Dakarmidi – 1. Peut-on dire que la visite du président Macky Sall à Paris est une réussite au plan économique après la signature de deux prêts financiers à hauteur de 195 millions d’euros ?
J’attends concrètement de voir les retombées impacter le vécu quotidien des populations les plus vulnérables du Sénégal pour en juger. Ces prêts financiers octroyés au Sénégal entrent dans le cadre global du financement d’infrastructures qui seront réalisées par les sociétés françaises, dont Alstom, que notre commande aurait sauvé de la faillite. Car aujourd’hui, le secteur ferroviaire est dominé par le géant canadien Bombardier qui l’a évincée même sur son propre sol. Et la République chèque vient de passer commande auprès de la Chine pour des TGV !
Donc il est important de trouver de nouveaux débouchés au rail français, et en l’espèce l’Afrique francophone qui est la chasse gardée de la France, avec le Sénégal en tête de pont est le nouveau filon à exploiter pour lui éviter le dépôt de bilan.
Un prêt doit aussi être remboursé ; espérons que l’exploitation de cette cinquantaine de kilomètres qui nous coûtera près d’un millier de milliards de francs Cfa, entre l’acquisition de trains, la réalisation des rails par Eiffage et du réseau électrique avec Engie sera assez rentable pour supporter le remboursement de ces prêts concessionnels, dont on ne connait pas grand-chose non plus des taux d’intérêt.
2. Comment appréciez-vous cette convention qui permet au major pétrolier Total d’explorer lui aussi notre bassin sédimentaire dans l’Offshore profond ?
Vous savez, je préfère nettement avoir comme partenaire stratégique dans ce domaine des majors à l’expertise confirmée et domiciliés juridiquement dans des pays où la législation permet de lutter efficacement contre les faits de corruption. Maintenant, tout le monde sait que le pétrole draine des enjeux financiers énormes avec beaucoup d’argent qui circule, en terme de commissions et autres retro commissions.
Donc ce qui est important, c’est la capacité de notre Etat à imposer ses desiderata comme les autres pays l’ont fait, et de veiller à instaurer la transparence tout au long du processus d’exploitation, et de valorisation de notre patrimoine pétrolier. Et surtout de développer une véritable filière de transformation du pétrole avec la production des sous produits à haute valeur ajoutée sur notre propre territoire, avec à la clé des transferts de technologie permettant la maitrise technologique du secteur, et le recrutement en conséquence d’un personnel sénégalais.
Il faut pour cela s’inspirer de la Chine. Aujourd’hui elle livre des TGV à l’Europe, et leur premier avion commercial a pris les airs.
La sortie du ministre Thierno Alassane Sall qui a avoué qu’il n’y aurait pas de transfert de technologie malgré l’investissement colossal réalisé par notre pays qui a signé avec Alstom un contrat somme toute léonin est problématique. Le Président Macky Sall devrait prendre en charge cette question et taper sur la table pour exiger l’effectivité de ce transfert de technologie.
3. Aujourd’hui, certains Sénégalais accusent le Président Macky Sall d’avoir permis à nouveau aux Français d’avoir une mainmise sur les secteurs les plus rentables de l’économie sénégalaise ? Votre avis !
Il y a des enjeux géostratégiques à prendre en compte. Je préfère avoir comme partenaire privilégié la France au plan commercial, dès lors que la coopération ne s’arrête pas uniquement au plan économique.
Vous savez le développement est un processus long et complexe, et il faut bien apprendre avant de pouvoir pratiquer.
A titre d’exemple, l’Inde a été un partenaire privilégié de l’Angleterre, aujourd’hui l’Inde a dépassé l’Angleterre au classement des puissances économiques.
Et n’oublions pas que l’Union européenne à laquelle appartient la France occupe le rang de première puissance commerciale mondiale avec plus de 25% du PIB mondial. Cela veut dire qu’une alliance économique avec la France présente des avantages indéniables d’autant plus qu’on le veuille ou pas la France avec le compte d’opérations logé à la Banque nationale de France garantit la stabilité du franc Cfa.
Le monde est en train de se diviser en blocs d’influence géostratégiques de plus en plus visibles et nous n’avons pas le droit de ne pas nous déterminer et dans ce cadre aussi, nous ne pouvons pas avoir un partenaire politique de première importance aux côtés d’autres partenaires économiques qui ne partagent pas nos réalités sur ce point.
Il est juste de constater une francisation très poussée de notre économie, cela est vrai, il y a d’ailleurs Engie qui va arriver en plus dans le cadre justement du TER, aux côtés des cadors de l’industrie française déjà présents.
C’est au Sénégal d’avoir conscience de sa force diplomatique et de ses potentialités pour exiger la contrepartie satisfaisante à ce qu’il donne.
Sinon nous serons toujours exploités, et payés en retour en monnaie de singe.
Car, après tout les états n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts, et donc quelque soit la nature privilégiée de nos relations bilatérales, nous offrons à la France des débouchés qu’elle n’a plus ailleurs, et des perspectives d’expansion en termes de nouveaux marchés qu’elle ne peut plus conquérir ailleurs sans coup férir.
Donc ouvrons-nous à la France, mais que le Sénégal soit en mesure grâce à ce partenariat économique de réduire fortement le déséquilibre de notre balance commerciale en faveur de la France, qui laisse apparaitre clairement une inféodation de notre pays à notre ancien colonisateur, et fonde certains à qualifier le Président Macky Sall de serviteur de la France.
4. Un mot sur la Gambie. Malgré les mises en garde de la CEDEAO, Yaya Jammeh déclare qu’il n’y aura aucune investiture du nouvel élu Barrow à la date prévue. Peut-on dire que les risques d’une intervention armée sont bien réels ?
Yaya Jammeh, je l’ai dit est prêt à tout.
Quand un tyran a fini de se convaincre qu’il est l’objet d’une vaste conspiration qui veut sa perte, et que dans le cas de Jammeh, son propre pays est prêt à le livrer à ses ennemis extérieurs, on lui coupe toute retraite.
Evitons de le faire sortir de ses derniers retranchements, car il est sûr qu’il n’y a que la mort pour lui, et en conséquence, il est prêt à mourir. Mais il ne mourra pas seul. Et il risque au moindre signe d’attaque militaire de bombarder toute ville sur le territoire sénégalais qui se trouve à portée de son canon.
Le Sénégal ne doit pas courir ce risque.
Si maintenant la CEDEAO persiste à ne pas lui garantir l’immunité ou à lui trouver un point de chute décent, préparons nous au pire, et commençons à rédiger son oraison funèbre, et à pleurer nos morts !
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