Par essence, la démocratie, terme du grec ancien « democratia » provenant de la combinaison de « dêmos » (ensemble des citoyens) et « kratos » (pouvoir) est un régime politique dont le principe repose sur celui du gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.
Appliquée à l’échelle d’une République, elle permet à tous les citoyens de disposer du droit, mais aussi du devoir, de participer, de près ou de loin, aux décisions qui les concernent.
La volonté des citoyens s’exprime par la médiation de représentants désignés lors d’élections au suffrage universel.
D’où la question primordiale du choix qui revient au peuple souverain.
Ses principes fondamentaux sont entre autres : la liberté des individus, la règle de la majorité, l’existence d’une constitution et d’une juridiction, la séparation des pouvoirs, la consultation régulière du peuple par élection ou référendum.
Elle demeure toutefois un idéal qu’on cherche à atteindre du fait de la nature composite des éléments qui la structurent mais aussi et surtout de l’exigence de s’adapter au contexte spatio-temporel des citoyens dont elle est appelée à prendre en charge leurs préoccupations.
Dans une Afrique longtemps minée par des dérives monarchiques, le Sénégal fait office aux yeux d’un grand nombre d’observateurs « d’exception démocratique », loin des révisions constitutionnelles, des coups d’état ou des conférences nationales qui ont installé la démocratie dans bien des pays africains.
L’étude de la vie politique sénégalaise révèle une immense richesse des activités partisanes mais également de nombreux bouleversements.
En effet, depuis deux siècles, le Sénégal est passé de l’état de colonie française au statut de pays indépendant, du parti unique de fait au pluralisme intégral, d’un total monopole de l’Etat sur les médias à la libéralisation de ce secteur, du règne sans partage du parti socialiste pendant 40 ans à la réalisation d’une première alternance le 19 mars 2000 et d’une deuxième le 25 mars 2012.
Dans le cadre rituel de l’évolution politique et constitutionnelle les élections constituent un rituel qui s’accomplit depuis 1848.
Cependant, force est de reconnaitre aujourd’hui que la démocratie sénégalaise semble marquer le pas et risque même d’être dépassé, s’elle ne l’est pas déjà, par certains africains comme le Ghana, le Bénin, le Cap Vert, le Mali ou même le Libéria qui, il y’a peu, étaient à des années lumières du Sénégal.
Il est alors devenu un impératif catégorique de nous interroger pour trouver les véritables raisons de ces reculs ou du moins ce « surplace » démocratique.
La première est à trouver dans le fort taux d’analphabétisme de notre pays qui tourne autour de 54, 6 %.
Un peuple ignorant, dans sa grande majorité, peut-il participer à la vie politique et démocratique du pays ? Que nenni et l’assertion de Condorcet dans son œuvre intitulée Cinq Mémoires sur l’instruction publique, 1792 : « Plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre […] mais même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave. » l’illustre parfaitement.
Ces citoyens entièrement à part ne participent pas au développement économique du pays et sont victimes des injustices et des inégalités sociales que la démocratie était censée résoudre.
Cette situation est malheureusement exploitée par certains partis politiques qui ont de plus en plus mauvaise presse et accusés de manipuler les citoyens, à la quête de pitance pendant les échéances électorales et obligés de privilégier le vote « alimentaire » à la place de choix programmatiques, même si on a noté ces dernières années une certaine prise de conscience pour contrecarrer l’achat des consciences.
Développement et démocratie sont donc loin d’être antinomiques, mais la question est de savoir qui doit avoir le primat sur l’autre.
Jeffrey Sachs affirme dans son ouvrage « La fin de la pauvreté » que « la démocratie est une condition préalable au développement économique. » Cette thèse est-elle valable dans nos pays sous- développés ?
Nous pensons qu’un développement endogène serait plus à même d’installer une vraie démocratie.
L’autre facteur limitant se trouve dans la séparation des pouvoirs, principe fondamental de toute démocratie.
Qu’en est-il dans notre pays ?
C’est une lapalissade que de dire au Sénégal le pouvoir législatif n’est qu’un instrument à la solde de l’exécutif qui lui soumet des projets de loi qu’il votre sans discernement, sans jamais faire des propositions de lois qui, le cas échéant, sont dictées par l’exécutif.
Ce même pouvoir exécutif est souvent critiqué de s’immiscer dans des affaires judiciaires, ce qui pose encore avec acuité le problème de l’indépendance de la justice.
L’autre épine dans le pied de la démocratie de notre pays est l’absence de dialogue et de concertation entre la majorité et l’opposition car même si la démocratie repose sur la loi de la majorité, celle-ci doit aussi tenir compte des droits des minorités.
Tout ceci repose in fine la problématique de la conquête et de l’exercice du pouvoir dans nos états qui s’inscrit toujours dans des enjeux de luttes parfois féroces dans lesquelles l’homme politique ne doit pas trop s’encombrer de scrupules moraux, d’où les nombreux « wax waxètt » constatés ça et là .
L’accent est mis sur les rapports de force – le vote de la loi sur le parrainage est là pour le confirmer-où le désir commun est de l’emporter sur l’autre quels que soient les moyens utilisés(la fin justifiant les moyens), ce qui rappelle à bien des égards Machiavel qui a bien su interpréter la légende du centaure (Mi-homme, mi- cheval) en ayant bien su user de la bête et de l’homme.
Le président Macky SALL ne l’a-t-il pas bien compris en s’autoproclamant « le lion qui dort » ?
Ah oui il faut être un lion, mais bien éveillé, pour faire face aux loups aux dents acérées, mais la force seule est impuissante et contre- productive (elle suscite l’esprit de rébellion, situation à laquelle on assiste présentement à l’APR), sans la ruse du renard permettant de contourner les pièges ou de savoir en jouer.
Alors au renard de réveiller le « lion qui dort » pour une meilleure gestion de la situation administrative et politique du Sénégal.
Machiavélique !
Fait à Dakar le 11 mai 2018
El hadji Abdou WADE dit Mara.