Dakarmidi – Depuis l’annonce de la découverte d’un important gisement de pétrole Off-shore aux larges de Sangomar, dans le département de Foundiougne, l’on est tenté de dire que « l’insomnie » du Sénégal a commencé pour paraphraser l’historien italien Guiglielmo Ferrero, faisant référence aux profonds bouleversements socio-économiques engendrés par la découverte de la machine à vapeur en Europe. En effet, acteurs politiques, société civile, politologues, journalistes, spécialistes des métiers pétroliers, représentants de missions diplomatiques, avocats et autres juristes, universitaires, activistes de l’environnement, écologistes, opérateurs économiques, citoyens, compatriotes de la diaspora ou simples profanes, entretiennent un débat contradictoire tellement passionné qu’on a du mal à appréhender correctement les enjeux de cette découverte révolutionnaire.
Loin de moi, la prétention de porter la voix de mes concitoyens du département de Foundiougne, bien que je sois élu municipal et départemental. Toutefois, je fais partie de ceux d’entre eux qui, quoique conscients des impacts négatifs de l’exploitation de l’or noir, préfèrent adopter la « positive attitude » et penser plutôt que cette découverte est une bénédiction pour le Sénégal, une chance pour notre cher département. Faisant confiance aux différentes parties prenantes, Etat du Sénégal, collectivités locales, société civile, populations, compagnies pétrolières, entre autres, nous préférons offrir notre hospitalité à ces investisseurs qui contribueront certainement à l’amélioration de nos conditions d’existence. A toutes et à tous, nous disons, bienvenue à Foundiougne (Sangomarcity), sol béni.
v LES IMPACTS NEGATIFS DE LA PROSPECTION, DE L’EXPLORATION ET DE L’EXPLOITATION SONT PARFAITEMENT MAITRISABLES
Oui nous sommes très conscients des impacts négatifs engendrés par la prospection sismique, le forage d’exploration, l’exploitation et l’utilisation du pétrole. En effet, nous savons bien qu’à toutes les phases de la prospection pétrolière Off-shore, il y a des impacts sociaux, environnementaux et économiques plus ou moins importants.
Sur l’environnement, les ondes sonores peuvent se propager dans l’eau, sur plus d’une centaine de kilomètres, provoquant une pollution sonore nuisible à la faune aquatique, notamment les espèces juvéniles, œufs et larves. Ces ondes peuvent affecter la distribution des poissons, la ponte des tortues marines, entrainer une importante perte de biodiversité aquatique, affecter négativement l’alimentation des baleines et des dauphins.
Nous savons également que l’activité de pêche en mer est grandement gênée par les campagnes de prospection, car les tirs modifient le comportement des poissons qui peuvent s’éloigner des zones où ils vivent habituellement et les pêcheurs ne peuvent exercer leur activité dans la zone de prospection du navire pour ne pas interférer avec les ondes sismiques.
Quant à l’utilisation du pétrole, nous savons tous aussi que, même à des niveaux faibles, la pollution a des effets néfastes sur notre santé. (…)
Nous savons que le pétrole a été découvert dans le département de Foundiougne, dans un milieu insulaire confiné, d’une fragilité environnementale évidente. Nous savons que le delta du fleuve Saloum, classé patrimoine mondial de l’UNESCO et abritant l’une des plus belles baies du monde, est l’interface d’impact immédiat des futures plateformes off-shore avec tous les risques éventuels ci-dessus évoqués.
v FAIRE PREUVE D’EQUILIBRISME
Toutefois, ces menaces bien réelles et qu’il ne faut pas prendre à la légère, doivent-elles nous pousser à adopter une attitude hostile face aux compagnies pétrolières, face aux investissements qui accompagnent les activités d’exploration et d’exploitation pétrolière? Bien sûr que non, car il est bien possible d’en limiter les impacts négatifs et de saisir les belles opportunités engendrées par cette découverte majeure. Il y a juste à faire preuve d’équilibrisme entre deux nécessités ; celle de sauvegarder durablement un patrimoine vital pour nous et pour les générations futures et celle de tirer profit tant au niveau national qu’au niveau local, d’une telle opportunité. Et cela passe en autres par l’instauration d’un environnement social et politique apaisé, à même d’assurer aux investisseurs les conditions idéales de valorisation de ce patrimoine.
v L’EXISTENCE D’UN DISPOSITIF LEGISLATIF, REGLEMENTAIRE ET INSTITUTIONNEL RASSURANT
A cet effet, la mise en place par l’Etat du Sénégal d’un cadre législatif, réglementaire et organisationnel à même de mitiger les risques et de garantir la préservation de la biodiversité marine et du mode de vie des populations locales est plus que rassurante. En sus, l’élaboration d’un cahier des charges très strict sur les normes que les entreprises devront respecter pour réaliser la mise en place de mesures compensatrices serait de nature à limiter les impacts négatifs. En ce sens, la toute récente loi N°2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier « vise à renforcer le partenariat gagnant-gagnant, de manière à créer un environnement minier favorable au développement économique durable.
