Dakarmidi – Passés au crible, les différents scores électoraux d’Idrissa Seck et la situation peu reluisante de son parti ne semblent gère le favoriser face au candidat de la majorité, à la présidentielle de 2019. Pour autant, le président de Rewmi, avantagé par un contexte politique national assez particulier, pourrait bien mettre en difficulté le président Macky Sall.
Que vaut Idrissa Seck dans le landerneau politique sénégalais ? Mises à part son éloquence légendaire et sa forte présence médiatique dans les colonnes des journaux et sur les plateaux des télévisions sénégalaises, constitue-t-il un danger réel pour le président Macky Sall, candidat à sa propre succession ? Autant de questions qui méritent d’être posées, à quelques encablures seulement des prochaines échéances électorales. Mesurer le poids électoral de cette personnalité politique ne relève pas, pour autant, d’une gageure.
L’atout du contexte
Engagé dans la course à la présidentielle de 2019, Idrissa Seck a, à coup sûr, le vent en poupe. Avec « l’exil » de Karim Meïssa Wade, jusqu’ici candidat déclaré du Parti démocratique sénégalais, et l’emprisonnement du maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall, l’ancien Premier ministre du président Abdoulaye Wade se positionne non seulement comme un sérieux adversaire de Macky Sall, mais aussi comme l’un des rares candidats de l’opposition capables de mettre en difficulté le président sortant. De tous les profils qui se dégagent dans l’opposition sénégalaise, le président de Rewmi semble même être le mieux placé pour fédérer les forces et trouver des plages de convergence avec certaines formations politiques comme le Parti démocratique sénégalais, la Convergence libérale démocratique/Bokk Gis Gis de Pape Diop, la coalition Taxawu Dakar de Khalifa Sall ou encore le Grand parti de Malick Gakou.
Même si, jusqu’ici, rien n’est encore décidé, la particularité du scrutin présidentiel de 2019 pourrait également jouer en sa faveur. Car, à la différence des scrutins de 2007 et de 2012, la présidentielle de 2019 va sûrement se jouer sans certaines figures emblématiques de l’échiquier politique sénégalais. Au moment où l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, et l’actuel président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, sont frappés par la limite d’âge et sont donc écartés de la course à la présidentielle, le secrétaire général du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, est guetté par le syndrome Landing Savané, si jamais il envisage de se présenter contre son allié de l’Alliance pour la République. Du coup, sa candidature et même celle de son parti semblent de plus en plus improbables.
Ainsi, contrairement aux scrutins précédents, l’on pourrait se retrouver, en 2019, avec moins de candidatures emblématiques, surtout avec le vote de la loi généralisant le parrainage à tous les candidats à la présidentielle.
La conjoncture économique pourrait aussi jouer en faveur du patron de Rewmi, si la tendance actuelle ne s’inverse pas, d’ici la présidentielle. Puisque la situation économique difficile peut être un écueil de taille pour le régime sortant.
Toutefois, malgré ce contexte favorable, le président de Rewmi traine quelques handicaps qui risquent de lui compliquer la tâche. Car, même si, en perspective de ces élections, les compteurs sont remis à zéro, Idrissa Seck traine deux faiblesses majeures : la chute vertigineuse de ses scores électoraux et l’effritement de son parti.
2012, la chute vertigineuse de ses scores électoraux
Sorti avec fracas des rangs du Parti démocratique sénégalais en 2004, suite à une brouille avec le président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade, Idrissa Seck a aussitôt bouleversé la hiérarchie, en hissant son parti, dès sa naissance, dans le cercle restreint des formations politiques les plus représentatives du landerneau politique sénégalais. Mieux, il toise le Parti démocratique sénégalais au pouvoir. Mais, à l’arrivée, tout l’engouement suscité ne s’est pas traduit dans les urnes. Perdu par ses calculs politiques et ses ‘’combines’’ avec son ex-mentor, Idrissa Seck s’est retrouvé, à l’issue de la présidentielle du 25 février 2007, avec 14,93 % seulement des suffrages des Sénégalais. Il s’est ainsi classé deuxième derrière Abdoulaye Wade, réélu dès le premier tour de cette élection, avec 55,86 % des voix valablement exprimées.
