« L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité ».
Nelson Mandela
A l’image de milliers de gens à travers le monde, d’Africains en particulier, je m’indigne de la situation de trafic de citoyens africains qui sévit en Libye dont l’assassinat de l’ancien guide, Mouammar Kadhafi en 2011 avait choqué de millions d’Africains.
Au-delà de l’indignation qui se lit de partout sous différentes manières, il est, à mes yeux, urgent de situer les responsabilités de cet état de fait. Car ce phénomène migratoire a assez fait de victimes pour nous laisser indifférents. En effet, depuis 2000, il est estimé à 40 000 le nombre de personnes ayant trouvé la mort en allant chercher asile et confort sur le vieux continent, dont les frontières sont transformées en véritables forteresses. Ce qui arrive en Libye est rendu possible parce que ces pauvres citoyens du monde se retrouvent dans une situation de blocage dans cette Libye dévastée, en proie à des régimes régionaux et tribaux.
Ceci traduit l’échec des dirigeants dont les pays ou les peuples sont directement ou indirectement liés à ces pratiques odieuses, d’un autre âge. C’est surtout un échec des dirigeants africains et européens. Partis de pays de l’Afrique mal gérés, ces braves gens allaient chercher en Europe secours et solidarité. Droits fondamentaux qui leur sont refusés par des Etats signataires de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. L’Europe aura beau se barricader, mais les citoyens du monde, de gré ou par contrainte, continueront à venir car selon cette belle formule de Franz Fanon que je tiens d’Edwy Plenel « il ne faut pas essayer de fixer l’homme, puisque son destin est d’être lâché ».
Ces citoyens de l’Afrique auraient aimé, je suis sûr, rester chez eux auprès de leur famille, sur la terre de leur naissance ou de résidence, y travailler et y vivre dignement. Ils sont pour la plupart contraints à l’exile. Hélas !
En effet ils partent du Sénégal, de la Guinée, du Mali, du Burkina Faso, du Gabon, de la Côte d’ivoire, de l’Ethiopie, du Libéria, entre autres à la recherche de meilleures conditions de vie. Car chez eux, la sécheresse sème la famine dans leur pays dont les dirigeants échouent à apporter de réponses idoines à ces situations de pauvreté extrême et de désordres socio-économiques. Mais ils partent de chez eux aussi pour fuir guerres et violences causées par des querelles de classes politiques plus égoïstes que patriotes. Ils fuient leur terre natale car ils y sont poussés par le manque de démocratie, par le pillage des ressources de leur pays par des dirigeants corrompus en phase avec les « puissants » de l’Europe qui, pourtant se replie sur elle-même prétextant de ne pouvoir « accueillir toute la misère du monde ». Ils sont partis faute de travail chez eux. L’Ecole, n’est plus cet ascenseur social auquel leurs parents ont cru. Le chômage devient banal, avec comme corolaire, une jeunesse désespérée et prête à mourir pour échapper à ce qui serait une fatalité. Ils se sont retrouvés là en Libye, car sans gêne, l’Europe – comme avec la Turquie en 2016 – a signé un accord avec cette Libye désorganisée pour en faire une zone de contrôle et de transition des migrants.
En attendant de faire monde ensemble – ce qui est inévitable – les sommets, les rencontres et les conventions bilatéraux et multilatéraux se multiplient, coûtent cher aux contribuables ; mais donnent peu de résultats vers un monde avec des « gouvernants capables de voir loin, de penser large et d’agir au-delà du court terme », vœu cher à l’universitaire Bertrand Badie. Mais il est clair que ces rencontres multiples sont à l’image des échecs des hommes et des femmes qui prétendent gouverner le monde.
Mamadou DIOP