Ce code crée un environnement qui assure un équilibre entre la nécessité de mettre en place des mesures incitatives pour attirer, sécuriser et rentabiliser les investissements et la nécessité de prendre davantage en compte les intérêts de l’Etat et des populations » (M. Mahammad Bounn Abdallah Dionne, Premier ministre). Mieux, ce code met en place trois Fonds d’appui pour les communautés impactées. Il s’agit de faire de sorte que l’exploitation des ressources minières profite directement aux communautés impactées, tel est l’objectif du gouvernement du Sénégal, qui a cet effet a décidé, à travers le nouveau code minier, de mettre sur pied ces trois fonds d’appui qui prévoient :
– l’affectation de 0.5 % du chiffre d’affaires hors taxes des Sociétés minières au Fonds d’appui aux collectivités locales;
– le versement de 20% des recettes de l’Etat provenant des opérations minières à un Fonds d’appui et de péréquation destiné aux collectivités locales ;
– la mise en place d’un Fonds de Réhabilitation des Sites Miniers, alimenté par tous les titulaires de permis d’exploitation.
Dans la même lancée, afin de favoriser « une gouvernance apte à garantir une prospérité durable avec les nouvelles ressources pétrolières et gazières », le Président Macky SALL a mis en place le Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz (COS-PETROGAZ), pour une impulsion dynamique du secteur de l’Energie et un contrôle stratégique de la valorisation des réserves pétrolières et gazières. Entre autres missions du COS-PETROGAZ, « l’élaboration d’un Plan directeur de développement pétrolier et gazier et d’un schéma d’utilisation de ces ressources en articulation avec les axes et les objectifs du Plan Sénégal émergent, la diffusion des informations justes et crédibles », la veille sur le respect des normes environnementales, la coordination de tous les projets pétroliers et gaziers au Sénégal, la supervision des différents accords juridiques et des contrats entre l’Etat du Sénégal et les partenaires portant sur le financement et la réalisation des projets pétroliers et gaziers, ainsi que la commercialisation de la production, la coordination des négociations et l’assistance technique liées à la promotion, à la prospection et au développement des projets pétroliers et gaziers, l’élaboration d’une stratégie nationale de formation des acteurs de l’industrie pétrolière et gazière et la coordination de la communication institutionnelle des activités.
Tout cet arsenal juridico-organisationnel fonde notre optimisme quant aux retombées positives de l’économie pétrolière pour le département de Foundiougne et pour l’ensemble du pays. Certes, les compagnies pétrolières ne sont pas des enfants de cœur, mais les mesures mises en place par l’Etat devront permettre d’encadrer l’exploitation pétrolière, de limiter les impacts sociaux et environnementaux négatifs et surtout de favoriser leur contribution à la croissance économique du pays. Le rôle de veille et d’alerte d’une société civile dynamique très au fait des problématiques environnementales, d’équité et de transparence vient renforcer le rôle régalien de l’Etat de sauvegarde de l’intérêt des populations.
Nous sommes d’autant plus optimiste que la responsabilisation accrue des collectivités locales consacrée par la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités locales ainsi que l’approche territoriale du développement prônée par l’ Acte III de la Décentralisation, permettent aujourd’hui aux Conseils et Exécutifs locaux (Maires et Présidents de Conseil départemental) de jouer pleinement le rôle de « promotion des actions de développement économique, social, culturel, environnemental d’intérêt local ». Il ne reste pour ces collectivités locales qu’à s’organiser davantage pour constituer une véritable force d’impulsion, de proposition, de décision, de négociation et même de contrôle.
Mieux, l’adoption de différents textes juridiques (Code forestier, décrets d’application du Code de l’eau, Code pétrolier, Code de la pêche maritime etc….), l’importance des études d’impact comme éléments du processus des décisions environnementales, la conformité du droit national aux conventions internationales signées et ratifiées par le Sénégal, la prise en compte de certains principes en matière de protection de l’environnement (développement durable, conservation, utilisation durable), l’adoption de différents instruments de planification stratégique en matière de lutte contre le changement climatique, de sauvegarde de la diversité biologique, de protection de la couche d’ozone, de gestion des déchets dangereux et la reconnaissance constitutionnelle de nouveaux droits aux citoyens : « droits à un environnement sain, sur leur patrimoine foncier et sur leurs ressources naturelles », constituent pour nous un réel motif d’optimisme.
