Le professeur Moussa Diaw, enseignant chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint louis, et Momar Diongue, journaliste et analyste politique, livrent leurs diagnostics sur ce phénomène des «présidents à vie» que certains observateurs ont fini par qualifier de «momification du pouvoir» dans certains pays africains. Interpellés par Sud quotidien, ils ont pointé du doigt, entre autres, la connivence de certaines élites intellectuelles et politiques, l’autocratie, la mal gouvernance et la présence de la famille ou de l’ethnie dans la gestion des affaires publiques.
La décision du chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, de briguer un 3ème mandat présidentiel et les ambitions prêtées à ses homologues de la Guinée et du Sénégal, ont remis au goût du jour le débat portant sur la relation des hommes politiques africains avec le pouvoir.
Le professeur Moussa Diaw, enseignant chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint louis et Momar Diongue, journaliste et analyste politique en sont convaincus.
Interpellés sur les raisons de ce phénomène des «présidents à vie» que certains observateurs ont fini par qualifier de «momification du pouvoir» dans certains pays africains, le professeur Moussa Diaw souligne que : « le plus souvent ce sont les hommes politiques qui accèdent au pouvoir après une longue traversée du désert, du fait des difficultés vécus pendant très longtemps dans l’opposition, qui sont les plus prompts à manœuvrer pour rester le plus longtemps au pouvoir. Ils sont aidés par une partie de l’élite intellectuelle qui a une grande responsabilité dans cette situation parce que quand, vous regardez la plupart des constitutions africaines, elles sont écrites par d’éminents constitutionnalistes africains qui, de connivence avec l’élite politique, s’engagent dans cette logique d’interprétation de l’esprit des textes de la charte fondamentale».
Poursuivant son argumentaire, il relève que : «Les constitutions changent très souvent en fonction du changement des régimes. Chaque fois qu’il y a changement à la tête de l’Etat, on change de constitution et au terme de leur mandat, les chefs d’Etat ont toujours tendance à modifier les constitutions de manière à proroger leur mandat». Abondant dans le même sens, le journaliste et analyste politique, Momar Diongue, affirme de son côté qu’il y a trois facteurs explicatifs de cette propension des dirigeants africains à aller vers un 3ème mandat ou même une présidence à vie. Il cite entre autres, la gestion autocratique, la mal gouvernance et la présence de la famille ou de l’ethnie dans la gestion des affaires publiques.
Abordant le premier facteur, Momar Diongue indique, «quand vous gérez de façon autocratique le pouvoir, vous brimez la démocratie dans votre pays, vous êtes sans pitié, sans rémission contre vos adversaires politiques, allant même jusqu’à les emprisonner. Par crainte de représailles après votre départ à la tête du pouvoir, vous êtes plutôt tenté de vous accrocher autant que possible au pouvoir». Poursuivant son analyse, il ajoute au sujet du deuxième facteur «quand vous gérez les deniers publics comme votre propre argent, quand vous vous permettez toutes les libéralités et tous les écarts de gestion des deniers qui vous sont confiés, vous savez bien évidement que vous et votre entourage pouvez faire l’objet de poursuites judiciaires une fois que vous allez perdre le pouvoir. C’est ce qui vous incline à vous accrocher ».
S’agissant du troisième et dernier facteur relatif à l’immixtion de la famille, de l’ethnie dans la gouvernance, le journaliste analyste politique déclare : «Quand vous gérez votre pays et que vous laissez votre famille ou votre ethnie participer à la gestion des affaires publiques, vous les exposez à un certain nombre de malversations ou de gestion non orthodoxe. Quand vous impliquez également les gens de votre ethnie dans la gouvernance, ils considéreront que c’est leur plein droit d’en faire ce qu’ils veulent et à partir de ce moment-là, vous serez tenté de garder le pouvoir».
A l’en croire, tous ces trois facteurs se retrouvent chez tous les hommes politiques qui veulent s’éterniser au pouvoir. Citant entre autres, le président Paul Biya du Cameroun, Denise Sassou Nguesso du Congo, le président Teodoro Obiang Nguema de la Guinée-équatoriale et le président d’Ouganda, Yoweri Museveni, les quatre présidents qui sont les plus anciens au pouvoir en Afrique, Momar Diongue souligne qu’on retrouve « tous ces trois facteurs dans la façon dont ces quatre présidents gèrent leurs pays respectifs». Aussi a-t-il suggéré aux organisations de la société civile et aux populations qui combattent ce phénomène de s’attaquer directement à ces trois facteurs s’ils veulent barrer la route à toute tentative éventuelle de 3ème mandat dans leur pays ».
Sud Quotiiden