Dakarmidi – Célèbre par son nom et son statut d’illustre mère du Mahdi, Seydina Limamou Laye, Mame Coumba Ndoye est une Yoffoise née à Ngaparou, qui aurait été élue par le Tout-Puissant entre toutes les dames de son époque.
A quoi ressemble la mère d’un Prophète ? Un, deux et trois. Si vous n’avez pas la réponse, filons du côté de Yoff. Cet aprèm-là, le coeur de la cité est à vif, comme un bouton crevé. Dans les ruelles imbriquées, l’astre dicte sa loi. Impitoyable, le soleil darde ses rayons sur les quelques fidèles rencontrés sur le chemin du mausolée de Diamalaye. Ici, la mer berce le carré mortuaire entouré de murs épais superposés de grilles, où repose Seydina Limamou Laye, fondateur de la confrérie Layène. De près, on admire le sable fin et ce respect («personne n’entre dans le mausolée avec des chaussures») qu’on lui accorde. De loin, on s’évade aux mouvements des vagues, qui viennent s’échouer devant le bel édifice. Un bâtiment à l’architecture d’Al-Aqsa, peint en blanc et remonté d’un dôme de couleur verte. «L’endroit abritait un cratère et quand on y a enterré Seydina Limamou, le sol s’est élevé, dépassant la hauteur de la surface de la terre, explique Mbaye Ndoye, petit-fils de Mame Coumba Ndoye. C’est pourquoi depuis l’esplanade, on a l’impression d’être au-dessus de la mer.»
Il est 16 heures. Dans le village, à quelques mètres de la nouvelle cité, l’ambiance des jours ordinaires cède à un calme précaire. Les populations se sont terrées chez elles. Seuls quelques adultes se mettent devant les domiciles, fuyant la chaleur des chambres. Quelque part au milieu d’un capharnaüm, des enfants, filles et garçons, jouent au football. D’autres, plus âgés, préfèrent jouer au Ludo. Loin de l’insouciance et du bruit des mômes, une sexagénaire égrène ardemment son chapelet dans son salon. Mame Coumba Ndoye est l’homonyme de la mère de Seydina Limamou Laye. Elle est bien consciente du poids d’un tel nom sur ses frêles épaules rongées par le poids de l’âge. «Je vais souvent me recueillir auprès de mon homonyme», glisse-t-elle, mystérieuse. Puis, elle embraie: «Ma mère m’a dit qu’elle était d’une générosité inégalable. J’essaie de marcher sur ses pas, mais je sais que ce n’est pas possible de l’égaler, parce qu’elle est unique.» Cette Mame Coumba Ndoye a les cheveux blancs, les jambes hors d’usage, mais la foi intacte. Elle n’a certes pas connu son homonyme, née en 1810, à Yoff, au quartier Ngaparou et rappelée à Dieu en 1883. Mais elle connaît un rayon sur la vie de la mère du Mahdi, Limamoul Mahdiyou, l’envoyé d’Allah qui appela les humains et les djinns à venir répondre à l’appel de Dieu. «Adjibo Dahya-Lay!»
«Elle a maîtrisé le Saint Coran à l’âge de six ans»
Mami Ndoye Laye, la trentaine, le teint noir, presse le pas. La dame, rencontrée dans une ruelle du village, s’active déjà aux préparatifs du Ndogou. Interpellée sur la vie et l’oeuvre de Mame Coumba Ndoye, «dont elle aurait aimé partager l’époque», elle dit, reconnaissante : «Nous la remercions de nous avoir donné Mame Limamou Laye. Je l’imagine belle, généreuséparfaite.» Dans l’imaginaire de cette fidèle layènne, la mère du Mahdi devait être une maman comme les autres, mais avec juste quelques vertus en plus. Toutefois, selon la légende, Mame Coumba Ndoye n’était pas une personne ordinaire. Elle serait une lumière de Dieu dans un corps humain. Son petit-fils, Serigne Mbaye Ndoye Laye, tout en se désolant de l’ignorance de certains au sujet de cette femme, confirme la rumeur: «Ma grand-mère ne peut pas être prise comme un simple humain. Elle était vénérée des anges, des animaux, des arbres.» L’homme svelte aux gestes posés, poursuit: «Mame Coumba Ndoye a maîtrisé le Saint Coran à l’âge de 6 ans. Elle était une grande érudite. Il se dit même qu’elle tenait sa connaissance directement du Seigneur. Sans intermédiaire.»
Tout commence en 1810. Le couple Mbaye Birame Ndoye-Ndèye Coumba Thiaw donne naissance à une fille. A Ngaparou dans le vieux Yoff, la jeune Mame Coumba Ndoye se distingue par son non-conformisme par rapport aux rites et autres cultes païens de la communauté léboue. «Cette jeune fille qui faisait partie des «Khagaar», l’une des douze tribus de Yoff, était d’une piété extraordinaire. Elle ne participait pas au «Ndeup» ou à quelque festivité que ce soit. Quand les autres enlevaient leurs habits pour se baigner à la plage, Mame Coumba Ndoye, elle, était toujours couverte. Elle prenait son bain avec ses habits», rapporte Mbaye Ndoye. Celle qui est rappelée à Dieu en 1883, au 27e jour du mois de Rajab, et trois jours avant l’Appel de Seydina Limamou Laye, n’a pas laissé de portrait à sa descendance. Mais Mbaye Ndoye retient quelques témoignages de sa grand-mère et essaie de dresser son portrait-robot qui se résume à un seul trait: belle. «Elle était trop belle, la plus belle femme du monde. Quand elle passait, tout le monde se mettait à la regarder», raconte son petit-fils, qui ignore tout de la taille et du teint de son illustre mémé. Qui a été choisie par le Mahdi comme sa maman, à son insu.
