Je persiste et signe. L’esprit du parrainage est à saluer et je le défends sans aucune gêne. En effet, le parrainage est un procédé démocratique pratiqué dans plusieurs pays démocratiques dont la France. L’idée, pour le cas du Sénégal, est de « séparer le bon grain de l’ivraie ». Autrement dit, éliminer toute candidature farfelue qui coûterait non seulement cher aux contribuables sénégalais, mais aussi à l’Etat.
Etant donné la crise politique que traverse le Sénégal, il est hors de question de laisser des politicards en manque de promotion accaparer la une des médias. L’heure est grave. Le système éducatif, sanitaire et juridique du pays s’est effondré comme un château de carte ces dernières années. Un vent de défiance souffle dans les relations entre gouvernants et gouvernés. Hors de question, dans des conditions pareilles, de laisser des candidat-e-s nous plonger dans la diversion.
Ces dernières heures, le système de parrainage, condition sine qua non pour participer à la présidentielle, a livré ses secrets. Les partis politiques recalés sont légion et les candidats, pour la plupart, sont loin d’être des leaders en manque de promotion. Les recalés (Abdoul Mbaye, Bougane, Malick Gackou, Hadjibou Soumaré, Goudiaby Atepa…) sont des concurrents présidentiables et qui jouissent d’une certaine crédibilité. Mais, hélas, ils risquent tous de manquer à ce grand rendez-vous avec le peuple.
Au moment où j’écris ces quelques lignes, seuls 7 candidats ont été admis dès le premier tour. 20 autres doivent refaire le test (du parrainage), un test qui s’est avéré être un véritable parcours du combattant. Aux candidats jusqu’ici recalés, on leur reproche des doublons, c’est-à-dire qu’ils ont été parrainés par des électeurs qui en avaient déjà parrainé d’autres.
Et comme par hasard, le Parti au pouvoir (APR) a déjà obtenu ses signatures et se targue de n’avoir eu aucun doublon. Plus grave encore est le fait que cette validation des parrainages repose exclusivement sur la décision du Conseil Constitutionnel, lequel aujourd’hui est perçu comme un instrument politique sous les ordres de l’Exécutif. Malgré la présence de la société civile pour veiller au bon déroulement des vérifications, rien ne change. Au bout du compte, ce sont des sbires de Macky qui ont le dernier mot car le Conseil Constitutionnel invalide sans présenter aucun motif valable.
Ce qui est grave dans tout ceci, au-delà de l’opacité du travail du Conseil Constitutionnel qui ne fait plus de doute, est le subterfuge très subtil de Macky Sall qui, dans cette élection présidentielle, a imposé au peuple sénégalais un système de parrainage dont l’unique objectif est de pouvoir aisément « éliminer » les candidats jugés trop encombrants pour sa réélection.
Même si d’importants candidats ont vu leur candidature valider (Sonko, Madicke Niang…), l’Exécutif finira par se retrouver, confortablement, avec les seuls candidats qui pourront lui faciliter sa victoire au premier tour, une victoire qui d’ailleurs ne l’honorera pas compte tenu des magouilles déjà notées au plus sommet du Conseil constitutionnel. Ce n’est d’ailleurs un hasard si une candidate à la présidentielle (Amsatou Sow Sididé) a récemment appelé à reporter l’échéance présidentielle, les conditions d’une élection n’étant, selon elle, pas encore réunies.
Ce qui est en train de se passer au Sénégal est une honte pour notre République. Ni Abdoulaye Wade, ni Abdou Diouf n’aurait fait pire que Macky Sall pour se maintenir au pouvoir malgré son impopularité grandissante. Le gouvernement sénégalais actuel est en train de souiller la réputation de notre démocratie largement saluée dans les quatre du monde entier.
Aujourd’hui, les candidats à la présidentielle sont immolés sur l’autel d’une parodie de démocratie entièrement contrôlée par un chef d’Etat, devenu souverain, auréolé par des proches collaborateurs faisant le tapin et se délectant de l’immense colère d’un peuple meurtri à qui on a promis monts et merveilles.
Cette situation politique exceptionnelle que vivent les Sénégalais mérite une attention particulière de la communauté internationale. Le pays n’est certes pas à feu et à sang (heureusement d’ailleurs), mais les droits fondamentaux y sont bafoués par une justice à deux vitesses. Quand il y a collision entre justice et pouvoir, cela s’appelle tout simplement une dictature.
Une analyse du journaliste Cheikh DIENG, basé en France
La rédaction