Dakarmidi – 26 septembre 2002, 26 septembre 2017. Quinze ans déjà ! Les souvenirs de la tragédie du Diola restent encore douloureux. Et très douloureux même. Au cours de ma vie professionnelle antérieure, j’ai eu le privilège de visiter deux lieux de mémoire qui m’ont impressionné à une hauteur que je ne saurai décrire par de simples locutions verbales nominales, tant les mots sont dérisoires pour exprimer la force de certaines émotions face à certaines cruautés comme l’Apartheid et l’Holocauste juif, qui y sont restituées avec une rare esthétique sur fond de gravité extrême.
Ces deux lieux m’ont permis de mesurer de façon concrète et tangible quel pouvait être le degré d’inhumanité de l’homme et de ce que pouvait donner comme conséquences dramatiques la bêtise humaine érigée en politique d’Etat. Je veux nommer les Mémoriaux dédiés dans la ville de Johannesburg à la mémoire des victimes de l’apartheid et Yatvachem à Jérusalem, en souvenir des victimes de l’holocauste nazi. Je n’oublie pas non plus le Mémorial Act de la Guadeloupe érigée en souvenir de la barbarie de la traite négrière. J’ai eu le privilège d’accompagner le président de la République à son inauguration en 2015.
On ne sort pas indemne d’une visite dans ces lieux, sans questionner le sens de la vie humaine, ni être perplexe face à certains enseignements reçus et qui sont aujourd’hui érigés en dogme absolu dans nos croyances populaires et confortés dans tous les textes sacrés de nos trois religions révélées. Textes qui prétendent tous que l’homme est le meilleur des créatures de Dieu sur terre, qui plus est, béni par le Seigneur. Certes les voies du Seigneur sont insondables, mais l’existence du mal demeure un douloureux et insoluble problème théologique !
En tout état de cause, je ne m’étendrai pas outre mesure sur ces développements qui paraitraient abstraits et un peu décalés par rapport à ce qui nous occupe : la commémoration du quinzième anniversaire de la tragédie du Diola, intervenue dans la nuit du 26 septembre 2002. Soyons clair ! Dans notre esprit, aucune forme de parallélisme n’est établie, encore moins de comparaison possible, entre les drames résultant de politiques suprêmassistes odieuses : l’apartheid, les pratiques du troisième Reich et les incohérences d’Etat, combinées à l’indiscipline de citoyens qui ont conduit au drame du Diola.
Le seul point commun entre ces trois drames : la volonté commune de trois Etats : l’Etat d’Israël, la république d’Afrique du Sud et le Sénégal, de proposer à l’histoire et à la postérité un lieu de mémoire, pour opposer à l’oubli qui échappe rarement à l’œuvre irrémédiable du temps, une vivacité d’esprit permanente pour un souvenir impérissable. Les deux premiers Etats nommés ont réussi leur œuvre de mémoire.
Eux ont réussi à bâtir leurs œuvres avec intelligence et avec un sens des détails impressionnant qui donne corps à deux histoires sortant de l’ordinaire.
En passant service au Ministère de la Culture dont la charge m’a été confiée, depuis le dernier remaniement ministériel, j’ai été très vite absorbé, en écoutant mon collègue Mbagnick Ndiaye -à qui je rends de nouveau hommage pour le travail effectué pendant trois ans à la tête dans ce département ministériel-, par les développements consacrés à l’édification du Mémorial du Diola. Je voyais défiler dans ma tête les images, pour tout dire les contenus des Mémoriaux de Yatvachem à Jérusalem et de l’Apartheid à Johannesburg.
Je profite de l’occasion : la célébration du quinzième anniversaire du drame vécu en 2002, pour apporter aux parents et proches des victimes du Diola, aux Sénégalais en général, la compassion éternelle du Chef de l’Etat, son Excellence Macky Sall, celle du Premier ministre et celle de l’ensemble du Gouvernement.
C’est le lieu de rassurer tous les Sénégalais, les parents des victimes en particulier, en affirmant de nouveau et avec détermination la volonté des autorités de construire le Mémorial en souvenir de la tragédie du Diola. L’œuvre et l’édifice seront à la dimension de l’immensité de la perte subie. Comme c’est le cas à Johannesburg et Jérusalem.