Comment Mame Coumba Ndoye a séduit Limamou Laye
Pour venir au monde, Limamoul Mahdiyou avait besoin d’être issu d’une dame irréprochable. D’une croyante dont les vertus feraient l’unanimité. D’une femme pure. Et pendant longtemps, soutiennent les fidèles Layènes, il a séjourné à Yoff, à la recherche de la femme qui le portera dans son ventre. On raconte qu’il la trouvera en la personne de Mame Coumba Ndoyédes années-lumière plus tard. «Mame Limamou Laye a fait plus de mille ans à Yoff. Mais chaque jour, il faisait le tour du monde à la recherche d’une femme digne d’être sa maman. Il a observé et apprécié les qualités de Mame Coumba Ndoye, qui est une femme d’une exemplarité unique», témoigne Mbaye Ndoye. Un miracle qu’on raconte partout à Yoff et qui conforte le statut de Prophète de son fils. D’ailleurs, les adeptes Layènes n’en finissent pas de célébrer Dieu pour le «cadeau» envoyé à travers Mame Coumba Ndoye. Selon eux, Limamou Laye ne s’est pas trompé en portant son choix sur la femme de Yoff, qui a su relever le défi. «Les anges la vénéraient comme ils le faisaient avec Aminatou, quand elle portait le Prophète Mouhammad (Psl) dans son ventré Limamou Laye sortait du ventre de sa mère, quand c’était nécessaire, pour l’aider à porter la bassine d’eau, puis y retournait (sic)». Le monde a connu des jours de paix totale, où le chien a caressé le chat, le lion a embrassé la panthèré C’était le jour où Mame Coumba Ndoye accouchait de Limamou Laye. Les jours suivants ne seront que miracles. «Le jour de sa naissance, Limamou Laye est sorti par le milieu du ventre. On a ouvert le ventre, Mame Limamou Laye est sorti en avançant le pied droit suivi du gauche. C’était le 14e jour du mois de Chabaan. L’eau de la mer est devenue douce trois jours durant et les animaux ont fait la paix dans la forêt», narre Mbaye Ndoye. Il ajoute: «Quand Mame Coumba Ndoye est tombée enceinte de Limamou Laye, elle n’a jamais senti la moindre douleur, même à l’accouchement. Elle n’avait pas saigné, puisqu’elle n’avait pas de menstruations (sic).» Sa grand-mère a manifesté sa supériorité devant Dieu aux autres femmes jusqu’après sa mort. «Son tombeau qui se trouvait au quartier Ngaparou, a disparu comme celui de la mère de Mouhammad (Psl), Aminatou. Personne ne peut vous dire où il était», révèle-t-il, sûr de son propos. Un ange passe.
«Elle recevait sa dépense quotidienne directement de Dieu»
Cela fait des siècles que la révélation a eu lieu, mais à Yoff, on vit toujours comme à l’époque du Mahdi. Dans le village de Mame Coumba Ndoye, tout le monde est Laye. Un nom commun, synonyme de l’unité des fidèles et de leur appartenance au mêmé Mahdi. Dont l’illustre maman, dans sa générosité incommensurable, était la fondatrice de l’action de grâce à l’égard des autres, de cette grande hospitalité nommée «Téranga». «La Téranga sénégalaise trouve ses origines dans la générosité légendaire de Mame Coumba Ndoye. C’est elle qui l’incarnait le mieux. Elle préparait quotidiennement douze «Mbana (grosses marmites)» de repas qu’elle distribuait sans distinction. Quand il y avait moins de personnes, elle envoyait Mame Limamou Laye sur plus d’un kilomètre, chercher des gens avec qui partager le repas. Le voisinage ne cuisinait pas. Même les animaux avaient leur part. D’ailleurs, ils ont rendu grâce à Mame Coumba Ndoye. C’est pourquoi elle a été surnommée Coumba «Diagata», c’est-à-dire, Coumba qui s’affaire autour du repas pour servir tout le monde. En Wolof, quand on veut remercier une femme, on lui dit: «Waaw Coumba», explique Mbaye Ndoye. Question: d’où tirait-elle toutes ses ressources pour nourrir tout ce beau mondé «Mame Coumba Ndoye recevait sa dépense quotidienne directement de Dieu, révèle Mbaye Ndoye. Son mari, Alassane Thiaw, ne donnait pas de dépense. Elle était le trait d’union entre les femmes de la communauté et leurs maris. Elle était surtout le choix de Dieu, la mère du Mahdi, Seydina Limamou Lahi.
L’observateur