Dakarmidi – L’actualité de ces derniers jours s’est beaucoup cristallisée sur les méthodes non conventionnelles que Macky Sall et ses sbires sont en train de recourir pour détruire un adversaire politique (Ousmane Sonko), qui a fini d’asseoir sa crédibilité d’homme politique. Avant lui, d’autres hommes politiques ont goûté aux mêmes remèdes : Karim Meïssa Wade, Idrissa Seck, Abdoul Mbaye et Thierno Alassane Sall, etc. Jamais dans l’histoire politique du Sénégal on est arrivé à l’utilisation de méthodes aussi mackyavéliques, infamantes et immorales que celles empruntées par Macky Sall pour s’assurer un second mandat. Avant de revenir sur ces méthodes, il me paraît important d’apporter un éclairage sur le mode de pensée dominant (je dis bien dominant, mais non le seul) au sein de notre élite politique, administrative et judiciaire pour éclairer la lanterne de nos compatriotes. Cet éclairage, je le fais à la lumière de ma connaissance pratique (de l’intérieur) des institutions et des hommes et femmes chargés de les animer en ma qualité Haut fonctionnaire de l’Administration sénégalaise.
Une caste de corrompus …
Parmi les principales règles tacites (non écrites) qui gouvernent les rapports au sein de notre élite figurent, en bonne place, celle qui veut qu’on se serve des fonctions dont on est dépositaire pour s’enrichir personnellement et non servir le pays. Ceci en violation des serments et en contradiction des discours lénifiants et de bon aloi tenus en public. Cette règle découle d’un postulat (infondé) que tout membre de l’élite politique, administrative et judiciaire a déjà entendu : le Sénégal ne pourra jamais se développer, mais il existe des possibilités de développement individuel. C’est cela qui explique tous les choix de politiques, de programmes ou d’activités faits selon un seul critère (réel, mais soigneusement caché) : l’existence de possibilités d’enrichissement personnel que ces politiques, programmes ou activités peuvent offrir. Les critères officiels, soi-disant objectifs, sont uniquement destinés à la consommation de l’opinion publique et des bailleurs de fonds : efficacité technique, pertinence par rapport aux problèmes qu’on veut résoudre, compétitivité des prix, etc. Dans une telle situation, on essaie de faire croire à tout nouveau membre de l’élite politique, administrative et judiciaire que s’il n’acceptait pas de jouer à ce jeu (c-à-d d’être trempé dans les combines), il l’apprendrait à ses dépens (difficulté de joindre les 2 bouts, impossibilité d’accéder à la propriété foncière et immobilière, impossibilité de scolariser ses enfants dans des établissements dignes de son statut social, incertitudes après la retraite, etc.). Plus grave, on rassure tout nouveau membre de l’élite politique, administrative et judiciaire en lui faisant croire que tout le monde fait pareil en dépit des apparences d’intégrité et de désintéressement. Seules les apparences comptent ! Le milieu ambiant accrédite l’idée qu’il est tout à fait acceptable de saisir les opportunités d’enrichissement qu’offrent les positions, les stations et les responsabilités administratives, politiques ou judiciaires occupées. Cette idée générale que l’on essaie de faire passer comme une pensée unique, qui s’impose à tous les membres de l’élite politique administrative et judiciaire, n’est, heureusement, qu’une tendance dominante. En effet, il existe au sein de nos élites des femmes et des hommes qui rejettent cette pseudo pensée unique, voire ce fatalisme, et essaient, quotidiennement et avec beaucoup de difficultés et d’abnégation, de conformer leurs pratiques professionnelles à leur serment. Cette minorité, qui considère l’exercice de ses responsabilités comme un sacerdoce, subit la loi, l’ostracisme, les foudres, voire les quolibets de la majorité prédatrice. Dans de telles conditions, la compétence devient un délit et la probité suspecte. Pour toute sorte de raisons, les personnes appartenant à cette minorité se verront empêcher d’accéder à des postes de responsabilités aux motifs inavoués et fallacieux « qu’elles ne sont pas sûres » (comprenez par là qu’elles ne sont pas manipulables), « qu’elles ne sont pas généreuses » (c’est-à-dire qu’elles ne se servent pas et empêcherez toute personne de détourner les deniers publics), « quelles sont méchantes » (c’est-à-dire qu’elles sont rigoureuses et justes dans le travail), « qu’elles sont folles ou manquent d’ambitions » (c’est-à-dire qu’elles indépendantes d’esprit et s’en tiennent strictement au respect des lois et principes d’ordre éthique), etc. Pour se donner bonne conscience, les tenants de la pensée unique utilisent tous les moyens pour accréditer la thèse « tous pareils, tous pourris ».