Des pas importants ont été déjà réalisés, sous la conduite de mon prédécesseur. Je rappelle que l’idée a germé et la décision d’édifier ce Mémorial a été annoncée aux Sénégalais, lors de la première célébration officielle de la tragédie du Diola, organisée par l’ancien gouvernement, sous le magistère du Président Abdoulaye Wade. L’idée était juste, la décision pertinente et bien accueillie.
Initialement, la construction du Mémorial était prévue en bord de mer, sur un site situé dans la capitale. J’ai eu l’avantage d’assister au Conseil des ministres, au cours duquel le Chef de l’Etat réaffirma sa détermination à faire réaliser le Mémorial, mais donner également au Ministre Mbagnick Ndiaye des instructions, en vue de faire procéder aux premières inscriptions budgétaires, nécessaires, pour conduire les études de faisabilité et de factiblité préalables et indispensables.
LE Chef de l’Etat prit au cours de la même séance du Conseil la décision de changer le lieu de destination de l’édifice. Le Mémorial doit, désormais, être installé à Ziguinchor, lieu d’origine du drame. Aussitôt les instructions reçues en Conseil des Ministres, deux cent millions ont été inscrits dans le budget de l’année 2016. Les crédits furent entièrement consacrés à la réalisation des études techniques : projet architectural, études de sol et autres recueils de données techniques nécessaires pour édifier une œuvre de cette nature.
Il est utile de préciser que le site retenu est situé sur les bords du fleuve jouxtant l’embarcadère du port d’où est parti, pour un voyage sans retour, le Diola qui n’arrivera jamais à Dakar où il était attendu par de nombreuses familles. Il s’agit d’un terrain marécageux extrêmement difficile qui nécessite des études de sol d’une extrême complexité et requérant une très grande rigueur scientifiques. Celles-ci ont été conduites par le CEREQ.
Il s’agit du Diola, l’on comprend alors aisément les précautions prises pour atteindre des degrés de fiabilité de l’édifice dont la construction est envisagée. On peut rassurer à ce sujet : les bases retenues pour ériger l’ouvrage sont adossées sur de très hauts standards scientifiques.
Le Gouvernement a inscrit 950 millions de crédits dans le budget en cours. Cette nouvelle inscription a permis de faire attribuer le marché, suite à un appel d’offres gagné par la Compagnie de travaux publics : Effeifage. L’œuvre architecturale subliminale dans sa conception, respire avec une touche féminine particulière qui rassure, quant à la qualité esthétique de l’œuvre en vue. Juste un détail technique d’ordre budgétaire à régler pour lancer les travaux.
Nous avons espoir que cela sera fait avant la fin de l’année. Nous sommes surs de pouvoir compter sur l’appui déterminant du Chef de l’Etat et sur celui du Premier ministre pour assurer la pose de la première pierre de cet important ouvrage. A défaut de pouvoir nous aider à compenser nos fautes et nos incohérences qui ont conduit au Diola, cela nous permettra de garder des souvenirs toujours vivaces. On évitera ainsi d’éloigner nos cœurs et nos âmes de l’oubli.
Il ne fait de doute que cet oubli ouvre de façon certaine les portes de la falsification et celle de la réécriture des séquences d’une histoire qui, bien que difficile pour nous, gênante à certains égards pour nos consciences meurtries, reste la nôtre, celle que nous avons bâtie par nos turpitudes communes. Une façon comme une autre de d’alléger un peu un poids pesant. Comme qui dirait que ce Mémorial nous aidera à exorciser un mal et à expier en partie nos fautes.
En ce jour de célébration du quinzième anniversaire de la tragédie du Diola, nous voulons rassurer. Nous voulons surtout donner de l’espoir, en tentant d’amoindrir la peine des âmes et la douleur des cœurs, en ce jour anniversaire. Le Chef de l’Etat va satisfaire dans un délai très raisonnable une vielle et légitime demande de tous nos concitoyens. Une forte et pressante demande des parents et proches des victimes : l’édification d’un Mémorial qui va consacrer la vie éternelle des 1863 personnes décédées dans la nuit du 26 septembre 2002, à jamais ensevelies dans les entrailles de la vastitude une vastitude liquide, sans précédent dans l’histoire des naufrages.