Dakarmidi – Le grand Magal de Touba est un grand événement qui célèbre le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Ce rendez-vous annuel du 18 SAFAR ayant une connotation très spéciale dans la vie et l’œuvre du CHEIKH, attire chaque année plus de 2 millions de personnes venus de tous les coins du monde.
Néanmoins beaucoup ignorent les principales raisons de ce voyage du 21 septembre 1895 au Gabon, où il resta sept ans, par le colonisateur français engagé dans une croisade contre l’islam, au Sénégal. « C’était une manière de l’éloigner des siens, mais surtout de l’asservir », explique Serigne Moussa Niang, âgé de 78 ans et membre de la cour de Serigne Mountakha Mbacké, petit-fils du fondateur du mouridisme. Selon lui, si, après une réflexion poussée et nourrie, le colonisateur a choisi la destination de Mayombé (une île au Gabon) pour exiler Serigne Touba (autre appellation du marabout), c’est parce qu’« il voulait en finir avec le cheikh qui avait de plus en plus du charisme ».
A ses causes manifestes s’ajoutent celles ésotériques, et dans ses DIWAAN sur le SAFAR, Serigne Touba écrit « Le motif de mon départ [en exil est la volonté d’ALLAH d’élever mon rang auprès de Lui, de faire de moi l’intercesseur des miens et le Serviteur du Prophète. » pour montrer tout l’importance de la mission de la réhabilitation de l’islam et le salut des siens.
Mission nous avons bien dit et cela cela est encore attesté par le Wolofal (poème en Wolof) intitulé Les dons digne de reconnaissance ou Jaza u Shakur Serigne Moussa Kâ proclamant haut et fort « n’eût été son exil, le peuple wolof serait frappé d’acculturation de sorte que notre passage en enfer serait inéluctable. »
D’autres sources dans le même ordre d’idée affirment que lorsque le Prophète (Psl) apparut à Serigne TOUBA lors d’une retraite spirituelle à la mosquée de Darou Khoudoss (à Touba) au mois de Ramadan 1312H /1895, il fut conclu le pacte de l ‘exil.
Serigne Saliou Mbacké nous dit à ce propos : « Serigne TOUBA avait dit avoir signé en ce jour un pacte avec le Seigneur pour une mission qui était le gage de toutes ses ambitions en grades et en stations spirituelles et en contre parti desquels notre Seigneur lui fit endurer une somme d ‘épreuves en adorations, souffrances et peines. C’est en ce jour-là qu’il quitta sa résidence du Djolof (Mbacké Baari) en direction de Saint Louis en vue du chemin de l ‘exil » (cf. sermon de Serigne Saliou Mbacké, appel Magal 1991 »)
Aussi il faut ajouter le fort sentiment de défiance suscité par l’incroyable affluence faisant jour auprès de Cheikh Ahmadou BAMBA et les effets radicaux que produisait sa formation sur les nouveaux mourides, fut à la base de fortes oppositions de certains guides envieux et des chefs indigènes désemparés. Une dure répression commença alors à se faire jour à travers des exactions de toutes sortes qu’infligeaient les chefs traditionnels mandataires des colons aux disciples mourides aux fins d’intimidation ; leurs cases furent brûlées, leurs récoltes et autres biens saisis, leurs personnes arbitrairement détenues…
Mais hautement conscients de la valeur inestimable de leur guide et à l’évocation des Compagnons du Prophète (PSL), ayant eu à subir le même type d’acharnement aux débuts de l’Islam et de l’héritage desquels ils se réclamaient, les mourides surent préserver leur engagement et ne pas abdiquer de la Voie de la Vérité ; ainsi put la dynamique autour de Khadimou Rassoul s’accentuer. Débuta alors une campagne systématique de calomnie et de dénigrement du saint homme que prouve le grand nombre de rapports mensongers qui furent alors adressés par la chefferie locale aux autorités coloniales. Celles-ci n’accordèrent, tout d’abord, aucun crédit à des allégations qui, après enquête, se retrouvaient abusives et leurs premières réactions furent d’abord que l’accusé était en réalité aux antipodes des plaintes dont il faisait l’objet ; ce qui contribua au maintien de leurs relations au beau fixe.
