. Tous deux sont de vieux médicaments qui ont été élaborés entre les deux guerres mondiales par des chimistes allemands. Tous deux commercialisés par le laboratoire Sanofi, ont obtenu leur AMM (autorisation de mise en marché) en 1998 pour la Nivaquine et en 2004 pour le Plaquenil.
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