Dakarmidi – Tu m’as dit que tu ne voteras pour mon candidat par allégeance à ton leader
local qui t’a aidé à trouver un emploi. Tu dis que la valeur d’un homme
politique doit se mesurer par le service qu’il doit à ses concitoyens. Tu m’as
aussi dit que certes Idrissa Seck a la carrure d’un homme d’État, tu es même
convaincu qu’il ferait un bon Président, mais tu ne peux trahir ce leader. Tu
m’as enfin dit que Idrissa Seck n’a jamais été suffisamment proche des
Thiessois, tout le contraire de ton leader….
Je respecte ta position, mais tu comprendras aisément pourquoi les raisons que
tu avances pour justifier ton choix me semblent faibles.
1. C’est normal d’être reconnaissant envers son bienfaiteur, mais n’est-il pas
plus normal d’être redevable de son pays ? Ne crois-tu pas qu’il est temps de
passer de l’objectif-famille à l’objectif-Nation ? Et si celui qui t’a trouvé un
emploi t’utilisait sans que tu t’en rendes compte ? Je vais te préciser le fond de
ma pensée : aussi longtemps que tu dépendras directement d’un homme
politique pour prendre en charge ta vie, tu ne seras pas le maître de ton destin.
La seule chose qu’un citoyen modèle doit exiger d’une autorité, c’est qu’elle
daigne faire preuve d’écoute envers ses administrés et qu’elle soit prompte et
diligent dans la conduite de leurs affaires en tant que communauté.
2. Je suis d’accord avec toi qu’un homme politique doit être jugé en fonction de
sa capacité à prendre en charge les problèmes de sa communauté, les
préoccupations de ses administrés. Mais il faut qu’on s’entende d’abord sur la
notion de préoccupations de la communauté : elles ne sauraient être perçues
comme les problèmes du plus grand nombre, ni même comme la somme des
problèmes individuels des habitants de la localité.
Une communauté a des problèmes qui sont incommensurables à ceux des
individus : l’électrification des rues, l’assainissement, les soins de santé, les
moyens de transport, les écoles, etc. A titre comparatif, considère l’impact que
le système d’assainissement moderne, les infrastructures routières, les
immeubles, les places publiques, les marchés, la réfection et la modernisation
des stades, les usines de montage, (projets de 2004) ont sur les Thiessois.
L’impact que ces investissements ont sur la vie de la communauté est-il
comparable à celui que ton emploi a eu sur ta famille ?
Tu as droit à un emploi stable, décent et totalement affranchi des aléas
politiques : alors ne sois pas pressé, ne vote pas pour quelqu’un simplement
pour avoir un emploi. Vote pour que le pays soit mieux géré et que, nanti de ta
qualification et de tes diplômes, tu puisses t’insérer facilement dans le tissu
économique et dans le marché du travail ! Le droit à un emploi ne saurait se
transformer en une faveur qu’il est loisible aux autorités de donner en fonction
de leurs humeurs ou de leurs affinités politiques.
3. Si vraiment, comme tu dis, Idrissa Seck ferait un bon Président, mais tu ne
peux pas trahir ta fidélité à un homme, c’est que sans le savoir tu es en train de
trahir ton pays pour les beaux yeux d’une personne. Alors tu ne te plaindras plus
de ce que la plupart des politiciens sont des entrepreneurs qui considèrent les
citoyens comme des moyens dont ils peuvent se servir indéfiniment. Que dis-tu
de ces jeunes militaires qui abandonnent parents, épouse et enfants pour aller
mourir au front pour que tu puisses vivre en paix ? Sont-ils alors plus dignes du
sentiment patriotique que toi ?
4. Quant à la question de savoir entre Idrissa Seck et ton leader qui est proche
des populations, je dois dire que nous ne comprenons pas la même chose par la
notion de proximité. Si par proximité, on entend cette disponibilité à plein
temps pour recevoir tous les demandeurs d’emploi et toutes les sollicitations
personnelles, je crois qu’elle n’est pas forcément une bonne chose ni pour le
pays ni pour une autorité politique. Ce que vous exigez de nos leaders politiques
s’appelle clientélisme et c’est un facteur inhibant pour leur leadership.
Le mal de ce pays, c’est justement cette façon de faire de la politique : nous demandons
des privilèges aux hommes politiques et en même temps exigeons d’eux qu’ils
soient performants, justes et équitables dans la gestion du bien public.
Pour illustrer les méfaits de cette politique qui vous charme tant, je vous renvoie
à ces multiples alertes que le FMI a lancées à l’attention du gouvernement
sénégalais relativement à la Poste. Selon le Fonds monétaire international (Fmi),
la Poste traîne une dette de 150 milliards de FCFA auprès du Trésor public. Le
sous-directeur du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI),
Michel Lazare disait à propos de la Poste qu’il y a « un financement élevé de la
société nationale La Poste par le Trésor qui a encore contribué à une situation
budgétaire difficile.
Cela a conduit à une accumulation d’obligations non
remplies envers les secteurs de l’énergie et à des impayés vis-à-vis de
fournisseurs et autres opérateurs économiques » (Novembre 2018). Savez-vous
pourquoi la Poste est si mal en point ? Savez-vous pourquoi la MECAP que le
régime de Wade avait mise sur pied pour mettre fin à la pratique d’usure qui
ruinait les fonctionnaires tend à devenir une petite banque ? La réponse est dans
la pratique clientéliste qui consiste à vouloir caser tous les militants dans la
boite et à faire de celle-ci une société, non au service de l’État, mais du parti.
Alassane K KITANE
PS. (Légende) photo de l’état actuel de la route « Angle Maïssa » dont
l’inauguration avait été pourtant annoncée par Abdou Mbow lors des
législatives de 2017. Les ordures et le sable l’ont inaugurée à leur façon… C’est
dire que le mensonge éhonté est devenu le levier essentiel de gouvernance de ce régime.