Ayant quitté Touba, le Cheikh vint s’installer en 1312 h (1895) dans le Jolof où il fit reconstruire le village de ses ancêtres Mbacké-Bâri tombé en ruines. La situation stratégique de cette localité, aux confluences des provinces du Cayor, du Baol et du Jolof, mais aussi l’affluence inédite qui y vit jour et qui draina nombre d’éléments de la noblesse céddo déchue, tout cela, allié au caractère d’insubordination de plus en plus affiché des novices mourides, ne manqua pas de raviver très vite les suspicions et les hostilités. Dans un tel contexte, l’acharnement des calomniateurs et leurs fins stratagèmes eurent raison de la défiance naturelle des colonisateurs qui ne manquèrent point de nourrir bientôt des craintes sur la puissance croissante du Cheikh et sur la similitude qu’ils semblèrent déceler dans sa démarche avec celle des autres résistants religieux, en dépit de l’attitude foncièrement non violente et entièrement vouée à l’obéissance à DIEU et à l’imitation du Prophète (PSL) dont celui-ci faisait constamment montre et qui lui fit dire : « Les armes de mon combat sont la Science et la Crainte Révérencielle, en qualité d’esclave de DIEU et Serviteur de Son Prophète; en est Témoin le SEIGNEUR Qui Régente toute chose ». A la fois totalement ignorant de la philosophie du Cheikh et de sa mystique de la Khidmah (Service du Prophète) qui excluait tout acte de violence même envers la plus vile créature, mais aussi frappés par le contraste de la véhémence des accusateurs tranchant avec la relative tiédeur des dénégations de l’accusé, tout cela conjugué à la psychose ambiante de la guerre sainte fit que le Gouverneur Général décida, en mai 1895, de convoquer le Cheikh Ahmadou BAMBA à Saint-Louis , exécutant en fait par-là une Volonté du TRES-HAUT qui en avait décidé ainsi de toute éternité…
La Vie de Cheikh Ahmadou Bamba: L’Etape de Jèwol (10 août 1895) Suite aux campagnes calomnieuses à l’endroit de Cheikh Ahmadou BAMBA, le Commandant LECLERC, Administrateur du Cercle de Saint-Louis, avait adressé en juillet 1895 une alarmante correspondance à ses supérieurs. Le Gouverneur Général par intérim du Sénégal et Dépendances, M. MOUTTET, expédia alors à Mbacké-Bâri une lettre de convocation au Cheikh qui, empêché, se contenta de déléguer son frère et bras droit Mame Thierno Birahim au dit Gouverneur qui interpréta ce geste comme un affront et un défi à son autorité. Ainsi l’Administrateur LECLERC fut-il chargé, à la tête d’une importante troupe composée essentiellement de gardes et de cavaliers dirigés par des chefs indigènes, de s’acheminer vers Mbacké-Bâri aux fins de contraindre par la force le Saint homme à se rendre à ladite convocation. Informé, Cheikh Ahmadou BAMBA dut mander une seconde fois le Cheikh Ibrahim dans le but de dissiper le malentendu. Mais face à la détermination d’en découdre qu’afficha l’Administrateur, l’émissaire du cheikh dut informer celui-ci de l’échec de sa mission ; ce à quoi, Cheikh Ahmadou BAMBA, devinant la trame de la Volonté Transcendante, qui seule pouvait présider à ces événements, confia les siens à la Grâce de DIEU et partit à la rencontre de ses ennemis. C’est ainsi qu’il retrouva le plénipotentiaire du Gouverneur dans la localité de Jéwol dans l’après-midi du samedi 10 août 1895. Ce jour de 18 du mois de safar 1313 de l’Hégire constituera, plus tard, celui de la célébration du grand Magal de Touba, car cette épreuve préfigurait déjà aux yeux du Cheikh le Succès et les Avantages Inestimables que le TOUTPUISSANT Dissimulait dans le Service qu’il comptait effectuer pour le Meilleur des humains (PSL). Ayant ainsi passé la nuit à Jéwol, le saint homme reprit, en bonne escorte, son périple le matin du dimanche, fit une escale dans le village de Kokki d’où il s’achemina de nuit vers Louga. De