Dakarmidi-Dans un entretien accordé à «DakarTimes » parcouru par Leral, Samuel Sarr livre sa part de vérité sur l’affaire Petro-Tim révélée dans un documentaire par BCC. L’ancien ministre de l’Energie sous Wade qui a fait venir Franck Timis au Sénégal, explique les péripéties de cette affaire, défend Aliou Sall et tire à boulets rouges sur ses détracteurs.
L’ancien Ministre de l’Energie dit avoir connu Timis pour l’avoir accompagné dans la sous-région dans le cadre de ses activités. « En Sierra Léone, il a eu à développer un business de 7 milliards de dollars (4200 milliards de FCFA) pour la mine de Tonkolil estimée à 10 milliards de tonnes de fer. Les Sénégalais doivent comprendre que Franck Timis est un grand monsieur, extrêmement puissant sur le plan financier». Samuel Sarr rappelle aussi que Timis a fait « des investissements énormes en Côte d’Ivoire, au Libéria, au Niger. Il a eu un permis d’exploration d’uranium. En Guinée, il avait beaucoup investi ».
En outre, M. Sarr a connu Franck Timis lors d’un forum sur la recherche pétrolière à Londres. Il était alors Ministre de l’Energie. Il s’était rendu à Londres en compagnie du Sénégalais Djbril Kanouté qui était à l’époque Directeur Général de Pétrosen. «J’ai été séduit ce jour par l’organisation mise en place par Timis avec une équipe d’experts très compétents » dit M. Samuel Sarr. C’est après cette visite que l’Etat du Sénégal a décidé d’inviter Franck Timis à venir faire des prospections au Sénégal. «En tant que Ministre de l’Energie, c’est moi qui ai accueilli Timis au Sénégal. Nous avons signé un Memorandum of Understanding (MOU). Et lorsque j’ai quitté le Gouvernement, nous avons maintenu nos relations. Nous avons fait beaucoup de missions ensemble en Afrique», a-t-il déclaré.
A propos des contrats pétroliers, Samuel Sarr a déclaré «qu’au Sénégal, ceux qui savent, ne parlent pas, et ceux qui parlent, ne savent pas». L’ancien Ministre de l’Energie déclare : « je n’ai jamais voulu parler de cette affaire parce que je ne veux pas hurler avec les loups. Lorsque tout le monde parle en même temps, finalement, on ne s’entend pas et on ne se comprend pas non plus. Cela va dans tous les sens comme c’est le cas présentement. Le pétrole ce n’est pas comme l’arachide. Nous au Sénégal, nous venons de connaître le pétrole. Mais nous devons comprendre que c’est une autre activité, qui a ses modes de fonctionnement organisé par des Codes, des Traités, des Conventions qui sont parfois au-dessus des lois nationales. Car certains textes réglementaires qui régissent le pétrole dans le monde, entrent dans le domaine du Droit international », a déclaré Samuel Sarr.
Il soutient que «dans le monde du pétrole, il y a différents types de sociétés selon leurs activités et leurs capacités financières et techniques ». Pour le cas de Franck Timis, Samuel a soutenu que «lorsqu’il a obtenu son contrat signé par Karim Wade suivi du décret signé par Me Abdoulaye Wade et Souleymane Ndéné Ndiaye, Timis devait immédiatement démarrer ses activités mais les documents n’étaient pas enregistrés. Macky Sall dans le cadre de la continuité de l’Etat, n’a fait que terminer ce que son prédécesseur avait commencé».
De l’avis de M. Sarr, «Timis a fait du farm in avec Kosmos. Ce qui est une pratique courante dans les activités pétrolières. Si une entreprise voit des indices (après des études sismiques) dans ses recherches, elle peut contacter une société junior pour poursuivre les travaux (les forages). Et la junior va aussi faire appel à une société sénior comme Kosmos a fait avec Bp». Mais de l’avis de Samuel Sarr, «avant la prise d’actions de Kosmos sur PétroTim et de Bp sur Kosmos, l’ensemble des employés de Timis ont été entendus (Good gouvernance due diligence) par les avocats et conseillers de ces groupes. Les entreprises Kosmos et de Bp ont auditionné tous les employés de Franck Timis. C’est la pratique courante voir même banale en matière de transactions financières dans le secteur du pétrole, avec des investissements aussi importants ».
Selon Samuel Sarr, «les avocats de Kosmos et Bp ont entendu Aliou Sall pendant plus 24heures, pour être certains qu’il n’y a pas d’indice de corruption dans les activités de Franck Timis avant qu’ils signent avec son groupe ».
