Dakarmidi – A quelques 12 mois de la présidentielle de 2012, le chef de l’Etat Macky Sall affine et peaufine sa stratégie de conservation du pouvoir. Aujourd’hui, il appert que la première volonté du chef de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar, c’est de gagner, haut la main, au premier tour la prochaine présidentielle. Mais l’ambition présidentielle se heurte à la réalité socio-politique du terrain électoral. Ainsi, le Président ne lésine sur aucun moyen financier, infrastructurel et humain pour bénéficier à nouveau de la confiance populaire. C’est ainsi que le très méthodique président Sall, en bon stratège politique et habile calculateur, multiplie, depuis 2012 les initiatives. Dès lors, la machine de la conservation du pouvoir s’est mise en branle dès 2012 quand la traque des biens mal acquis est lancée, la transhumance sanctifiée, la récompense magnifiée.
Alors, il a commencé à tisser sa toile en débauchant des militants des partis concurrents, en apprivoisant ses alliés, en parrainant des manifestations sportives populaires et se montrant en bon samaritain à l’endroit des nécessiteux. Et voilà que la politique de la carotte et du bâton que le chef de l’État a mis en place depuis le lendemain de son élection en mars 2012 continue de faire des ravages au sein de l’opposition et même des partis alliés : attribution de maroquins ou de strapontins à ceux qui acceptent de jouer le jeu collaborationniste et répression assurée aux récalcitrants qui regimbent à l’idée de se ranger derrière lui.
Karim Wade est aujourd’hui hors-course à la prochaine présidentielle au vu des charges pénales qui vicient son casier judiciaire. Aujourd’hui, le PDS, principal parti d’opposition étêté, est à la recherche d’un plan B même si on donne des gages sur la présidentiabilité de Karim Wade, l’exilé de Qatar. Le Parti socialiste en capilotade est aujourd’hui dans une sorte de déréliction avec la fracture occasionnée par la frange contestataire du camp de Khalifa Sall et d’Aïssata Tall Sall. Et Khalifa Sall pour avoir refusé de jouer au caudataire de sa Majesté comme son camarade ou désormais ex-camarade de parti Ousmane Tanor Dieng, est empêtré dans une nasse judiciaire qui risque d’hypothéquer son assurance-élection.
L’Alliance des forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse a fait allégeance au pontife des beige-marron même si cela lui a valu le schisme de Malick Gakou, leader du Grand parti.
Les cadors Pape Diouf, Oumar Guèye, Nafissatou Diop Cissé et Oumar Sarr sont débauchés ou déboulonnés de Rewmi. Djibo Ka, avant de tirer sa révérence, a rejoint la mouvance présidentielle avec sa famille politique nucléaire.
Aujourd’hui, le Président appelle les opposants à des concertations pour donner des gages de sincérité sur la conduite du processus électoral compromise par l’agitation d’un système de parrainage anticonstitutionnel qui drosse le dialogue entre acteurs sur l’écueil du blocage politique.
Sur un autre registre, le président utilise le créneau populaire de la lutte et du football pour crédibiliser son image de mécène voire de mercenaire du sport puisqu’il y a des dividendes politiques à récolter. Et aujourd’hui, son ministre des Sports, Matar Bâ, qui n’a engrangé que des succès brillants à la tête de son département, joue le rôle d’un véritable missi dominici pour rallier les sportifs à la cause de son mentor. Et ce n’est pas pour rien que le choc entre Modou Lo et Lac de Guiers du 28 janvier passé a eu comme parrain le président de la République. Dans six mois, la nouvelle arène de 32 milliards, sise en banlieue, sera livrée aux lutteurs, amateurs et promoteurs dont une bonne partie claironne déjà partout son soutien électoral au président Sall.
Mais si le président de la République est parvenu à domestiquer ses alliés et à déstabiliser ses opposants, il reste à résoudre la difficile équation Pur (Parti de l’Unité et du Rassemblement) de Serigne Moustapha Sy. Il est évident que le Pur avec ses 155 037 voix lors des législatives est devenu une véritable force politique d’opposition qui compte désormais sur l’échiquier politique. Faute de pouvoir le déstabiliser par le débauchage, par l’infiltration à la manière des Trotskystes, faute de pouvoir coller un motif judiciaire à son leader pour lui barrer la route vers 2019, il faut une stratégie d’encerclement, d’endiguement et de dénigrement du guide moral des Moustarchidines wal Moustarchidaty (MWM).
Alors, pour engager ce combat titanesque contre Moustapha, il faut un membre de sa famille qui puisse lui apporter la contradiction. Et la personne idéale pour contrecarrer les projets du leader des MWM, c’est Abdou Sy, son frère. En effet, ce dernier s’est violemment attaqué, le 23 janvier à la RFM, à son frère Moustapha à qui il reproche d’avoir manqué de respect à leur oncle Pape Malick Sy et par voie de conséquence à leur défunt père Cheikh Tidiane Al Makhtum à qui le guide des Moustarchides prête des propos qu’il n’a point tenus. Et Abdou Sy n’exclut pas d’investir les médias pour déballer plus sur son frangin si ce dernier continue son « trafic d’influence » pour renforcer sa crédibilité. Une manière subtile de tenir à carreau celui qui s’est résolument mis dans la posture d’un véritable opposant à la réélection de Macky Sall en 2019. Abdou Sy, en bon affairiste, pourrait, en guise de pretium doloris, bénéficier de la part de l’Etat de marchés de plusieurs centaines de millions dans le domaine de l’électrification rurale où il s’active.
Serigne Modou Kara, qui dirige un parti politique et qui a eu des atomes crochus dans le passé avec le guide des MWM, a déclaré sans ambages son soutien au président Sall au point de s’ériger en son cerbère pour le protéger des éventuelles salves assourdissantes qui partiront des canons discursifs du tribun Moustapha Sy. Béthio Thioune, qui a déclaré ne jamais ramer à contre-courant d’un régime, participera avec ses talibés à cette opération d’endiguement du président du Pur en se mettant à la disposition du président Sall. Ainsi, le leader des MWM risque d’être pris en étau par cet axe triangulaire Abdou Sy-Kara-Béthio, prêt à l’anéantir pour baliser la voie à Macky Sall.
Et voilà, tel Ariane, le président Macky Sall tisse, entre pierres d’achoppement et labyrinthes, sa toile pour atteindre son seul et unique objectif de 2019 : gagner la présidentielle au premier tour.
Gawlo.net (Mark Senghor)