Si l’élection présidentielle de 2007 a été une occasion pour Idrissa Seck de se jauger, ça a été également le début de la chute progressive de son électorat. Entre 2007 et 2012, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Le Rewmi a, en effet, perdu de sa superbe, après seulement deux ans d’existence. Il a complètement périclité, à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle de 2012 où il est sorti cinquième, avec seulement 7,86 % des suffrages valablement exprimés, c’est-à-dire la moitié de son électorat de 2007, loin derrière Abdoulaye Wade arrivé premier avec 34,82 %, Macky Sall deuxième avec 26 %, suivis de Moustapha Niasse 13 % et d’Ousmane Tanor Dieng 11 %. Cette chute au niveau national a également trouvé ses répercussions jusque dans son fief à Thiès.
En 2014, lors des élections locales, même s’il est resté maître chez lui, son électorat s’est considérablement effrité. Il s’est retrouvé avec 25 707 suffrages contre 20 712 pour la coalition Benno Bokk Yaakaar arrivée deuxième, soit une différence de 5 000 voix.
Cependant, si Idrissa Seck a réussi à conserver la commune de Thiès en 2014, il n’a pas su garder le département en 2017, lors des élections locales du 30 juillet. Il a été défait au niveau départemental par la mouvance présidentielle qui a beaucoup grignoté sur son électorat jusqu’à inverser les tendances et les rapports de force. Bby s’est retrouvée, à l’issue de ce scrutin, avec 80 386 voix, loin devant la coalition Mankoo Taxawu Senegaal dirigée par Idrissa Seck qui en a capitalisé 51 955.
Départs tous azimuts de ses lieutenants
Perdu par ses mauvais choix politiques et ses relations pas du tout assumées avec le Parti démocratique sénégalais, Idrissa Seck a été également victime de ses relations souvent heurtées avec certains de ses lieutenants qui ont d’ailleurs fini par lui tourner le dos. C’est le cas de beaucoup de responsables de Rewmi qui, après la débâcle de 2012, ont tourné casaque pour déposer leur balluchon dans les prairies beige-marron du président Macky Sall. Parmi ces derniers, on peut citer l’ancien président de l’Assemblée nationale sous Abdoulaye Wade, Youssou Diagne. L’un des fidèles compagnons d’Idrissa Seck, il a été, jusqu’à sa démission en 2013, le vice-président de Rewmi où il a gelé ses activités à la suite d’un entretien avec le président de la République, Macky Sall, qui lui a demandé de venir travailler avec lui.
A peine a-t-il démissionné que Me Nafissatou Diop lui a emboité le pas. A la suite d’une cascade de frustrations dont elle s’est dit victime dans le parti d’Idrissa Seck, elle a décidé de rendre le tablier et de rejoindre le camp présidentiel. Cette démission a provoqué une saignée au sein de Rewmi. Puisqu’elle a été suivie de celles d’Ousmane Thiongane et de Waly Fall, puis de Pape Diouf et d’Oumar Guèye qui ont refusé d’obtempérer, lorsqu’Idrissa Seck leur a intimé l’ordre de quitter le gouvernement, et enfin d’Oumar Sarr qui, après un long bras de fer, s’est résigné à sortir de Rewmi pour lancer son propre parti politique.
Rewmi, une coquille vide ?
Ces départs tous azimuts ne sont pas sans conséquence majeure sur la représentativité de Rewmi au plan local et national. Si le parti a perdu beaucoup de terrain à Thiès et au niveau national, il a vu ses piliers s’effondrer tour à tour, après le départ de certains de ses responsables. D’ailleurs, ce serait même une lapalissade de dire que le Rewmi n’est plus ce qu’il a été au tout début de sa création en 2006. Tout comme les différents partis politiques qui composent la galaxie politique sénégalaise, il a subi, à partir de 2012, les affres de la transhumance politique fortement favorisée par le président Macky Sall dès son accession à la magistrature suprême. Et ceux qui sont restés aux côtés d’Idrissa Seck ne semblent faire le poids politique pour combler le vide laissé par certains responsables comme Oumar Guèye à Sangalkam, Pape Diouf à Bambey ou encore Youssou Diagne à Ngaparu.
Contrairement à ceux-ci qui s’identifiaient par rapport à des localités qu’ils contrôlent, le vice-président de Rewmi, Déthié Fall, le porte-parole Abdourahmane Diouf, le chargé de la vie politique Yankhoba Diattara et le directeur de l’école du parti Yankoba Seydi, entre autres responsables qui gravitent autour d’Idrissa Seck, n’ont pas cette envergure populaire. Même s’ils restent une garde rapprochée rompue à la politique et tiennent tant bien que mal la baraque.
Ainsi, à part la ville de Thiès, il y a très peu de localités qui sont restées sous le contrôle de Rewmi. Une situation très complexe qui constitue un lourd handicap pour l’ancien Premier ministre sur la route qui mène au palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor.
Par Assane Mbaye
La rédaction