L’Etat apprécie à sa juste mesure l’impératif de renforcer les capacités des acteurs dans les métiers du pétrole et du gaz pour améliorer la gestion de ces ressources. C’est pourquoi, il faut s’en féliciter, la décision de mettre en place l’Institut national du pétrole et du gaz sur le site de Diamniadio, d’un coût de 20 milliards FCFA et qui devrait accueillir La première promotion d’étudiants en octobre prochain montre s’il en est encore besoin, la ferme volonté du Président de la République d’arriver à ce que les Sénégalais soient les principaux acteurs dans l’exploitation du secteur. Quoi dire de plus !(…)
v DE NOMBREUSES RETOMBEES POSITIVES POUR FOUNDIOUGNE ET LE SENEGAL
Notre enthousiasme est en outre d’autant plus fondé que le département de Foundiougne, la région de Fatick, le pôle Sine Saloum, le Sénégal tout court, peut en tirer grandement profit.
L’ingénieur géologue Fary Ndao, dans un exercice prudent d’évaluation des retombées financières du pétrole pour le Sénégal estimait approximativement à 1723 milliards de FCFA, le montant des ressources financières qui seraient générées par le pétrole qui est à la fois source d’énergie et matière première. Dans sa contribution il s’exprimait ainsi : « Avec tout cet argent, nous pourrions réinvestir dans les énergies renouvelables qui sont la seule voie de salut écologique et économique sur le long terme, améliorer l’accès à la santé, créer de nouvelles universités, faire moins d’importations et soutenir l’agriculture et la petite industrie/artisanerie locale, créer un fonds bloqué pour les générations futures, améliorer nos villes, promouvoir et financer la culture etc. Le pétrole ne sera une malédiction que si nous en décidons ainsi. Il peut être une formidable opportunité pour les sénégalais d’aujourd’hui et de demain. Les dirigeants sénégalais actuels et futurs, ainsi que le peuple, ont le devoir de ne pas dilapider ce trésor géologique que la nature a mis des millions d’années à créer ». (…)
v ALORS, BIENVENUE CHEZ NOUS A FOUNDIOUGNE, « SANGOMARCITY ».
Au regard de tout ce qui précède, je crois fermement que le pétrole est une bénédiction divine pour Foundiougne et le Sénégal. A vrai dire, Foundiougne est un sol béni et l’eau de Sangomar est tout aussi une eau bénite. En tout cas, la Cosmogonie Sereer du terroir qui considère Sangomar comme l’origine et la destination des ancêtres la considère comme telle. Plutôt que de bouleverser l’équilibre écosystémique et entraîner une perte de biodiversité, plutôt que de déstructurer l’économie du terroir et bloquer le développement d’autres activités, plutôt que d’alimenter le clientélisme, la corruption et la bureaucratie, sans profiter vraiment aux populations, «l’or noir» sera un levier de développement pour le département de Foundiougne et pour le Sénégal, à condition tout de même que les retombées positives de sa mise en valeur soient ressenties d’abord par les populations locales, conformément aux principes internationaux de gestion durable de projet. En d’autres termes, une représentation significative des populations locales dans les projets d’exploitation du pétrole constitue un principe de gestion de projet qu’il convient de respecter.
De toute manière, jusqu’à la preuve du contraire, nous faisons confiance à toutes les parties prenantes, notamment à nos plénipotentiaires, pour faire valoir à nouveau l’exception sénégalaise dans la gestion de cette ressource. Chez nous à Foundiougne, sol béni, nous préférons parler de bénédiction du pétrole et prions vivement que ce pétrole ne fuit pas notre sous-sol à cause des querelles inutiles (Mdrrr). Bienvenue alors à Cosmos, à Total, à Gazprom, à Exxon Mobil, à Shell, à British Petrolium, etc., conformément à la volonté d’ouverture de Son Excellence Monsieur Macky SALL, Président de la République. Bienvenue également à notre secteur privé national qui a plus que jamais l’opportunité de prouver ce dont il est capable.
A vous tous, les populations du très proche futur Emirat du Sénégal (Foundiougne) vous disent « Mbadidyo fa Jam » (bienvenue en Sereer).
Lamine SARR
Géographe, Maître en Environnement
2ème Secrétaire Elu du Conseil départemental de Foundiougne