Dakarmidi – Le 19 avril prochain, l’Assemblé nationale majoritairement composée des députés de la majorité présidentielle, va se réunir en plénière pour tenter d’imposer la loi « démocraticide » sur pseudo parrainage citoyen à travers laquelle tout candidat à l’élection présidentielle au Sénégal doit obtenir 1% des inscrits sur le fichier électoral, avec au moins 2000 signatures dans 7 régions du pays. Un des arguments justificatifs que la majorité a servi à la consommation publique est la nécessité de rationaliser les partis politiques et décourager « les candidatures fantaisistes » en perspective de la présidentielle de 2019. Le caractère insidieux de ce projet de loi qui doit passer par un tripatouillage constitutionnel ne réside pas seulement dans sa violation de la clause d’éternité de la Constitution adoptée en 2016 qui interdit toute modification de la Loi fondamentale. Ce projet de loi est sournois parce qu’il va profondément déconsolider la démocratie sénégalaise et ouvrir une brèche vers une dictature sous couvert d’institutions et de procédures démocratiques pour plusieurs raisons.
Lorsque les tenants du régime en place disent introduire cette loi sur le parrainage pour instaurer une égalité de traitement entre les candidats indépendants et les candidats des partis politiques, ils couvrent d’un verni trompeur leur dessein inavoué qui est de faire avaler aux Sénégalais un projet inique et cynique. Que les candidats indépendants jouissent depuis 1992 de la possibilité de se présenter à une élection présidentielle s’ils prouvent leur légitimité populaire à travers les signatures des parrains est une avancée démocratique. Mais vouloir appliquer cette même mesure aux partis politiques est une aberration puisque ces derniers ont une double légitimité qui leur en dispense.
En effet, lorsqu’on crée un parti politique au Sénégal, on est soumis à des règles à et des procédures auxquelles s’ajoute une enquête de moralité du Ministère de l’intérieur qui est censé être suffisamment rigoureux pour disqualifier, en amont, tout parti qui ne remplit pas les conditions requises pour concourir au suffrage des citoyens. Mais, dès lors qu’il existe légalement, un parti politique, il ne saurait se voir imposer un quelconque parrainage puisqu’il aura déjà fait la preuve de sa légitimité en ayant préalablement fourni une attestation qui est un instrument légal de validation de la candidature d’une personne au sein d’un parti. Cela dit, rien ne peut justifier le fait de mettre les partis politiques au même niveau que les candidatures indépendantes, si ce n’est la volonté de masquer la légitimité entamée d’un régime qui fait feu de tout bois face sa chute imminente en 2019.
Macky Sall doit abandonner le projet de loi sur le parrainage pour sauver la paix civile
Au-delà du timing, à moins d’un an de l’élection présidentielle et sans consensus, il y a beaucoup de questions non résolues sur les modalités et la sécurisation du processus qui doivent motiver l’abandon pur et simple du projet de loi.
La première raison est que le Conseil constitutionnel n’est pas techniquement et humainement outillé pour vérifier chaque parrainage avant de le valider ou l’invalider. Comment garantir une transparence totale dans le l’authentification des signatures si les cartes d’identité biométriques comportent toujours des erreurs non résolues sur le sexe, l’âge, le nom et prénom et l’adresse des électeurs ? Par ailleurs, il est prévu que le Conseil constitutionnel statue et déclare la liste des candidats 35 jours avant l’élection présidentielle (approximativement cinq semaines du scrutin). Il est clair que le volume d’au minimum 65 000 signatures requis (pour autant de candidatures qui auront déposé une lite) sera d’autant plus colossal qu’il risque de se poser un sérieux problème d’authenticité de ces signatures. En plus de cela, il y a plus de 2 millions de cartes d’électeur qui ne sont pas encore distribuées.
La deuxième raison qui doit pousser à l’abandon pur et simple du projet de loi sur le parrainage est l’absence de voies de recours permettant à tout candidat de pouvoir dire qu’il a bien réuni le nombre de signatures requises. Même si les défenseurs du projet de loi parviennent à mettre en place ces voies de recours comme ils le disent, il est techniquement impossible pour une commission de recours d’examiner et arbitrer ces derniers dans les délais prévus. En effet, si l’on soustrait des cinq semaines les trois que va durer la campagne électorale, cette commission ne disposera techniquement que deux semaines avant la campagne pour examiner les recours et valider l’authenticité de chaque signataire des 65 000 parrains pour chaque liste qui aura soumis un recours.
La troisième raison est que l’histoire doit servir à quelque chose. Comme par le passé, le régime de Macky Sall est en train de conspirer pour mettre la main sur la base de données des 65000 parrains déposés par les différents candidats et opérer soit à un ciblage pour faire des achats de conscience soit manipuler les règles du jeu. C’était le cas lors des dernières élections législatives lorsque l’inscription sur les listes et surtout la distribution des cartes d’électeur se sont faites d’une manière très arbitraire qui privilégie les électeurs favorables au régime en place. La disponibilité d’une base de données des parrains déposée par les différents candidats sera un cadeau entre les mains du parti au pouvoir qui, parce qu’il contrôle le système, peut tripatouiller les élections.
Pour toutes ces raisons, le coup de force ne passera pas. Forces Démocratique du Sénégal (FDS) appelle les citoyens à un rassemblement à la Place Soweto le jour du vote en séance plénière du projet de Loi par l’Assemblée nationale. Cette fois-ci, le peuple doit transformer la révolte populaire en une révolution politique et sociale pour dégager une classe politique aveugle et sourde, incapable d’entendre la clameur populaire.
Fait à Dakar, le 16 avril 2018
Contact : 775410837/ 774380188