Dakarmidi – Dans la matinée du vendredi 7 djemad at-thani, de l’an 540 de l’hégire, en présence d’un auditoire d’élite, Cheikh Abd Al Qadîr Al-Jîlânî prononça le sermon suivant :
« Mohammad disait que lui-même et les gens de sa communauté étaient exempts d’artifices. Il entendait dire par là, que lorsqu’ils prenaient la parole, il agissaient sous l’inspiration divine qui les éclairait et les guidait.
Il disait encore : « Nous ne forçons pas notre nature, ni n’inventons rien ; le choses qui ne nous concernent ou ne regardent pas, ne nous occupent pas ; nous n’affectons pas d’y prendre intérêt, lorsqu’elles doivent nous laisser calmes.
Le signe de la piété, en toutes choses, est d’être simple et naturel, sincère, vrai et d’éviter toute simulation. Cela aussi bien par condescendance pour manifester un chagrin inutile, que pour prendre part à des devoirs qui ne nous incombent pas directement. De même celui qui est pieux doit prier en toute simplicité et franchise. A quoi bon simuler un sentiment nullement éprouvé ?
L’hypocrite, le simulateur, lorsqu’il se trouve en public, prie très cérémonieusement le Seigneur, mais une fois seul, il laisse tomber le masque. Néanmoins, en tout temps, il reste cérémonieux, dans l’accomplissement des prescriptions divines. Le Coran nous les décrit très bien ainsi :
« En vérité les hypocrites cherchent à tromper Allah ; mais c’est Lui qui les trompe. Quand ils se lèvent pour la prière, ils le font avec indolence pour être remarqués des hommes, et ne se souviennent pas d’Allah, sauf quelques-uns ». (Sourate les femmes, verset 141)
En face de ses plaisirs et de ses passions, l’hypocrite alors est sans affectation. Mais le croyant éclairé par la lumière divine, discerne facilement l’hypocrisie ; car chaque chose porte en elle même sa marque distinctive. Comme le Coran nous en avertit :
« Si nous l’avions voulu, nous te les aurions fait voir, et nous te les aurions fait connaître par ce qui les caractérise. Mais tu les reconnaîtras à leur langage tortueux. Certes Allah connaît vos actions. » (Sourate Mohammad, verset 32).
Les croyants reconnaissent donc facilement les hypocrites, qui se révèlent à eux, tant aux traits de leur visage qu’à leur langage. Ô Hypocrite ! Ne lutte donc pas pour paraître autre auprès des initiés et des croyants ! Car tes actes et tes manières d’être t’ont déjà signalé à leurs yeux ; et tu ne peux donner le change au monde, ta peine est en pure perte ! Entends encore ce que dit de toi le Coran : « Alors, nous présenterons leurs œuvres et nous les réduirons en une poussière qui se dissipe » (Sourate la distinction, verset 25).
Tes œuvres, marquées du sceau de l’hypocrisie, seront sans valeur aux yeux d’Allah. Repens toi donc de ta fausseté ; de l’espoir que tu fondes sur les hommes, et de la crainte qu’ils t’inspirent ; hâte-toi d’implorer le pardon du Seigneur. Sois sobre tes aliments, ta boisson, tes vêtements, tes femmes, ta richesse.
Exerce-toi à l’abstinence, à la tempérance, à la prudence ; apprends à te conduire avec prévoyance. Limite tes devoirs, tes pensées et ton activité à ce qui t’est nécessaire. Recherche auprès d’Allah [le vrai] seul, ce qui est bon et vrai à Ses yeux. Dans toutes les affaires, suis le chemin de ceux qui Le craignent et espèrent tout de Lui.
Comme nous le dit le Coran : « Mais lui tous les jours est à quelqu’œuvre nouvelle » (Sourate du miséricordieux, verset 29).
Il manifeste sa puissance sans arrêt ; des phénomènes nouveaux, des révolutions se produisent dans son univers. Informés de ces mystères, ceux qui le craignent ne se laissent gagner ni par le sommeil, ni par le bien-être du repos, du plaisir ou de la quiétude. Le cœur du sage, de celui qui sait et prévoit reste vigilant, le jour comme la nuit. Pour celui-là, l’été n’est pas l’été ; l’hiver n’est pas l’hiver ; le froid n’est pas le froid ; le chaud n’est pas le chaud. S’il est pour le vulgaire une vallée, il en est une autre pour les sages et les prévoyants. Certes, l’annonciation faite aux sages prévoyants est autre que celle faite aux vulgaires. Seuls les sages prévoyants peuvent saisir le sens vrai des idées. Hypocrites, rallie-toi donc aux sages ! Renonce à l’artifice et au mensonge, et que la simulation n’ait plus d’attraits pour toi. Tu prétends craindre Allah, mais en réalité, tu ne redoutes que les hommes. Tu dis n’avoir d’espoir qu’en Allah, mais en réalité toutes tes espérances sont échafaudées sur les hommes !! Celui qui craint Allah ne redoute que Lui ! Ni les peines de ce monde, ni les tourments de l’autre vie ne l’effraient ; il ne craint que le véritable Justicier ; Celui dans les mains duquel se retrouvent toutes les actions, et tous les états des créatures. Les craintifs et les sages sont les seuls savants ; seul leur savoir est profitable. Les savants en possession des vérités islamiques sont, pour ainsi dire, les médecins de la religion. Ils sont à même de compléter vos lacunes.
