Aujourd’hui, nous vous proposons de faire un bref tour d’horizon sur l’histoire d’Al Haram, la Grande Mosquée de la Mecque, à travers les siècles. Une histoire riche de nombreuses phases successives de travaux de construction ou d’agrandissement, parfois dans l’opulence, parfois dans douleur ou dans le conflit, qui ont fait du Haram ce grand ensemble que nous connaissons aujourd’hui qui accueille le plus grand rassemblement religieux au monde. L’occasion aussi de faire le point sur les travaux en cours ou à venir qui vont continuer de changer le visage de ce magnifique ensemble sacré pour accueillir à terme inchaAllah en 2020 près de 20 millions de pèlerins par an.
Les débuts : du Prophète Ibrahim aux Ommeyades
La Mosquée Sacrée de la Mecque est le premier lieu de prière des musulmans sur Terre
comme rappelé dans le Coran (Sourate 3, Verset 96) et dans les hadiths. Ainsi il a été rapporté dans le Sahih Muslim qu’Abu Dharr dit: «J’ai interrogé le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) à propos de la première mosquée à être construite pour les gens de la terre. Il a dit, ‘Al-Masjid al-Haram. ». Puis je lui ai demandé,« Quelle autre par la suite? »Il dit:« Al-Masjid al-Aqsa [à Al Qouds]. Puis j’ai demandé :« Combien de temps s’est écoulé entre les deux constructions? et il m’informa: «Quarante ans. ‘ »
Nous avons dans le Coran des détails sur la construction par Ibrahim et Ismaïl ‘alaihim assalaam des murs et fondations de la Mosquée sur ordre de leur Seigneur (Sourate 2, versets 121 à 127) mais nous n’avons aucune indication précise de l’année à laquelle elle fut érigée. Dans l’histoire plus récente de notre Prophète bien aimé Mohammed ‘alaihi assalaat wassalaam, nous avons plus de détails sur les différents épisodes précédents la Révélation et en particulier l’épisode de la bataille de l’Éléphant ou encore l’épisode de l’inondation qui a endommagé la mosquée et qui a conduit les arabes de Qouraych à demander à notre Prophète, ‘alaihi assalaat wassalaam, reconnu pour son intégrité et sa justice dès son plus jeune âge, d’arbitrer le différend entre les tribus de Qouraych pour remettre la pierre noire dans son emplacement après la reconstruction de l’édifice. Les ascendants du Prophète salla Allah ‘alaihi wassalaam parmi les Banu Hashim et les tribus frères ont donné les premiers la forme quadrangulaire au sanctuaire avec son toit à près de 20 mètres de haut, et ses larges murs avec plusieurs portes pour accueillir les pèlerins. Cette construction différait en plusieurs points de la mosquée originale construire par Ibrahim et Ismaïl ‘alaihim assalaam. Après l’islamisation de la Mecque, le Prophète a choisi toutefois de ne pas détruire la Kaaba et la reconstruire selon sa conception originale, et indiqua dans le hadith de Aïcha les raisons de cette décision.
Mouslim a rapporté d’après Aïcha (Allah soit satisfait d’elle) qu’elle a dit :
« J’ai interrogé le Messager d’Allah (Sala Allah ‘alih wa salam) pour savoir si le mur situé derrière la Maison Sacrée en faisait partie et il m’a dit : oui. Et je lui ai dit : pourquoi n’est-il pas intégré dans la Maison ? – Il a dit : ton peuple se retrouva à court de moyens- Je lui ai dit: Et pourquoi ont-ils surélevé la porte ? – Il dit : c’était pour pouvoir laisser entrer celui qui leur plaisait et en interdire l’accès à celui qui leur déplaisait. N’eût-été la récente conversion de ton peuple qui leur inspirerait la réprobation (de toute modification de l’édifice), j’envisagerais l’intégration du mur (al-Huttaym) dans la Maison et ramènerait sa porte au ras du sol.
Suite au décès du Prophète ‘alaihi assalaat wassalaam, le Haram fut progressivement étendu par les califes au pouvoir tout en restant fidèle à cette précaution du Prophète de ne pas détruire puis reconstruire. L’extension par le Calife Omar, qu’Allah soit satisfait de lui, est citée comme la première sous l’ère islamique.
