Son personnage dans la série ”Maitresse d’un homme marié’’ se dévoile un peu plus, au propre comme au figuré, au cœur d’une folle histoire d’amour entre Dalanda et Tahirou, Exigeante, Régina ne piffe pas Tahirou voulant le meilleur pour sa sœur Dalanda. Journaliste culturelle, critique d’art et de cinéma, bloggeuse, Oumy Regina Sambou, qui s’est éloignée des rédactions, dénonce l’ostracisme dans le traitement de l’information culturelle. Entretien avec une passionnée d’art.
Journaliste culturelle, vous avez atterri dans le «cinéma». Expliquez-nous pourquoi ? Qu’est-ce qui vous a motivé ?
Je suis dans le journalisme depuis longtemps, juste que je n’étais pas devant la caméra. J’étais plutôt derrière à écrire des papiers et à critiquer. Comme je dis, il n’y a pas eu de motivation particulière. La série « Maitresse d’un homme marié » à laquelle j’ai participée est la chronique d’une amie avec qui j’ai cheminé dans le journalisme au Sénégal. Nous avions tout le temps l’habitude de faire le débriefe de la série, et de fil en aiguilles, de boutade en rigolade et c’est comme ça que j’ai joué dans la série. Ce fut une belle expérience. En passant énormément de temps derrière la caméra, à fréquenter des festivals de cinéma, à échanger avec les producteurs, les acteurs, on saisit les enjeux, les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans le cinéma ou dans la production audiovisuelle. Donc, ce fut pour moi une belle aventure humaine, un bon moment d’apprentissage. Sinon j’ai déjà eu à faire du théâtre scolaire pendant longtemps. Je l’ai fait aussi à l’université pendant un moment. Donc, je n’ai pas atterri dans le cinéma par hasard, c’est un milieu dans lequel j’évoluais. Mais le fait que je me retrouve devant la caméra était assez inattendue parce que beaucoup de gens disaient, peut-être, je finirai réalisatrice. Peu de personnes se doutaient que je pourrais être actrice.
Comment expliquez-vous le succès de la série ‘’Maitresse d’un homme marié’’ ?
Le succès de la série « Maitresse d’un homme marié » est sa bonne dose de polémiques. Dans nos productions audiovisuelles habituelles, nous sommes habitués à voir les histoires toujours selon le regard des hommes. Les femmes ont toujours besoin d’un homme pour s’en sortir. L’image que les femmes avaient était d’être toujours parfaite, servir d’exemple. Mais « Maitresse d’un homme marié » est une série qui montre tout le monde dans son imperfection, homme comme femme. Et c’est ça qui fait le succès de la série. C’est une série très honnête, qui pose un miroir devant une partie de la société sénégalaise. Cette partie que l’on couvrait du voile de la pudeur et c’est ce voile que la série a décidé de lever. Ça a plu à certains comme ça n’a pas plu à d’autres. Mais le succès est là aujourd’hui et disons qu’en plus d’être africain, il est même mondial. C’est tout le monde qui s’intéresse à la série. Beaucoup de personnes s’identifient à travers les personnages de « Maitresse d’un homme marié ». C’est ce qui explique le succès de la série de mon point de vue.
Que pensez-vous de la série « Maitresse d’un homme marié » très critiqué par Jamra ?
(Rires). Je pense que c’est une belle série (elle se répète) à l’instar de toutes les séries qui sont proposées en ce moment de celles qui font l’objet de polémiques a celles qui n’en font pas. Parce qu’aujourd’hui ce qui est important, c’est qu’on se voit dans nos télés, qu’on se reconnaisse et qu’on parle de notre culture, qu’on débatte, qu’on échange dans la sérénité de la plupart des thèmes qui sont évoqués. Dans la plupart des séries, il y a des faits de sociétés qui sont dénoncés mais personne ne les voient. On préfère s’attarder sur l’accessoire au lieu de se focaliser sur le message et c’est dommage. Je trouve qu’on devrait plus être dans des logiques d’échanges plutôt que d’appeler à la censure.
Etes-vous une femme misandre, vu la façon avec laquelle vous traitez Tahirou dans la Série « Maitresse d’un homme marié » ?
Vous faites allusion au personnage de Régina dans la série ou de moi-même ? Je n’ai pas le temps pour ce genre de considérations. S’il s’agit du personnage de Régina aussi je dirais la même chose. Elle trouve juste que Tahirou est un vaurien qui ne mérite pas ma nièce (Dalanda). C’est aussi simple que ça !
Etes-vous contre la polygamie ?
Pour ou contre la polygamie, pour moi ce sont des genres de questions « bateau » auxquelles j’éviterais soigneusement de répondre. Car, c’est de l’ordre personnel. C ‘est des convictions personnelles et la polygamie elle, est ce qu’elle est. Elle est recommandée dans certaines conditions, blâmables dans d’autres, mais c’est quelque chose qui existe, qu’on vit et qu’on voit dans nos sociétés tout le temps. Si je suis pour ou contre, je ne sais pas, ce n’est pas le sujet (rire).
Qu’est-ce qui a changé pour vous ?
