Dakarmidi – Une question pour commencer : existe-t-il une pulsion politique ? On connaît les pulsions d’amour, de faim, de vie ou de mort, mais la pulsion politique au sens freudien, c’est-à-dire « une poussée ponctuelle et motrice qui vise à une satisfaction et est le moyen initial de cette satisfaction » ? Faudra sans doute poser la question aux psychanalystes pour se faire une idée.
Mais l’on peut se permettre d’avancer sans risque de se faire remonter les bretelles par quelque encyclopédiste trop près de son savoir que la passion politique existe bel et bien. Voyez donc tous ces gens si responsables qui, à force de donner leur avis sur tout et sur rien, dans les radios, les télés, les journaux ou même, plus frontalement, dans des rassemblements militants, ont fini par passer pour des experts en politique. Ce sont les mêmes que l’on entend pousser des cris d’orfraie : « Elections, pas touche ! ». Ce sont les mêmes que l’on voit suer à grande eau au cours de marches de protestation, slogans scotchés aux pancartes et cœur au bord de la rupture. Ils sont meilleurs en tout que leurs semblables et sont les seuls habilités à parler en leur nom, à décider pour eux sur tout et – ils sont intraitables là-dessus – sont abonnés aux premières loges. Ils portent des titres ronflants du type « président », « secrétaire général » et exigent, sans le moindre déplaisir, que l’on leur serve du « Monsieur ».
Passion politique, donc! Volonté de puissance, de domination! Rien à voir avec cette autre passion plus noble qu’est l’amour. Souci et quête de l’autre. Partage! Solidarité! La politique, dans l’acception servie dans moult tribunes par ces adulateurs du pouvoir, n’est pas très éloignée de l’amour.
En principe, mais en principe seulement, on cherche le pouvoir pour se mettre « au service » de son peuple. Mais la passion politique ne boxe pas sur le ring de la noblesse de cœur. Elle est, pour recoller à la sémantique freudienne, cette « libido dominandi » décrite par Saint Augustin. Elle est génocidaire et conduit tout droit au Tribunal Pénal International alors que la passion amoureuse ne cause que des homicides et ne mène qu’en Cour d’assises.