Ô vous qui dans votre foi avez de ces lacunes, pressez-vous en foule vers ces savants, afin qu’ils vous enseignent votre religion, et parachèvent ce qui vous manque.
Lorsqu’Allah veut le bien de l’un de ses serviteurs, Il le fait se détacher de son égoïsme ; si ce serviteur se montre capable de supporter les épreuves qu’Il lui fait subir dans Ses voies, alors le Seigneur lui accorde en grand nombre Ses bienfaits ; Il l’élève dans la vie spirituelle, Il anéantit son existence fictive, pour lui donner une existence réelle.
Ô enfant ! Recherche les entretiens et les conseils des sages, des gens pieux ; c’est ta seule manière de pouvoir t’assurer les profits et avantages de ce monde et de l’autre. Ne gaspille pas ton temps à attendre d’autrui ce que tu ne peux espérer que d’Allah ; car dans les mains des hommes il n’y rien ; ni profit, ni perte !
Ô toi qui es attristé et sans force ! Prends patience, car la possibilité d’échapper aux tristesses et d’éprouver l’allégresse dans les vicissitudes existe ! Chaque difficulté comporte une facilité. Les bienfaits que tu souhaites pour la vie de ce monde et pour la vie future, ne les attends donc que de Lui ; car d’autres n’ont pas le pouvoir de te les accorder. Mouhamad nous disait qu’Allah témoigne encore à Ses serviteur, au moment où ils descendent au tombeau, plus de compassion et de sollicitude, qu’Il ne leur en avait témoigné durant la vie. Puisque tu sers Allah et lui obéis, tu dois fréquemment Le prier. Recherche-Le donc ; abandonne tout pour Lui ! Et lorsque tu L’auras trouvé, et que auras contemplé près de Lui tous les trésors, toutes les faveurs, et toutes les grâces qu’Il t’a réservés, alors qu’il te sera permis d’en prendre possession et d’en jouir avec délices, n’oublie ni tes proches ni le peuple ; invite-les près de toi, et tâche de leur faire partager avec toi ces bien. Dis-leur comme le Prophète Youssouf (Joseph) aleyhi sallam « Allez, portez ce manteau à mon père ; couvrez-en son visage ; il recouvrera la vue.Amenez ici toute ma famille » (Sourate Joseph, verset 93).
Le Prophète Youssouf -‘aleyhi sallam entendait dire par là, qu’il était à même de leur obtenir tous les bienfaits nécessaires à leur existence, et d’autres encore touchant la vie future. Dans certaines saintes écritures, on lit ceci : « Ô fils d’Adam ! Si tu commets une injustice envers quelqu’un, tu seras témoin que tout te rendre cette injustice ; et tu recevras le prix de ton action. ». Comment, en ouvre, ne serais-tu pas privé de la miséricorde divine, alors que tu t’es éloigné des croyants en leur faisant souffrir l’injustice ? « Affliger un croyant, disait Muhammad -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- et lui causer de la peine par une injustice, est un péché quinze fois plus grave et important que de détruire la Ka‘ba ».
Ô Fils de l’homme ! Ecoute attentivement mes paroles : combien déplorable est ta situation, car tu te trouves sous l’emprise de conditions meurtrières ; toi-même tu t’es plongé dans l’abîme de la sévérité divine.
Ô cruel impie ! Comment n’as-tu pas prévu qu’il fallait éviter d’affliger les gens pieux et les initiés qui s’appuient sur Allah attendant tout de Sa justice et de Sa miséricorde. Ton cas est des plus navrants ! Songe que dans peu de temps, tu quitteras ce monde ; on viendra t’arracher de ta maison ; et certains pillards feront main basse sur ce que tu possèdes, ou plutôt sur ce tu t’imaginais posséder. Puisque tu t’en rends compte, la réalité est telle, pourquoi persévères-tu dans cet état d’insouciance et cette dureté de cœur. Pour te dégager de cette dureté, pense souvent à la mort : visite les tombeaux ; lis le Coran et redis sans cesse le nom divin.
Le Prophète Mouhammad -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam disait : « Les affaires de ce monde et les péchés ternissent le miroir du cœur, à tel point que les pensées élevés et les révélations ne peuvent plus s’y refléter. » Afin de polir ce miroir et de lui restituer la pureté, il faut fréquenter assidûment les séances de Dhikr.
Ô peuple ! Recherche les moyens d’obtenir la miséricorde divine ; efforce-toi d’en découvrir les principes et les causes. Car Allah est qualifié de « Miséricordieux » et de « Charitable ». C’est Lui qui pardonne et peut seul pardonner ; un autre que Lui le pourrait-il ? S’Il n’a pas pitié de nous, qui aurait compassion ?
Si par Sa grâce sublime, il ne nous remet pas en totalité nos péchés, en biffant d’un trait notre dette, qui pourrait le faire ?… En dehors d’Allah pour un serviteur, se trouve t-il une aide ? …
Un sauveur ? Un clément ? Un miséricordieux ? Un bienveillant ? Un pardonneur… ?