«Pays crasseux», «pays de chiottes», «trou sale», «pays où les oiseaux ne pondent pas d’œufs», «pays ressemblant à des toilettes», «l’endroit où les loups copulent», «paises de mierda»…non, Trump ne peut pas avoir raison.
Babacar Touré, vous permettez ? Dans votre éditorial de ce samedi, intitulé « Et si Trump avait raison», vous défendez l’idée selon laquelle, Trump a vu juste. Mais pardon de vous le dire, c’est vous qui avez tout faux et je m’associe à des internautes pour apporter quelques nuances.
L’internaute Grawoul a posté le commentaire suivant «L’Afrique est dans la merde peut-être mais l’Afrique n’est pas une merde. Par contre, l’Amérique n’est pas dans la merde, peut-être, mais son président est une merde», le Le 13/01/2018 à 12:00. Il réagissait à l’article intitulé Moi Donald Trump, un président de merde? publié le 1301/ 2018 sur SeneNews. Retenons la partie en italique de son post.
Dans la même veine, l’internaute Anonyme, réagissant à votre article écrit : «Je ne suis d’accord. Etre dans la merde, ne veut absolument pas dire « être de la merde », ce qu’a dit Trump au sujet des pays africains et Haïti » Le 14/01/2018 à 00:17,
Donc, ces deux réactions prouvent à suffisance, chez Babacar Touré que vous avez tout faux. Et on s’explique. «Etre …. de merde» et «Etre dans la merde» ne signifient nullement la même chose. Parce que manifestement, vous avez pris la deuxième pour la première. Non. Ces deux expressions ne sont pas interchangeables. Vous n’êtes pas en train de nous parler de l’expression de Donald Trump qui est la première expression, mais vous parlez plutôt d’autre chose qui est la deuxième.
Donc vous estimez que tout ce beau monde, fonctionnaire internationaux, diplomates, chef d’Etat, journalistes sont des cancres qui n’ont pas peu comprendre l’essence de cette expression et qu’ils se sont trompés sur le sens de l’expression ? Non
Vous voulez donc nous dire que l’intelligentsia africaine, nos professeurs d’université, nos chef d’Etat, les éditorialistes et autres journaliste du monde entier, les diplomates, les responsables onusiens, n’ont pas été capables comprendre, l’essence et le sens de «pays de merde», qu’ils se seraient trompés à juste titre ? Non, ce n’est pas possible ! Je pense que c’est vous qui avez préféré un raccourci qui finalement nous sort absolument du contexte pour nous téléporter ailleurs. En vérité, ce sont des interlocuteurs de Donald Trump – sénateurs de culture et de tradition anglophone-, qui étaient les premiers à être choqués, nous a-t-on rapporté. L’indignation n’a pas commencé en Afrique. Il faut le savoir
Vous dites que votre dictionnaire, vous a dit que merde signifie ennuis. Je comprends ce sens. Mais est-ce que c’est le sens premier de votre Larousse ? Et même si c’était le cas est-ce que c’est de ce contexte qu’il est question dans la déclaration de Trump?
Mais enfin le dictionnaire reste la référence pour apprendre le sens des mots et des expressions. En cela, je vous en sais gré d’avoir vérifié. Même si vous ne sembler pas avoir emprunté la bonne piste. A mon avis, cher Babacar Touré, vous devriez prendre quelques 10 minutes de silence absolu pour examiner le sens de ces deux expressions à savoir «être… de merde» et «être dans la merde».
De mon côté aussi, j’ai consulté un dictionnaire pour chercher le mot «merde». Le Petit Robert illustré : 60 000 mots et leurs 300 000 sens, leur étymologie, datation, prononciation…
Merde 1 : matière fécale de l’homme et de certains animaux (crotte, excrément, caca,)
Merde 2 : être ou chose méprisable, sans valeur (cochonnerie, saloperie) Merde 3 : situation fâcheuse, inextricable, – être dans le merde jusqu’au cou.
Au vu donc ces 3 définitions, ce n’est que la 3è sens qui rejoint votre acception du mot et qui n’est même pas le contexte de la déclaration de Trump. Une fois de plus «Etre …. de merde» et «Etre dans la merde», ce sont deux choses différentes.
D’ailleurs, qu’il vous souvienne, l’expression originale de Trump c’est «shithole countries». Le sens en anglais est encore plus parlant et plus choquant. Elle est si grossière que dans certains pays du monde, par pudeur, certains journaux n’ont pas osé le traduire avec toute sa grossièreté.
Et l’on sait que parfois certains mots ou expressions quand, ils sont traduits dans d’autres langues, perdent de leur substance. Nos langues africaines regorgent suffisamment de ces mots, expressions et proverbes dont traduits en langues étrangères perdent de leur substance.
Il en est ainsi été aussi pour le «shithole countries» pour les francophone, mais qui a, tout de même, gardé quelque chose dans sa traduction française et dans d’autres langues romanes comme l’espagnol.
D’ailleurs l’Agence France Presse nous dit clairement que les médias du monde, ont eu du mal à trouver vraiment quelque chose dont le sens reflèterait vraiment le sens de la version anglaise.
L’Afrique est dans la merdre, l’Afrique n’est pas de …de merde
L’Afrique est dans la merdre, c’est vrai. Babacar Touré, vous l’avez dit à suffisance dans votre texte. Nous sommes le continent «le plus scandaleusement riche et «le plus honteusement pauvre», pour emprunter l’expression du Dr. Cheikh Diallo. J’en conviens. Nous n’avons pas fini avec des conflits armés, des guerres tribales ou communautaires, l’usure du pouvoir est une réalité, nous avons des gérontocraties tenaces (Etats dirigés par de grand-papa), nous n’arrivons pas vaincre certaines maladies que certains pays du monde ont dépassé depuis longtemps : le paludisme, le sida et autres font des ravages sur notre continent, mortalité maternelle et infantile reste une grande équation.