A en croire Samuel Sarr, «les avocats de BP et Kosmos ont mené des enquêtes très poussées sur Aliou Sall, du fait de son lien avec le Président Macky Sall. Ils ont regardé ses comptes bancaires, ses mails, son contrat avec Franck Timis, tout y est passé. Parce qu’ils savent que les sociétés cotées en bourse doivent être totalement clean. C’est pour cela qu’ils ont auditionné l’ensemble des employés de Franck Timis. Et les rapports d’enquête existent. Je peux certifier sur l’honneur qu’aucun indice de corruption n’a été décelé concernant Macky SALL».
L’ancien Ministre de l’Energie a soutenu que «les renseignements que les avocats de BP et Kosmos ont sur Aliou Sall, la chaîne BBC ne les a pas». Samuel Sarr a aussi évoqué les révélations de BBC sur le salaire d’Aliou Sall. Selon lui «les salaires sont négociés dans le cadre d’un contrat privé. Si Franck Timis accepte de payer un grand salaire à Aliou Sall, cela dépend des termes de leur contrat mais aussi de la mission confiée à ce dernier. Tout travail mérite salaire. Moi qui ai fait plus de 30 ans dans le secteur pétrolier et de la finance, je suis certain qu’Aliou Sall n’a pas été bien payé par Franck Timis, car ses autres collègues européens ou américains, pour les mêmes services, perçoivent deux fois plus».
L’ancien Ministre n’a pas raté ceux qu’il qualifie «d’hommes politiques de mauvaise augure». «Je suis étonné d’entendre des opposants comme Abdoul Mbaye dire que l’Etat doit retirer le permis de Franck Timis. Je le renvoie à l’article 7 du protocole d’accord qui lie l’Etat du Sénégal à PétroTim, qu’il a lui-même signé intitulé : «Loi et juridiction ».
Là, il est bien expliqué, ce que risque le Sénégal s’il décidait de rompre le contrat. Déjà on est en arbitrage avec Franck Timis sur deux autres blocs pétroliers. Et ces nombreux procès coûtent cher à l’Etat. En plus, il y a ce que l’on appelle le Traité Bilatéral d’investissement (TBI) ratifié par le Sénégal, qui protège tous les investissements étrangers effectués dans le pays ».
Samuel Sarr s’est demandé «comment en tant que premier Ministre, Abdoul Mbaye pouvait-il ignorer cela ? ».
«Et vous savez quoi, c’est lui-même qui avait signé le décret d’approbation qui a donné le permis à Franck Timis et qu’il dit s’être trompé. Pauvre Sénégal. Voilà le type d’hommes qui aspirent à nous diriger et qui s’octroient le permis de commettre des erreurs dans la gestion des affaires publiques», a martelé Samuel Sarr.
L’ancien ministre a invité le frère du président à prendre ses responsabilités. «A mon avis, Aliou Sall doit prendre ses responsabilités. Le Président Macky Sall a beaucoup fait dans la lutte contre la corruption, il ne faudrait pas que ses adversaires se servent d’Aliou Sall pour saboter les efforts du Sénégal dans la lutte contre la concussion et les fraudes. Par ailleurs, je voudrais dire aussi que la BBC n’est pas une juridiction pour établir la culpabilité d’une personne. Nous sommes dans un Etat de droit et il appartient à la justice dire le droit», a expliqué Samuel Sarr.
«Pour moi, le plus important c’est la gestion des retombées financières du pétrole sénégalais. Car, pour la période d’exploitation, le bénéfice est estimé à environ 35 milliards de dollars entre 25 et 30 ans (selon le volume de production). Et le Sénégal, dans cette manne financière, va recevoir environ 23 milliards de dollars. Alors, nous devons veiller sur la bonne utilisation de ces retombées financières afin que cela profite au peuple sénégalais et surtout, aux générations futures » a-t-il ajouté.
L’ancien Ministre révèle l’existence d’autres découvertes. Il cite «les blocs de Sangomar sur lequel, il y a eu les mêmes pratiques de farm-in, où Wooside a racheté les parts des autres entreprises qui on, elles aussi, des redevances pendant la période d’exploitation ». Enfin, le ministre a invité les Sénégalais à participer aux discussions sur le contenu local (local content), qui est selon lui, «le vrai levier de contribution au produit intérieur brut du Sénégal».
«A mon avis, toutes les activités connexes de l’exploitation du pétrole, doivent être gérées exclusivement par les entreprises sénégalaises. C’est cela le véritable enjeu», dira-t-il.