cette localité, il prit, le lundi 12 août, le train pour SaintLouis qu’il atteignit au crépuscule et où il restera pendant les 10 jours restants du mois de safar et presque tout le mois de Rabi’u-l-Awwal. Le Serviteur du Prophète aura à subir sur cette île nombre d’épreuves de la part de ses persécuteurs dont la plus injuste restera sans doute la décision de l’exiler vers les contrées hostiles de l’Afrique Équatoriale. Mais ceux-là qui le bannirent et tentèrent de l’avilir à jamais ne savaient certes pas que le TOUT-PUISSANT s’était LUI-MÊME Prescrit, de toute éternité, le Devoir de Secourir Ses Amis ; et où qu’ils puissent se trouver… Ayassa minni laahi inda jewoli ibliss iznadaytaho bi yawali » A Djéwol, Dieu a désespéré Iblis de moi, Quand je l’ai invoqué en disant : « O Mon Allié!… » CHEIKHOUL KHADIM Le Conseil Privé de Saint-Louis (5 septembre 1895) Après son arrestation à Jéwol, le Cheikh Ahmadou BAMBA restera à Saint-Louis jusqu’au jeudi 5 septembre 1895, date à laquelle le Conseil Privé, composé de dix membres réunis dans la salle ordinaire de ses délibérations, décida son internement au Gabon. L’Histoire a surtout retenu de ce jour la tempérance du Cheikh dans sa défense contre les chefs d’accusation qui lui furent exposés mais surtout le cœur qu’il eut de parapher au bas du document qui lui fut tendu la sourate Ikhlâs , symbole de l’Unicité Absolue de DIEU comme négation de la Trinité, en guise de signature, mais surtout celui d’effectuer deux rakkas devenues célèbres sur le lieu même de ladite séance. Une coïncidence significative fut que ces événements eurent, non seulement, lieu au cours du mois de la Naissance du Prophète (PSL), mois de Rabi’u-l-Awwal (« Gamou ») que vénérait particulièrement le Cheikh, mais le Conseil Privé fut tenu le fut tenu le www.daaraykamil.com 7 jour de 14 de ce mois qui correspond au surlendemain de l’Anniversaire de la Naissance du Prophète (PSL) pour le Service duquel le Voyage est censé être fait. En effet le dernier Messager de DIEU (PSL) est, selon l’hagiographie musulmane, né la nuit du 12 du mois de « Gamou » et a aussi émigré à Médine un jour de 12 du mois de « Gamou ». La coïncidence étonnante sera donc que son Serviteur sera aussi appelé à exiler et à entamer le Service qu’il lui destinait au surlendemain de ce jour calendaire correspondant à l’Hégire de son Maître (PSL) ayant eu à subir la même épreuve dans des conditions étrangement similaires relatées par le Coran: « Rappelle-toi lorsque les infidèles complotaient contre toi afin de t’emprisonner ou te tuer ou t’expulser; ils complotaient alors que DIEU cernait leur plan » (8:30) Au cours de son séjour à Saint-Louis Cheikh Ahmadou BAMBA fut l’objet de la sollicitude de nombre de grandes figures musulmanes dont certaines l’exhortèrent vivement à interjeter appel de l’injuste décision; éventualité à laquelle il ne daigna jamais souscrire car, disait-il: » Je me suffis de DIEU en dehors des roitelets et de Muhammad en dehors de tout autre intermédiaire ». C’est ainsi que le Serviteur du Prophète fut contraint de quitter l’île de Saint-Louis, le matin du jeudi 19 septembre 1895, correspondant à l’avant-dernier jour du mois de Rabi’u-l-Awwal, pour s’acheminer par chemin de fer vers la ville de Dakar où l’attendaient d’autres péripéties.
EXTRAIT PROCÈS VERBAL CONSEIL PRIVÉ DE L’ADMINISTRATION COLONIALE AU SUJET DE CHEIKH AHMADOU BAMBA : « Le conseil privé après avoir entendu la lecture des rapports de M.M Merlin et Leclerc et fait comparaitre Ahmadou Bamba a été d’avis, à l’unanimité, qu’il y avait lieu de l’interner au Gabon, jusqu’à ce que l’agitation causée par ses enseignements soit oubliée au Sénégal ».
Sources : Oumar Bâ, “Ahmadou Bamba face aux autorités coloniales (1889 – 1927) – Daaray kamil – extraits du Web