Dakarmidi – Styliste, directrice artistique et entrepreneure franco-congolaise, Laëtitia Kandolo s’est fait une place dans l’univers de la mode grâce à ses remarquables collaborations avec des célébrités mondiales et sa marque de prêt-à-porter made in Kinshasa, Uchawi.
Quelques secondes passées sur son site officiel fraîchement renouvelé et vous comprenez que Laëtitia Kandolo a fait en (très) peu de temps ce que d’autres parviennent à réaliser en une vie. C’est à elle que l’on doit les costumes de scènes de Madonna, Beyoncé, Alicia Keys ou encore Kanye West – pour ne citer qu’eux- sur leurs dernières tournées mondiales. Elle a habillé Rihanna pour les Grammy Awards, Fally Ipupa pour les photos de son album Tokooos, Mariah Carey, Bonang Matheba, Lady Gaga…
Sa carrière a commencé juste avant qu’elle intègre l’école de mode parisienne, ESMOD. La styliste freelance, plongée dans l’univers de la danse et attirée par tous les domaines de l’art depuis son enfance, n’avait que 19 ans. Un parcours magique, des expériences uniques mais un profil jeune qui posait problème à Paris. « Quand je suis revenue de New York, j’ai passé des entretiens dans de grandes entreprises, des médias et des marques vraiment intéressantes car j’avais envie de rester en France. Mais mon âge a été un frein. C’est lorsque j’ai pris la décision d’enlever volontairement quelques expériences de mon CV qu’on a commencé à me rappeler … », se souvient-elle d’une voix posée. Aujourd’hui, Laëtitia Kandolo a 26 ans. On ne dirait pas, ses traits innocents rajeunissent son visage. « Les gens continuent à dire que je ressemble à une fille de 18 ans avec 30 ans d’expertise, je n’ai toujours pas vieilli. » rit-elle.
Laëtitia est à la tête d’un monde tout rose avec sa marque de prêt-à-porter Uchawi ( « magie » en swahili) , créée en 2015 au Congo. Désireuse de retrouver ses racines, Titia – comme on la surnomme- est partie sur « un coup de tête ». En trois semaines, tout était décidé. Celle qui ne connaissait pas réellement son pays d’origine s’est confrontée à des réalités locales concernant le marché de la mode au Congo : « Pour moi, ce marché n’existe qu’en surface. Il y a des stylistes, mais il n’y a pas une réelle industrie, de normes internationales… Par exemple, à l’échelle du pays, c’est très compliqué de faire exporter quelque chose. Le Congo importe beaucoup plus qu’il n’exporte, alors personne ne peut réellement t’informer sur les démarches à faire » regrette-elle.
À la rencontre du Congo et des couturiers derrière Uchawi
Toutes ses créations (bustiers, blazers, chemisiers, jupes, pull, robes, veste etc.), confectionnées à Kinshasa doivent être transportées par ses soins ou une tiers personne. À long terme, la créatrice aimerait que la marchandise soit exportée afin de faire rayonner le savoir-faire local. De plus, Laëtitia a axé son projet Uchawi sur la jeunesse – une catégorie importante de la population kinoise – par le bais d’un programme solidaire et éducatif en partenariat avec les étudiants de l’ISAM (Institut Supérieur des Arts et Métiers au Congo). Ensemble, ils travaillent sur la marque et produisent les créations. Une manière de former de futurs professionnels : « Il y a plein de matières, tissus qu’ils ne connaissent pas. Avec Uchawi on sort du wax. C’est une volonté de ma part parce que c’est cliché. Tu ne verras personne habillé en wax au travail. Les gens portent des jeans, t-shirts, chemises blanches., détaille-t-elle. Les étudiants deviennent de vrais employés. Ils n’ont pas toujours des opportunités de travail et de cette manière, on leur apporte un peu de magie ! On crée de l’emploi, on suit leur évolution et on repère les meilleurs étudiants. », indique cette défricheuse de talents.
Pour la troisième collection, son équipe et elle ont décidé de montrer la « vraie Afrique » à travers des créations composées de soie, toile de coton rose, motifs jacquard. On retrouvera le masusa (une technique du couture) avec une couleur inédite. Une collection inspirée des seventies et de l’Orient. « Avec les années, je veux toujours pousser le concept un peu plus et avoir quelque chose d’encore plus pointu que les collections précédentes ».
Uchawi numéro 3 sera en ligne cette semaine. L’occasion de souffler et de se reposer ensuite. Rien n’est moins sûr. « J’ai encore mes gros clients à côté. Actuellement, c’est Rihanna. Il y a de belles choses qui se préparent avec Fenty Beauty, la marque continue à se développer. Je travaille sur les campagnes avec toute une équipe qui ne se trouve pas sur le même continent, ça demande beaucoup de coordination ».
Un rythme effréné qu’elle tient depuis le début, mais Laëtitia sait que sa carrière prendra sans doute une nouvelle tournure dans une dizaine d’années. Étant « très casanière », elle a le projet de fonder une maison des artistes au Congo : « J’ai l’avantage de travailler avec beaucoup de chanteurs, musiciens, photographes, peintres, réalisateurs… j’aimerais bien connecter tous ces talents et développer des projets. On pourrait avoir un studio de création et faire une passerelle entre le Congo et d’autres pays. C’est quelque chose qui peut fonctionner à Dakar comme à Abidjan » s’enthousiasme-t-elle.
En attendant, Titia se concentre sur sa marque, ses clients et s’installe dans une routine qui l’ennuie parfois. Sans prétention, la business woman reconnaît avoir déjà travaillé avec toutes les célébrités qui la font rêver. En quête de nouveaux défis, elle souhaite explorer des domaines artistiques encore inconnus pour elle : « pourquoi pas le cinéma ? j’ai reçu d’ailleurs le scénario d’un prochain film africain ! Ce serait intéressant de travailler les costumes ». Ironie du sort, c’est à partir des costumes de danse que lui est venu son amour pour la mode. La boucle est-elle bouclée ? « Non, il y a encore tant d’autres choses à faire ! », conclut Laëtitia. En réalité, l’histoire ne fait que commencer.