Dakarmidi – A force de nous dire que la poésie se meurt, qu’elle ne remplirait plus ses fonctions de transmission culturelle, artistique, humaine, on constate qu’il n’en est rien. Il suffit simplement de regarder autour de soi, de déplacer son regard pour capter dans le vent sa belle vitalité et de voir qu’elle n’a jamais été aussi vivante, aussi présente.
La sensibilité poétique, l’acte poétique militant, la configuration des mots et du rythme sont partout, dans les poumons des villes, dans les rues, sur les écrans illuminés, glissés et revendiqués dans les réseaux sociaux, là où les hommes et les femmes cherchent du lien et sont en quête de sens. Les regards s’aiguisent d’une nouvelle poétique, comme un esthétisme moderne où rien ne meurt et où tout renaît.
Et la poésie de Ndongo Mbaye en témoigne avec ses images denses, flamboyantes qui disent et qui racontent notre monde passé empreint d’altérité.
Pardon, Ndongo Mbaye mais les poètes ne meurent pas et ceux de ce début du XXIème siècle sont bien debout ! Et le frère poète de la terre natale est de ceux-là tant son implication poétique nous bouleverse, nous questionne et nous ouvre les yeux.
Avec Les poètes meurent aussi, Ndongo Mbaye réhabilite notre mémoire, notre patrimoine littéraire, historique et culturel en friche, comme un messager du temps qui, la rime en bandoulière, n’a de cesse d’allitérer, de scander et de rythmer. Alors le poète Ndongo Mbaye nous donne sa sollicitude et nous fait regarder le monde qui s’étiole, une terre «où les mots ne sont rien», face à la douleur des injustices humaines.
Oui, c’est vrai, la poésie seule ne peut rien mais la conviction poétique et l’engagement unitaire et nomade, artistique et citoyen peuvent soulever des montagnes et bouleverser les sociétés pour les faire renaître.
L’esthétisme de la poésie de Ndongo Mbaye incarne cette nouvelle justice car elle impulse un souffle, trempé d’encre rouge, qui n’est pas vain, elle «anaphorise» l’espoir car la beauté est partout, il suffit de la cueillir, de la porter pour mettre à terre les souffrances, les errances et les crimes barbares.
A travers cette parole salvatrice, entre ombres et lumières essentielles, Ndongo Mbaye apporte sa pierre à l’édifice du paysage littéraire africain, pour bâtir un avenir prochain, rutilant de soif et de faim, celui d’une jeunesse désemparée qui ne demande qu’à croire, qui ne demande qu’à s’engager, qu’à rêver.
La densité du discours et de la langue poétique de Ndongo Mbaye nous encerclent, là «où les mots seront lois, où les mots seront rois», pour clamer enfin la conscience historique et se soumettre à la liberté infinie.
Nous sommes sans doute au carrefour du chaos mais la poésie est là, avec ses hommes visionnaires, pour conquérir la renaissance et toutes les libertés humaines.
Oui, la poésie est debout pour dire et redire, comme nos prédécesseurs, nos inspirateurs, souvenons-nous «les morts ne sont pas morts», pour subjuguer la dissolution des êtres, pour foudroyer la négation, pour ensevelir l’assimilation, pour faire fléchir la colonisation de la pensée, pour enchaîner l’esclavage du discours unique. Nous sommes aussi l’humanité des hommes «ceux sans qui la terre ne serait pas la terre», pour dire le monde.
La poésie de Ndongo Mbaye fait renaître les soleils, tous les soleils de nos libertés, comme la virilité ancestrale, porteuse de notre propre vérité.
Oui, la poésie est debout car le combat des mots guide le monde et nous sommes les défenseurs du verbe qui dit et qui refuse de se taire
Et maintenant je proclame la parole libérée
Pour habiter les lendemains certains
Ouverts vers des horizons étoilés
Amadou Elimane Kane
Ecrivain poète
et fondateur de l’Institut Culturel Panafricain et de recherche de Yene
Les poètes meurent aussi de Ndongo Mbaye, Poésie, éditions Lettres de Renaissances, collection Paroles arc-en-ciel, Paris, 2016