AbdAllah ibn Zoubayr, le fils de Zoubayr bin al Awwam et Asma bint Abu Bakr, pris l’initiative, en 65, année hégirienne, de reconstruire et étendre le Haram après le siège qu’il subit par le clan de Yasid auquel il refusa de faire allégeance. L’incendie et les dommages dus aux bombardements furent la cause du projet d’extension. Sous la dynastie des Oumeyyades, plusieurs califes entreprirent des travaux dans la Mosquée Sacrée, parfois par nécessité et parfois en signe d’opposition politique et pour asseoir leur autorité. Nous ne retracerons pas cette histoire ici que les arabophones pourront découvrir par exemple dans le livre l’Histoire de la Mecque d’Al-Azraqui. Les arceaux décorés de mosaïque et les colonnes de marbre venus de Syrie et d’Égypte commencèrent au fil des temps à décorer la Mosquée, malgré la mise en garde du Prophète à ce sujet…
Les vastes chantiers des Ottomans et Mamelouks
Si les premières reconstructions et extensions eurent lieu après des dévastations des guerres, celles des périodes Ottomane, Turque, et Mamelouke, survinrent pour des raisons d’appartenance à un Minhaj – école juridique – plutôt qu’une autre. Ainsi la Mosquée connut plusieurs investissements dans la création d’écoles coraniques, madrassats, et dans des éléments architecturaux venus décorer la Mosquée Sacrée.
Les travaux venaient en particulier distinguer les maqamat, emplacements pour la prière, de l’école juridique ayant le plus de disciples à la Mecque, comme ce fut le cas du maqam Hanafi.
Architecture principalement Ottomane avant la première extension Saoudienne.
Dessin reproduisant l’état du Haram dans la fin de la période Ottomane, tiré de l’Atlas des cartes de la Mosquée Sacrée.
Servir le Haram était aussi une marque de distinction des Califes successifs, qui prirent ainsi depuis Salaheddin al Ayyoubi le titre honorifique de Serviteur des Deux Mosquées Saintes.
Cette histoire reste chère aux descendants de ces peuples, par exemple la Turquie, qui insiste auprès des autorités saoudiennes aujourd’hui pour que les dômes de l’époque ottomane par exemple autour du Mataf (lieu du Tawaf) soit restaurés à chaque extension (travaux en cours actuellement).
Les extensions saoudiennes, la sûreté et le confort des pèlerins
La Mecque sous les eaux en 1941
Dès la prise de pouvoir de la dynastie des Saud en Arabie, l’extension du Haram devint une priorité pour tous les rois successifs du Royaume. En 1925, puis en 1941 suite à une inondation, le roi AbdelAziz programma des travaux de reconstruction et d’extension de la Mosquée Sacrée. Ses fils, successifs suivirent le pas, jusque reprendre à partir du roi Faysal le titre Ottoman de Serviteur des deux mosquées. La capacités d’accueil dans les années 60 atteignit les 400 000 fidèles.
Le roi Fahd continua l’extension jusqu’à porter la superficie du Haram à 300 000 m² et ainsi étendre l’accueil des pèlerins à plus d’un million chaque année. Mais les travaux les plus ambitieux ont été lancé par le défunt roi Abdallah, qui n’aura par contre pas survécu au plus grand agrandissement jamais réalisé.
Le projet d’extension en cours
La maquette de la Mosquée Sacrée selon sa configuration après les travaux en cours de réalisation est exposée au musée de la Mecque. Elle montre à quel point l’extension des lieux visant un passage en 10 ans d’une capacité de 5 millions de pèlerins à une capacité de 20 millions de pèlerins par an est ambitieuse. Les montants en jeu dépasseraient les 20 milliards de dollars.
Maquette du Haram exposée au musée de la Mecque
Le Masjid al Haram pourra à terme accueillir plus d’un million deux cent mille pèlerins simultanément dans des conditions de pèlerinage optimal. Ces projets sont également accompagnés de projets annexes comme le Métro de la Mecque en cours d’appel d’offre avec 189km de lignes de métro ou le projet immobilier de Jabal Omar qui vise la construction en sept phases de pas moins de 39 tours de résidences, hôtels et surfaces commerciales attenantes au Haram.