Dakarmidi – En écoutant les déclarations politiques de certains religieux, l’on se dit que de deux choses l’une : soit les « disciples » sont vraiment en avance sur eux; soit ils prennent ces derniers pour ce qu’ils ne sont pas, à savoir des individus sans cervelle.
Comment oser déclarer, en 2017, que l’on s’engage en politique aux côtés du pouvoir parce que les mourides doivent, enfin, s’impliquer dans la gestion de la chose publique. Dois-je rappeler que la communauté mouride a toujours compté dans ce pays et sur tous les plans ? Les khalifes successifs de Touba, y compris celui qui est en place (Que Dieu lui prête longue vie), ont toujours su jouer un rôle extrêmement positif dans la marche du pays en se posant comme les garants de la stabilité sociale et en élevant la voix chaque fois que cette dernière est menacée. Ils se sont attelés à cette tâche avec intelligence et clairvoyance sans que l’on puisse, une seule fois, les accuser de « rouler pour leurs intérêts personnels ». Mieux, personne ne relèvera une seule décision de l’État du Sénégal ayant favorisé personnellement un khalife de Serigne Touba. D’ailleurs, l’une des mesures-phare qui a été faussement présentée comme telle dans les années 90, à savoir Khelcom, est désormais unanimement reconnue d’utilité publique. Ce Daara de Serigne Saliou étant devenu à la fois un des greniers du Sénégal et un centre d’enseignement et de perfectionnement spirituel à nul autre pareil.
En ce qui le concerne Cheikh Abdoul Ahad Mbacké, il avait appelé à voter pour Abdou Diouf à la fin des années 80. Mais en étant attentif au fameux discours dans lequel il défendit cette position, il apparait clairement que c’est à la suite d’un argumentaire irréfutable qu’il avait pris cette responsabilité, observant que l’exécutif de l’époque avait pris de nombreuses mesures destinées à améliorer les conditions de vie des populations de Touba. À aucun moment, il n’a été relevé la moindre mesure ayant favorisé personnellement le 3ème khalif de Bamba.
Quant à Serigne Fallou, il a eu à soutenir le président Senghor au détriment de Mamadou Dia alors que son penchant personnel aurait pu le conduire à renforcer un coreligionnaire musulman. Interrogé sur le sujet, il dira : « Nous n’avons pas confié à Senghor la gestion de notre religion, mais celle du pays ». D’aucuns ont pu voir dans ce soutien un partisianisme de mauvais aloi, mais ici également les arguments du khalife, replacés dans leur contexte, étaient irréfutables. Le lieu n’est pas ici d’y revenir.
À y regarder de plus près, il apparait donc clairement que les khalifes de Bamba ont toujours eu une raison défendable devant Dieu et devant les hommes pour apporter leur soutien à tel ou tel acteur politique. Ces différents engagements, reposant sur une profonde sincérité, sont sans commune mesure avec ce que l’on peut observer actuellement.
Pour être clair, au-delà du fait que le contexte ne justifie plus ce type de soutien affiché, il est permis de douter du fait qu’un siège de député à l’Assemblée nationale puisse apporter quoi que ce soit à Touba que cette dernière n’avait pas encore obtenu. De plus, ce débat est d’autant plus curieux qu’il a lieu à un moment où il est communément admis que la configuration actuelle de l’Assemblée nationale ne permet pas aux députés de jouer pleinement le rôle qui est le leur. Dès lors, dans quelle mesure avoir un siège dans une telle Assemblée permettrait de porter les doléances de Touba ? Je n’en vois aucune. J’ajoute que dans un État digne de ce nom, un député n’est pas élu pour représenter une partie du territoire, mais la Nation dans son ensemble. Et jusqu’à preuve du contraire Touba, en tant que deuxième ville du pays, a droit à toutes les infrastructures et commodités destinées à rendre vivable la vie de ses populations.
Il s’y ajoute que l’exécutif qui sait parfaitement la place qu’occupe Touba dans le pays, au point d’user de tous les moyens pour y remporter les élections, a une connaissance parfaite des besoins de cette ville. Qu’il faille un député se réclamant de Touba pour les lui rappeler ne me parait pas tenir la route.
Que l’on se comprenne bien, un religieux a parfaitement le droit de mener une action politique, mais nul ne doit s’arroger le privilège de recourir aux symboles de toute une communauté pour servir des intérêts électoralistes qui, par définition, sont foncièrement partisans. Le plus insupportable est sans doute le fait que ceux qui s’adonnent à cette pratique pensent que les membres de la communauté concernée sont suffisamment simples d’esprit pour les suivre dans cette forfaiture.
Puissions-nous, en tant que citoyens de ce pays, faire partie de ceux qui, en toute chose, sauront déceler la part de l’intérêt général et celle des ambitions crypto-personnelles.
Puissions-nous, en tant que disciples mourides, avoir comme seule constante Dieu le Très-Haut au travers des enseignements du Serviteur du Prophète et ce, malgré toutes les vicissitudes et séductions de notre époque.