Pour comprendre la frustration des étudiants de l’Université Gaston Berger, il faut préciser qu’un accord de principe avait été engagé par l’Etat vis-à-vis des étudiants pour payer les bourses au plus tard le 05 de chaque mois. Les étudiants de l’Université Gaston Berger, ayant constaté que le paiement des bourses a connu un retard de plus d’une semaine, ont voulu faire une Journée sans Ticket – c’est une démarche pacifique, quoique pénalisante pour les prestataires de services de restauration et les Centres des Œuvres Universitaires, consistant à manger dans les restaurants universitaires sans acheter de ticket. Malgré le retard des bourses, le Président du Conseil de l’Université a sorti un communiqué provocateur soutenant, en italique, qu’il n y aura plus de Journée sans Ticket, parce que ce serait des pertes pour le Crous et les prestataires en charge des restaurants. C’est ce qui semble avoir motivé le mouvement d’humeur des étudiants de l’Université Gaston Berger.
A voir le dispositif de répression des forces de l’ordre au Sénégal, on est tenté de se demander si le Sénégal est un producteur de gaz lacrymogène. Si nos forces de l’ordre se limitaient au triste schéma de l’utilisation de gaz lacrymogène à l’endroit de ceux qui revendiquent leurs droits, sans provoquer de mort, on aurait pu comprendre que c’est pour des impératifs d’ordre qu’ils agissent. Cependant nous ne pouvons comprendre le fait de tuer un étudiant à l’Université et d’envoyer un autre en réanimation ; la haute estime que nous avons de nos forces de l’ordre ne nous permet pas de comprendre cette répression extrême. Il y a lieu donc de remettre en question la base de la formation des forces de l’ordre et la procédure leur autorisant ces actes extrêmes quand ils sont appelés à rétablir l’ordre dans les universités. La problématique de l’exercice de la répression par nos forces de l’ordre intéresse à coup sûr tout sénégalais. Les enseignants de Ziguinchor ont dénoncé un usage excessif de la répression lors de la grève du G6; à Thiès deux élèves ont subi des blessures graves au niveau du visage, des blessures, à jamais, les défigurant ; aujourd’hui, c’est le tour de deux étudiants de la prestigieuse Université Gaston Berger : un étudiant tué et un autre en réanimation. Conscient de l’organisation de nos forces de l’ordre et de leur professionnalisme, nous ne pouvons accepter ces dérives.
Quand les enseignants de Ziguinchor se faisaient réprimer, nous n’avions pas parlé parce que nous ne sommes pas des enseignants ; après la défiguration des deux élèves du Malick Sy de Thies, nous n’avons rien dit parce que nous n’étudions pas dans ce lycée ; aujourd’hui, au moins un étudiant est mort à l’Université Gaston Berger. Pour ces différentes expressions de barbarie citées, le corporatisme de nos forces de l’ordre s’érige en bouclier : les forces de l’ordre ne sont pas des délateurs. Exiger une répression civilisée est un devoir de tout sénégalais. A la suite du meurtre de Fallou SENE, je lance un appel à WASANAR – l’Association des alumnis de Sanar – et à toutes les assemblées représentantes des étudiants et anciens étudiants de s’unir pour, à court terme, que la lumière soit faite sur la mort de Fallou SENE ; à long terme, nous devons, en tant que des alumnis citoyens de ce pays, exiger une répression plus civilisée, plus contrôlée. Nous devons faire cela pour les deux élèves défigurés à Thiès, nous devons mener ce combat de principe pour Balla Gaye, Mamadou Diop, Bassirou Faye et Fallou Sene ; enfin, réussir ce combat de principe est une manière de rétablir le respect entre protestataires et forces de l’ordre.
TRAORE Cheikh Tourad,
Militant Société Civile,
Ancien Délégué de la Commission Sociale
Des Etudiants de Saint-Louis.