Dakarmidi – Une règle, hélas, je m’étais fixé. Ne pas fourrer mon nez dans la politique et encore moins parler de religion dans ce pays ô combien complexe de par ses Hommes et de par sa culture sous toutes ses coutures. Mais écrire est plus fort. Et l’instinct d’écrire finit par l’emporter sur la raison. Que diront les langues se délier quand elles me verront sur ce terrain glissant et boueux qu’est le politico-religieux ? J’écris sur cet aspect parce que les jours passés furent riches en évènements. Du haut de mon fauteuil des vieux jours je suis tombé, quand j’assistais à la télévision à l’esclandre verbal entre un marabout politicien, Serigne Mansour Sy Djamil et un représentant de l’Etat sénégalais, en l’occurrence le gouverneur de la région de Louga. Une scène ubuesque doublée d’une rare violence verbale.
La cause de tout ce tralala : le président Macky Sall himself. En fait, l’ombre de Macky a plané sur cette fête religieuse. Ce dernier a brillé de par son absence et titillé toutes les pensées. Un combat à fleurets mouchetés similaire à celui d’entre deux larrons en foire émut toute l’assistance. De mémoire de sénégalais, il est très rare d’assister à une scène de propos aigre-doux entre un marabout qui se dit politicien jusqu’au trognon et un gouverneur de région, fut-il un grand commis de l’Etat. Faut-il en rire ou en pleurer avec ce mélange des genres ?
La politique, ce sport d’élite Le Sénégal est dans une campagne électorale permanente. Zéro répit. Jamais de trêve de paroles liant politique et affaires de la Cité. Il ne peut se passer un jour sans que l’on ahane sur les faits divers de nos politiques. Le jeu favori des médias. Dans ce pays-là, tout est politique et tout se ramène à la politique. Une activité très lucrative et qui rapporte gros. Parler d’autres choses en dehors de cette sphère relève d’un nihilisme inouï. Et pourtant, l’on sait bien qu’un pays ne peut se développer qu’avec la politique embuée dans des paroles à la teneur cauteleuse. En effet, au Sénégal, la politique est devenue un sport d’élite. Il est des hommes et femmes qui en ont fait un métier. Et ce dernier peut vous projeter tel un météore sur le devant de la scène médiatique. Une affaire de machine à gros sous même si l’on arbore le pedigree d’un lapin. Il suffit d’avoir la « grande gueule » en bandoulière, d’être bien réseauté et d’avoir une cour qui vous suit tel un troupeau de moutons.
L’image de Panurge et sa horde de moutons. Mais n’oublions pas que l’argent est aussi le nerf de la guerre dans ce milieu ô combien spécial. Et il faut nourrir la bête. Le bétail politique. Rien que pour les ventres repus. Zéro idée au pointage. L’on se fiche des idées, disent certains. L’on s’encanaille et l’on s’enjaille même si le peuple crève la bouche ouverte. Parce que ce peuple-là a bon dos et aime que l’on s’apitoie sur son sort. Effectivement au Sénégal, le jeu politique est bien un rouleau compresseur. Il peut vous propulser. Il peut broyer aussi des carrières et des vies. S’activer à ce jeu est dangereux sous nos tropiques. On peut facilement se brûler les ailes comme Icare. Mais faut-il laisser ce champ déjà défriché depuis très belle lurette à cette soi-disant élite qui nous gouverne ? Cette dernière est en manque d’idées voire dépenaillée et toujours recluse dans un cercle très vicieux et n’ayant cure de son peuple. Et l’on se pose cette question à priori bête : pourquoi ne pouvons-nous pas nous développer depuis le soleil des indépendances ? Une question bête appelle une réponse bête ; parce que tout simplement la soi-disant élite a hélas failli !
La religion, l’opium du peuple Drôle de pays où du jour au lendemain, l’on se permet de tout connaître et de tout déballer sur les plateaux de radio et de télévision. Drôle de pays où dès potron-minet, l’on se permet d’ahaner à longueur de journée sur un sujet que l’on ne maîtrise guère : politique, religion, sujets de société et j’en passe. Décidément, au Sénégal, l’on se permet une certaine liberté de ton politique ou religieuse sans que l’on vérifie la véracité de la parole publique. On mélange tout même si le politico-religieux peut tout se permettre. Le peuple ploie le dos sous cette charge mais ne rompt pas. Un vrai jeu d’équilibrisme. Et cela, les politiques le savent et même les détenteurs de la religion. En effet, cette dernière organise et légifère. Elle est comme un cœur qui bat. Certains vont jusqu’à poser cette question : un pays, peut-il se développer avec des chapelles religieuses et des chapelets ? Je m’excuse de cette liberté de ton qui est mienne que bon nombre de fanatiques jugeront intempérante. Mais il n’en est rien d’intempérant sauf qu’il faut juger le factuel tel qu’il se présente à nos yeux. Mais l’on peut se réclamer marabout et avoir sa propre conscience politique. Cela, rien ne l’interdit. Parce que le marabout est un citoyen comme tout autre citoyen. Et n’effarouchons pas ceux qui promettent la géhenne à certains qui diront que les marabouts ou chefs religieux ne sont que des citoyens « ordinaires ». En effet, quand la religion s’invite dans le débat politique, ça fait désordre à cause des tenants et des aboutissants et cela fait un drôle de mélange des genres. Quand la religion entre par la fenêtre, ça fausse les idées et sape les fondements sociaux et sociétaux. L’on ne sait plus sur quel pied avancer. Parce que politique et religion constituent un cocktail explosif. En ce sens, la France a compris cela depuis très longtemps, d’où la séparation des églises et de l’Etat.
Le front social, une cocotte-minute Le front social bout comme une cocotte-minute. Cherté de la vie. Hausse des prix de quelques denrées de première nécessité. Dakar qui étouffe à cause d’un manque d’eau dans ce Sénégal qu’on dit émergent. Et chaque jour charrie son lot de grèves. Incroyablement triste mais cela s’avère. En effet, le peuple n’est pas très satisfait du régime actuel. Pléthore de scandales rythme la vie des sénégalais. Et que dire des procès de nature politique s’égrenant tel le chapelet d’un marabout politique. Rire sous cape. L’on a une vague impression que rien ne va et que tout est statique depuis les indépendances. Toujours les mêmes « gueules » parce que la classe politique se renouvelle très peu. En tous les cas, le « dégagisme », terme emprunté à Emmanuel M, n’a pas de beaux jours chez nous. Or la classe politico-religieuse cultive l’entre-soi. Tels pères, tels fils ! Tout risque de partir en vrille au Sénégal. Et cela se sent à tous les niveaux. A Dakar, il est toujours ahurissant de voir la richesse côtoyer la pauvreté extrême et dans tous les segments de la société. L’élite semble se complaire dans cette situation parce que cela l’arrange. L’on sent les esprits s’échauffer et se rebeller. Aucune justice des hommes même si existe la justice de Dieu. Ce que dit la majorité des sénégalais toujours repliés dans un fatalisme frisant le ridicule. Mais le sénégalais aime cet aspect religieux qui fait sa singularité et qui in fine le protège. Mais le réveil tarde à poindre. Mais le jour où le peuple prendra de l’ascendance sur les politiques, cela fera mal. Vraiment mal. Et vivement la révolution des mentalités ! Et vivement un 1789 sénégalais ! Comprenne qui pourra !
POUYE Ibra