Selon certains thuriféraires de la coalition présidentielle, l’ère des fraudes électorales serait révolue dans notre pays. Si effectivement, les bourrages d’urnes sont devenus rarissimes, les manœuvres frauduleuses en amont du scrutin semblent gagner en dextérité et en audace.
Comme les Sénégalais l’ont expérimenté, lors des dernières législatives, il peut s’agir de rétention des cartes électorales destinées à des couches sociales (jeunes) ou à des zones géographiques (zones urbaines) réputées rebelles vis à vis des pouvoirs établis ou bienveillantes envers les partis d’opposition.
QUID DU PARRAINAGE ?
Pour cette fois-ci, les spin-doctors du pouvoir nous ont sorti de leurs chapeaux de charlatans une nouvelle trouvaille, qu’ils considèrent comme la formule-miracle pour faire gagner le président Macky Sall dès le premier tour. Il s’agit du fameux parrainage, une sorte de sauce étrange, dans laquelle, ils envisagent de faire mariner les opposants et qui risque de faire patiner ou déraper leur régime aux abois.
Il est troublant de constater que, pour se faire réélire, le Président Macky Sall soit contraint de faire usage de réformes constitutionnelles dé-consolidantes ou de tripatouillages du code électoral, au lieu de tabler sur un bilan que lui-même trouve satisfaisant, lui qui n’en est qu’à son premier mandat.
L’histoire nous enseigne, cependant, que ces recettes inopérantes de fin de règne, n’ont permis, ni au Président Diouf d’échapper à l’éviction du pouvoir en 2000, ni à son successeur d’obtenir le troisième mandat tant convoité.
La faiblesse fondamentale de cette proposition est qu’elle ne bénéficie pas d’un large consensus de la classe politique, ce qui devrait être la règle en matière électorale. Un autre aspect touche au considérable écart entre l’ampleur de la tâche de collecte de dizaines de milliers de signatures et le faible temps imparti, sans oublier l’importance des moyens financiers et logistiques requis. Des démocraties bourgeoises, plus vieilles que la nôtre, utilisent un système de parrainage basé sur les élus et non sur les électeurs. Enfin, la méfiance entre acteurs politiques et la défiance populaire envers le conseil constitutionnel ne vont pas faciliter l’évaluation des listes de parrainage et les cas de rejet risquent d’être contestés avec véhémence.
NON À L’ÉLECTORALISME PRIMAIRE !
Jamais, le hiatus entre les préoccupations exclusivement politiciennes et électoralistes de l’élite politico-affairiste et les angoisses existentielles et de simple survie des masses populaires n’aura été aussi béant. Le chômage des jeunes, les grèves répétées dans les secteurs sociaux, la crise de confiance dans la Justice, l’accaparement des terres ainsi que l’exclusion et la misère sociale sont des problématiques, qui ne sont adressées que sous le prisme électoraliste entre les mystifications de la machine de propagande de l’Etat et la démagogie nihiliste de larges secteurs de l’Opposition.
Les rares manifestations de défiance par rapport à l’arbitraire du pouvoir sont parasitées par des mots d’ordre partisans et électoralistes, chacun prêchant pour sa chapelle et son messie, en lieu et place de propositions programmatiques et de rupture.
POUR LA RÉSISTANCE POPULAIRE PACIFIQUE !
Et pourtant, il est temps pour la classe politique d’apprendre des grandes manifestations observées ces dernières semaines, sur toute l’étendue du territoire national avec des élèves revendiquant leur droit à l’éducation et des enseignants luttant pour leurs intérêts matériels et moraux.
Comment ne pas être sensible aux doléances de nos concitoyens ruraux, qui au détour d’une manifestation religieuse, se plaignent de difficultés d’approvisionnement en eau potable, de manque d’électricité et plus généralement d’inaccessibilité aux services sociaux de base ?
Tous ces exemples servent à illustrer l’importance des droits économiques et sociaux et l’urgente nécessité de les corréler à ceux politiques et sociaux, avec la pleine implication des communautés de base.
Il faudra également que les forces luttant pour le progrès social et la démocratie acceptent de sortir de « l’inexpugnable citadelle » néo-coloniale qu’est censée protéger l’arrêté de Me Ousmane Ngom, pour aller investir les quartiers et villages, y organiser des rassemblements populaires et – pourquoi pas – déposer des mémorandums au niveau des autorités administratives.
Pour cela, les partisans d’une véritable alternative politique doivent rompre avec le clientélisme politique, qui étouffe les potentialités, dont pourraient être porteurs une décentralisation bien pensée et l’implication des communautés dans les luttes pour leurs droits politiques et socio-économiques.
Au cas très peu probable où l’actuel pouvoir arriverait à imposer la loi scélérate sur le parrainage, perdant ainsi toute légitimité populaire, des initiatives de désobéissance civile pourraient être envisagées, pour remettre la démocratie de notre pays à l’endroit et s’opposer au bradage de nos intérêts nationaux au Capital étranger.
Édifier méthodiquement un mouvement populaire et décentralisé appelé à perdurer, au-delà des dérisoires compétitions électorales, est le plus sûr moyen de s’opposer aux forfaitures présentes et d’assurer la pérennité du contrôle populaire sur l’Exécutif national, quel que puisse être le vainqueur des joutes électorales à venir.
NIOXOR TINE