Dakarmidi – Il est bien évident que la notion de peuple est différente de celle de population. Le peuple est une conscience collective qui se construit à partir d’une certaine idée du bien commun. C’est une articulation d’une diversité de demandes hétérogènes pour en faire une volonté collective afin de construire une nouvelle hégémonie. Ce qui aboutit à la construction de deux groupes qui s’affrontent dans le champ politique. En somme, il s’agit d’un nous, le peuple, les gens communs, les citoyens et d’eux, la caste, l’oligarchie, les privilégiés. C’est pourquoi S. Roman soutient dans « Nous, Machiavel et la démocratie » : « Le champ de la politique oppose toujours les intérêts des grands et ceux du peuple ».
Le système de prédation en place fonctionne sur la base d’un consensus entre les élites. La sacralisation du consensus est un défaut de démocratie. C’est par la confrontation qu’une démocratie se nourrit. Benno Bokk Yaakaar est le symbole de ce consensus qui liquide le peuple, pour renforcer la minorité des privilégiés. E. Laclau et Ch. Mouffe ont écrit dans « Hégémonie et stratégie socialiste » : « Sans conflit et division, toute politique démocratique pluraliste est impossible ». C’est pourquoi, Benno Bokk Yaakaar est la synthèse des expériences de mal gouvernance des socialistes, des libéraux et des républicains. Dans le fond, c’est toujours le même disque qui tourne. En vérité, c’est la face A et B d’une même politique.
Nous devons dépasser la démocratie électorale et celle du fichier électoral qui ne s’occupe de l’élection des élites pour une démocratie radicale. Cela nécessite un projet de réforme morale et intellectuelle, pour changer les mœurs et instaurer l’émancipation des asservis.
Dans cette lutte, nous devons définir une nouvelle frontière politique qui devra déboucher sur la confrontation entre le peuple et la caste. Les gens ordinaires sont les principales victimes de la violence du système. Ils peuvent aider à la construction d’une force sociale populaire, une « force sociale antisystème ».
Il s’agit de combattre le népotisme, la corruption, les injustices et le gaspillage. Nous devons casser les cadres établis qui aujourd’hui, empêchent la politique d’inventer de nouvelles formes capables de répondre aux demandes de notre époque. Il nous faut promouvoir une culture de la désobéissance, de la contestation, de la protestation pour lutter contre le discours creux qui nous maintient dans le dogme du statu quo. En définitive, il s’agit de briser le régime actuel en crise afin d’ouvrir un nouveau processus de transformation de nos institutions. Cela commence par la création d’une alternative au système. Il s’agit de mettre fin au consensus sclérosant qui ne fait que reproduire la corruption.
Pour cette ambition, nous devons commencer par remobiliser le peuple contre les élites qui trouvent leur confort dans le statu quo. La majorité appauvrie devrait être le noyau de la nation et de l’intérêt général. Il nous faut commencer de travailler à « constituer le peuple en agent historique » pour la transformation des institutions. Ce peuple doit travailler à conquérir le pouvoir pour engager une expérience de rupture démocratique.
Nous devons sortir d’une « stratégie d’opposition » qui ne produit que des alternances au sein d’une même classe politique pour nous engager dans une « stratégie de construction d’un ordre nouveau ». Cela commence par la construction d’une nouvelle volonté collective populaire. Une alternative politique authentique ne peut venir des cadres politiques traditionnels qui travaillent tous pour le maintien du régime. La jeune génération doit prendre ses responsabilités afin de définir un nouvel agenda progressiste, pour la transformation du système. Le contexte n’a jamais été aussi favorable.
Nous devons reconstruire un peuple, un « nous » des forces démocratiques radicales afin de faire face à « eux », la « caste » des prédateurs afin de construire une société nouvelle. Il nous faut une articulation des multiples demandes démocratiques insatisfaites.
Pour ce faire, les forces nouvelles qui travaillent pour le changement doivent fédérer les frustrations et les mécontentements hétérogènes (les étudiants, les femmes, les chômeurs, les syndicats, les paysans, les migrants, les travailleurs, les banlieues, les régions oubliées) afin de construire une nouvelle majorité sociale et politique. C’est la raison pour laquelle, nous travaillons à articuler des secteurs politiques capables de se transformer en véritables opérateurs et propulseurs de changements.
Comme dit Abdoulaye Ly, figure de la gauche sénégalaise : « C’est la lutte pour la démocratie qui est à l’ordre du jour ». C’est pour dire que, cette fois ci, il faut aller au-delà du départ de Macky Sall. Nous devons allumer le foyer d’une révolution citoyenne pour une alternative démocratique au profit du peuple. Il s’agit surtout de construire une nouvelle volonté progressiste et collective contre la caste des privilégiés qui ruine notre pays.
Dr Babacar DIOP,
Secrétaire général de la Jeunesse pour la démocratie et le socialisme (Jds)