… qui veut que le monde soit à son image
Dans un tel contexte, toutes les têtes qui dépassent, c’est-à-dire toutes les personnes qui se distinguent par leur probité, donc qui ne rassurent pas en versant dans des magouilles de toute sorte, doivent être coupées. D’une manière ou d’une autre. Cela peut passer par le renvoi pur et simple, la mise au frigo, l’éloignement (affectation dans des services loin du centre qu’est Dakar), l’affaiblissement psychologique (donner l’impression que vous êtes un paria et, subséquemment parvenir à atteindre votre estime de soi), etc. Lorsque toutes ces méthodes ne réussissent pas, alors cette caste de prébendiers et de prédateurs passe à la vitesse supérieure en fabriquant et en colportant des ragots de « corruption », « d’enrichissement illicite », « de mœurs légères », etc. Ces ragots sont propagés avec force conviction et d’une sournoiserie inouïe qui peuvent laisser croire que ce sont des vérités absolues. Cela peut aller jusqu’à alimenter les pages « Off » des tabloïds quotidiens et populaires. C’est cela qui a contribué, entre autres, à la corruption de certains journalistes, car les rédactions savent que l’opinion sénégalaise raffole de ces rumeurs qui finissent par être crues comme étant des vérités intangibles. Plus grave, certains membres de l’élite politique, administrative et judiciaire ont leurs bras armés nichés dans les salles de rédaction, lesquels effectuent les sales besognes de salissage contre espèces sonnantes et trébuchantes, l’affectation d’un terrain au titre de bail emphytéotique, l’attribution d’un quota, le bénéfice de quelques menus passe-droits (voyages à bord du commandement présidentiel, exonérations fiscales et douanières, prise en charge de soins médicaux …), etc. D’autres journalistes chargés de ces basses besognes sont tout simplement tenus par des dossiers de mœurs et/ou de détournements de biens sociaux qui sont pendants devant la justice. Le but de cette entreprise : faire croire que tout le monde est pareil ! C’est-à-dire chacun prend soin de ses intérêts personnels et s’enrichit, par tous les moyens, dans l’exercice de ses fonctions à chaque qu’il en a l’opportunité en dépit de ses apparences d’intégrité et de désintéressement. Ce qui est évidement faux, car beaucoup de femmes et d’hommes ont exercé des responsabilités publiques dans ce pays sans en profiter pour s’enrichir ni pour enrichir leur famille. Inutile de citer des noms, car tout le monde se connaît dans ce petit pays.
Des méthodes abjectes de Macky Sall que Wade a refusées d’utiliser
Le cas récent d’Ousmane Sonko, qui est une cible à détruire, est édifiant. Les raisons sont simples. La plus immédiate est qu’il chauffe sérieusement le maquis et risque de compromettre les chances d’un second mandat. Cette raison est la résultante de plusieurs autres, lesquelles lui ont permis de se construire l’image d’un Haut fonctionnaire compétent, intègre et courageux. La lecture et l’analyse de la déclaration de patrimoine de Macky Sall montre qu’il s’est essentiellement enrichi (un patrimoine colossal que d’aucuns évaluent à 8 milliards de FCFA compte non tenu des 2 comptes bancaires dont il a refusé de divulguer les positions) entre 2001 et 2007. Cette période d’enrichissement correspond exclusivement à celle où il avait exercé des fonctions publiques : DG Petrosen, Ministre, Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale. Son nom a été directement cité dans plusieurs scandales à milliards durant cette période notamment celui des 7 milliards de Taïwan et celui du programme hydraulique Keur Momar Sarr II, lequel avait valu la défenestration à son bras droit Mamadou Samb Delco alors DG de la SONES. Par conséquent, tout laisse croire que Abdoulaye Wade disposait beaucoup d’informations sur l’enrichissement subite et extravagant de son ancien collaborateur venu le défier. Des informations « béton » aux effets destructeurs imparables. Pourtant, il s’est interdit de les utiliser pour le détruire. Sans être Wadiste, c’est ce qu’on appelle avoir de la grandeur d’âme et être un gentleman ! Lui, Macky Sall, inaugure la politique des caniveaux et des fake news en se montrant peu soucieux des règles d’éthique et morales qui doivent entourer une compétition. Pour lui, la fin justifie les moyens : tout est permis et tout est possible pour obtenir un second mandat : exiler un adversaire politique, emprisonner un challenger, instrumentaliser la justice pour faire barrage à des candidats aux élections présidentielles, utiliser des moyens de chantage pour faire rallier des opposants. Last but not least. Cette déliquescence morale au sommet de l’État conduit à un niveau de corruption que notre pays n’a jamais connu où aucun secteur ni profession n’est épargné. Elle a fait le lit de l’effondrement des valeurs que nous vivons actuellement notamment en faisant croire à notre jeunesse que les études ne mènent à rien et que seule la politique (comprenez le mensonge, la tartufferie, le voyeurisme, la cupidité, la roublardise) mène à la réussite. Quelle déchéance et manque de perspectives !
Aspirer à nous diriger, c’est avoir un minimum d’éthique et de morale, qui doit être le socle de la compétence, du dévouement et de l’engagement. De jour en jour en jour, Macky Sall nous prouve sa petitesse d’esprit et comportementale (toujours dans la menace et des références à la force) et l’absence de morale dans les actes qu’il pose. Donc, c’est un devoir civique, de le débarrasser à la tête de notre pays. Tous les compatriotes épris de justice, soucieux de l’avenir du Sénégal et voulant que les choses changent dans le bon sens devraient se mobiliser pour voter contre cet homme et ses candidats alibi comme Madické Niang.
Ibrahima Sadikh NDour