Dakarmidi – La mort est le souvenir poussiéreux de la vie. Nous venons de perdre un artiste de dimension exceptionnelle : il avait, en effet, fait de la vie une oeuvre d’art, c’est-à-dire une création sans arrêt. Sa parole ciselée dans le creux du baobab, son allure de personnage sorti du rêve et des décombres, son sourire stellaire de défi à la mort, sa demeure-musée, ses folies assumées, sa générosité peu commune et son détachement du service des biens ont éclairé de mille feux la vie de Issa Samb alias Joe Ouakam.
Il a inventé toute une manière de vivre l’art comme une procédure singulière de vérité ainsi que le spécifie le philosophe Alain Badiou. Issa opère dans la peinture une esthétique libre, en rupture avec les modes ambiantes. Il fixe à ses oeuvres une tâche : dire, d’une parole sous les ruines d’un monde désarticulé, le réel de la déshérence. Il est le peintre des êtres extrêmes qui trouvent leur plénitude lorsque le regard est à la fois étonné et transi.
C’est également sa manière de faire du théâtre et de la poésie, arts majeurs. La même expression, la même cohérence, la même puissance. Issa était ainsi, lui-même, l’accueil poétique de toutes les errances et un point de rencontre de toutes les marginalisés révolutionnaires sur la rebelle de Jules Ferry… Dakar des parages!
La mort de Joe, c’est ainsi une béance dans le Dakar des arts et de la culture.
Adieu Joe, le grand frère affectueux, nous t’avons tant aimé. Tu nous a tant été utile et précieux, toi qui a osé, par tes oeuvres et ton éthique de la solidarité, regarder toujours, d’un oeil indifférent, la mort qui n’est, avant tout, qu’une « conclusion neutre de la vie », pour toi qui a traversé cette vie comme « un animal de luxe ».
Mon cher Abdou Ba, ta voix tremblait et ces mots sortaient en souvenir de ta marque de fraternité qui m’a comblé. Je te présente aussi mes condoléances, dans la douleur du vide qui désormais sera l’ombre du Laboratoire Agit Art.