Dakarmidi – Après la publication hier par le Service de l’information, de la communication et des relations publiques du Ministère des affaires étrangères d’un communiqué annonçant le rappel pour consultation de l’ambassadeur du Sénégal au Qatar, les réactions n’ont pas tardé autant dans la presse que sur les réseaux sociaux. Chacun y est allé avec son interprétation, en insinuant un comportement diplomatique soit « mimétique » emprunté à la Mauritanie qui elle a rompu ses relations avec l’Émirat, soit « suiviste » du fait de la solidarité déclarée par les autorités de Dakar avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahrein.
Il importe de préciser d’abord que le rappel d’un ambassadeur par son pays est une mesure qui suspend temporairement les liens officiels entre deux États, mais ne les rompt pas définitivement. En décembre 2016, Israël avait procédé ainsi pour exprimer son mécontentement à l’égard d’une dizaine de pays dont le Sénégal qui avaient dit « oui » à la résolution 2334 du Conseil de sécurité sur la colonisation juive en « territoire palestinien occupé ». Six mois plus tard, cette coopération redémarre à la suite de la rencontre entre le Président de la République du Sénégal et le Premier Ministre israélien en marge du 51e sommet de la CEDEAO tenu à Monrovia en juin 2017. Même après une rupture totale, des relations diplomatiques peuvent reprendre si les parties concernées en conviennent. Ce fut le cas en mars 2005 entre le Sénégal et la République Populaire de Chine qui, faut-il le rappeler, avaient rompu en 1996 après la reconnaissance de Taïwan par le gouvernement sénégalais.
A la suite de la réunion le 5 juin 2017 du Conseil de coopération du Golfe qui regroupe les monarchies pétrolières sunnites du Golfe Persique, une grave crise est née entre le Qatar et ses partenaires de ladite organisation. En effet, ces derniers ont décidé de rompre leurs relations avec leur voisin dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme qui bénéficie du soutien de Doha. L’engagement de l’Émirat aux côtés des Frères Musulmans égyptiens, du Hamas en Palestine, des mouvements à l’origine des printemps arabes à partir de 2011 ainsi que des rebelles dans le nord du Mali, voire Boko Haram au Nigeria n’est plus un mystère. Certains pays africains ont emboîté le pas du boycott des Qataris : l’Égypte, la Mauritanie, les Comores et le Sénégal. La liste n’est pas encore close.
D’aucuns s’interrogent en se disant « quel intérêt avons-nous (Sénégal) à nous mêler à cette crise somme toute lointaine ? ». Les supputations ne manquent pas. Il faut voir ce qui, aux plans économique, politique ou autre (s) constitue des points d’intérêt ou de préoccupation immédiate entre les deux pays afin d’identifier les causes probables de cette tension entre Dakar et Doha.
Le communiqué du MAE cité plus haut dit que le Sénégal exprime en la circonstance sa solidarité à l’Arabie Saoudite, aux Émirats arabes unis et à Bahrein. Un pareil appui diplomatique n’est pas inédit puisque récemment, le Sénégal, sur les instances du Roi Salmane, avait décidé le 4 mai 2015 de mettre un détachement de 2100 soldats à la disposition du royaume saoudien en lutte contre la rébellion chiite au Yémen. On connaît également la priorité attachée par le Sénégal à la lutte contre le terrorisme en général. Car depuis 2015, les services chargés de la surveillance du territoire ont procédé à l’arrestation de quelque 28 personnes de nationalité sénégalaise ou étrangère, selon le site d’information Veillersn. Il est vrai que c’est aussi au Qatar que vit Karim Wade depuis juin 2016 après la grâce présidentielle le dispensant de purger sa peine d’emprisonnement entamée en avril 2013. Mais de ce côté rien n’indique une remise en cause de l’entente judiciaire y relative. Enfin il reste que le Qatar est le premier producteur et exportateur mondial de gaz non liquéfié, et, dans le but de dominer l’industrie gazière vient de créer une multinationale qui s’intéresserait à l’exploitation du gisement gazier découvert au large du Sénégal. Si cette hypothèse était valide, il est tout à fait indiqué par prudence, que le Sénégal ait décidé de consulter son ambassadeur afin d’aviser et légitimement de se prémunir contre d’éventuels risques comme ceux communément dénommés « la malédiction du pétrole et du gaz ».