Ce qui a changé c’est que je ne peux plus faire mes conneries tranquilles. Je ne peux plus faire mes bêtises tranquillement (rire).Quelque part, je me disais qu’il fallait que je retrouve mon anonymat mais je n’avais pas pris en compte l’ampleur du succès de « Maitresse d’un homme marié ». Je suis toujours surprise quand je me retrouve quelque part et d’un coup que quelqu’un m’appelle Régina, tu es toujours obligée de sourire. Mais ça va malgré tout ; très souvent je me retrouve à devoir échanger avec les gens et je me rends compte que dans la vraie vie les gens ils aiment bien débattre des séries, des personnages et ça se fait dans des ambiances bon enfant. Je n’ai pas eu de mauvaise expérience par rapport à mon rôle, ça finit toujours par des éclats de rire. Autant je peux dire que maintenant ça m’empêche de faire des bêtises, autant je me dis que franchement si j’étais un peu tordue, je pourrais en profiter pour «door marteau».
Vous êtes de l’Association de la Presse culturelle du Sénégal (Apcs). Quelles sont les difficultés que rencontrent les journalistes culturels ?
Les difficultés que rencontrent les journalistes culturels au Sénégal sont nombreuses. Déjà dans les rédactions, beaucoup peinent à prendre au sérieux le journaliste qui décide de s’intéresser à la culture. Parce que dans la plupart des rédactions c’est normal que le stagiaire fasse du journalisme culturel, c’est normal que le stagiaire fasse de la culture pour aiguiser sa plume mais si ce stagiaire est ambitieux, il doit laisser tomber la culture. Les journalistes qui décident d’être des journalistes culturels sont un peu vus comme des amuseurs publics. Ce qui est un peu dommage. Les journalistes culturels, comme j’ai l’habitude de le dire, les très bons journalistes culturels sont d’une polyvalence extraordinaire. Peu importe le lieu où vous les amener, ils arrivent à tirer l’info et à la traiter d’une manière impeccable au point que personne n’aura absolument rien à ajouter. Je pense qu’aujourd’hui les rédacteurs et les responsables de rédaction devraient accorder plus d’attentions aux journalistes culturels, qui eux aussi, doivent arrêter de s’excuser d’avoir choisi de faire de la culture. Ils ne doivent pas avoir honte d’avoir opté pour la culture comme d’autres ont choisi le sport, l’économie ou la santé. La culture est un secteur vaste, immense. Il y a énormément de choses à faire, à dire et c’est de là-bas qu’on tire cette culture générale qui permet de briller.
L’information culturelle n’occupe pas une place très importante dans les médias. A votre avis, c’est dû à quoi ?
L’information culturelle n’occupe pas une place prépondérante parce qu’elle n’amène pas beaucoup d’argent. Et c’est normal parce que le secteur de la culture n’est pas riche. Dans nos pays on considère qu’un bien culturel ne vaut rien. Désolée de le dire mais pour la plupart des gens, sauf ceux qui sont d’une certaine aisance financière, la culture ce n’est pas la peine. Parce qu’on a plus des impératifs de survie que de s’occuper de questions d’art.. Dans nos médias on vous dira que la culture n’apporte pas de publicités et quand les acteurs culturels viennent pour parler de leurs évènements c’est toujours du « diapp ci » au lieu d’essayer de ramener des fonds. Et c’est surtout ça qui fait que la culture n’est pas très bien représentée. Apres c’est discutable ce que je suis en train de dire, parce que parfois l’information people est mise en avant et on vous dira si vous faites du people vous vendez plus, ce qui est encore discutable. La culture n’est pas assez vendue, pas assez accrocheuse, ça fait trop intellectuel, c’est réservé à une certaine élite donc ce n’est pas nécessaire qu’elle occupe des places. C’est contradictoire aussi parfois, car quand c’est réservé à une certaine élite donc on considère que ceux qui s’intéressent à la culture sont ceux qui sont capables d’acheter le journal. Moi je trouve qu’en tant que journaliste qu’il est important de sensibiliser les acteurs culturels sur cet aspect, les inciter à faire des publicités, à soutenir les journalistes qui se battent pour que l’information culturelle occupe une place prépondérante.
Quel regard portez-vous sur le cinéma sénégalais ?
Là en ce moment la production audiovisuelle est en train de couvrir carrément le cinéma qui peine à avoir de grands projets. Il y en a quelques qui arrivent à s’en sortir, à faire de long métrage fiction, de long métrage documentaire. Notre combat est de faire en sorte que les autorités prennent plus au sérieux ce fond destiné à la culture en l’alimentant plus souvent afin de pouvoir soutenir beaucoup plus de cinéastes qui ont envie de faire des films de qualité, de raconter des histoires qui ne sont pas forcément des histoires d’épopée . Nous avons vu le projet de Samory, de Sembene Ousmane qui n’a jamais pu être réalisé de son vivant alors qu’il voulait que ça soit un film énorme avec un financement panafricain. Le projet n’a finalement pas vu le jour et je pense qu’aujourd’hui on peut faire simple, nos cinéastes font simple en racontant des histoires de nos vies quotidiennes. Parce que la question de la représentation est très importante. Aujourd’hui, nous avons une génération qui a une forte crise identitaire. On ne sait pas qui on est. Aussi notre environnement est-il influencé par beaucoup de biens culturels qui viennent d’ailleurs. Aujourd’hui il est important que l’on s’approprie notre perception, notre vision. Nous devons produire des films qui nous ressemblent, pas qui fassent l’unanimité parce que l’unanimité n’existe pas.
Etes-vous un cœur à prendre ?
Oui ! Ce n’est pas une question culturelle.
REWMI