Pour toutes ces raisons, oui l’Afrique a des ennuis ou l’Afrique est dans des ennuis, donc l’Afrique est dans la merde. Ça on peut le dire comme ça. Quoi de plus évidentissime ? Je suis en phase avec vous. Sauf que ce n’est pas ça ce que dit Trump, ce n’est pas le contexte.
Donald Trump ne dit pas que la Salvador, Haïti et des pays d’Afrique sont dans la merde. Si c’est cela qu’il disait quel que soit le contexte, le ton qu’il aurait employé, je ne vois pas une seule personne choquée a fortiori réagir. Le chef de la Maison Blanche dit plutôt que ces Etats sont «des pays de merde».
Amalgame : les Américains ont bel et bien élu Trump, donc…
Il y a un autre amalgame que vous faites dans votre texte, Babacar Touré. Personne ne refuse à Trump de mener sa politique sur la base de laquelle il a été élu quoique critiquable. C’est normal qu’il tienne ses promesses de campagne sur la base desquelles il a été élu. Même si jusqu’ici, c’est plus facile à dire qu’à faire. Aux Etats-Unis, la force des institutions fait que le président apparaît un peu comme une marionnette. Et Trump ne fait que subir cela depuis son installation à la White House.
Le milliardaire sera toujours critiqué pour ses politiques, cela aussi est normal. Mais mener entre autre sa politique migratoire et proférer des insultes racistes et dégradante, ce sont deux choses différentes. Parce qu’il faudra se rendre compte de ce que Trump est un raciste assumé et que sous son magistère ses compatriotes racistes, en l’occurrence, l’extrême droite américaine est devenue complètement décomplexée.
Donald Trump a le droit de défendre en priorité ses électeurs certes, mais il a aussi le devoir de respecter les autres. Et vous Babacar Touré, vous prouvez aussi comprendre qu’il y a mille manière de dire à quelqu’un qu’il est écervelé.
Ne trouvez-vous pas de l’élégance et de la grandeur dans les propos du porte-parole de la Maison Blanche que vous citez, M. Raj Shah qui dit : «Certains politiciens de Washington choisissent de se battre pour des pays étrangers, mais le président Trump se battra toujours pour le peuple américain» ?
Shah est totalement en phase avec des Trump, notamment dans son slogan «America first» (l’Amérique d’abord), mais il le dit avec beaucoup de respect et de classe. On peut lui apporter la contradiction sans émotion.
Il faut vous imprégner de toute la violence que cache le propos tel qu’éructé par Trump. Nous avons un florilège de l’Agence France presse.
Le «shithole countries» dans toute son étendue
Il faut savoir que l’expression dans son sens en anglais est encore plus cruelle. Mieux, les médias du monde auraient eu suffisamment du mal la traduire l’expression dans toute sa cruauté, certains par crainte de ne pas choquer. Dans le monde francophone, on a pu retenir «pays de merde». Dans d’autres culture, ça a été traduit par d’autres figure de rhétorique très imagées
De «shithole» l’AFP parle d’une expression très vulgaire qui se réfère aux latrines extérieures pour désigner un endroit particulièrement repoussant. Difficile de reproduire toute la grossièreté, certains médias, en revanche, essaient de ménager la sensibilité de leur public. C’est comme ça que des médias francophones ont retenu «pays de merde» plus proche de l’expression originale de Trump.
D’après l’AFP, des dictionnaires bilingues comme le Harrap’s proposent des termes moins grossiers, comme «porcherie», «taudis» ou «trou paumé». La presse espagnole sur le modèle de la française (culture latine) a retenu «paises de mierda» tandis que des médias grecs, eux ont glissé une nuance en parlant de «pays de chiottes».
Aux Pays-Bas, le grand quotidien Volkskrant et une bonne partie de la presse néerlandophone plus pudique ont tenté de passer outre cette la vulgarité en utilisant le terme «achterlijke», ou «arriéré». Au pays de Vladimir Poutine, Ria Novosti a opté pour le mot «trou sale», mais le journal syndical Troud , toujours en Russie est, lui, aller plus loin avec «trou à merde».
Le journal italien Corriere della Sera avance «merdier» (merdaio). Plus décomplexé, l’agence tchèque CTK choisit pour sa part «cul du monde».
En ce qui concerne les médias germanophones, ils ont opté pour l’expression «Dreckslöcher», qu’on peut traduire par «trous à rats».
On a d’autres expression plus imagées. C’est comme ça que qu’en Serbie, la presse a emprunté l’allégorie animalière en parlant de «vukojebina», à savoir «l’endroit où les loups copulent». Du côté de l’Asie, très pudique, on évite vraiment de choquer avec«shithole» tout en essayant de trouver quelque chose d’équivalent en langue locale
C’est ainsi que la chaîne NHK, au Japon, a choisi de parler de «pays crasseux». L’agence Jiji, pour sa part, a utilisé un terme familier mais pas forcément injurieux pouvant de traduire par «pays ressemblant à des toilettes». Les médias chinois semblent les plus pudique et se contentent en général de parler de «mauvais pays». Ce qui évite de reproduire l’expression originale dans sa grossièreté.
La version la plus allusive et la plus imagée revient sans conteste à l’agence taïwanaise CNA, qui évoque des «pays où les oiseaux ne pondent pas d’oeufs», relève l’AFP.
Par Noël SAMBOU