Dakarmidi – Le Gouvernement de Barak Obama a récemment décidé d’assouplir les sanctions économiques imposées au Soudan depuis plus d’une décennie. Quelques temps après, Obama cède le fauteuil à un Donald Trump versatile. Dès lors, les experts ouvrent un débat intéressant sur l’opportunité de l’arme des sanctions économiques, souvent utilisées au détriment des populations innocentes.
Un panel des experts s’est penché le 18/01/2017, en présence de l’envoyé spécial américain au Soudan et au Soudan du Sud M. Donald Booth, marquant la fin de mission de ce dernier et, coïncidant avec le départ de Barak Obama de la Maison blanche. Prenant part au Panel, M. Booth a fait un exposé très détaillé sur sa mission qui avait débuté en 2013. Dans sa synthèse de clôture, l’ancien envoyé spécial M. Princeton Lippmann a décliné l’historique des relations entre le Soudan et les Etats-Unis, marquées par une tension assez tendue depuis les années 1990 jusqu’au moment de la signature de l’Accord de paix globale. C’était pour expliquer la genèse qui a conduit à la récente mesure prise par le régime d’Obama portant sur la levée partielle des sanctions économiques contre le Soudan.
Auparavant, des rencontres d’échanges préliminaires ont eu lieu entre les délégations des deux pays, ainsi que la visite effectuée en 2005 à Washington par le professeur Ibrahim Ghandour, précédemment assistant du président soudanais Omar El Bashir sur invitation de l’Administration américaine. Ces initiatives ont permis la mise en place d’un plan d’actions de cinq étapes, visant à ramener la confiance mutuelle entre le Soudan et le Etats-Unis. Ce fut d’abord l’ouverture de couloirs humanitaires dans des zones fermées depuis cinq ans, le retour de la paix et de la stabilité au Soudan et dans la région, garantissant du coup l’arrivée de l’aide humanitaire à destination. Cependant, l’hostilité manifeste de quelques mouvements rebelles a été notée par l’envoyé spécial qui a fait remarquer que ces mouvements privilégiaient leurs intérêts personnels à ceux des populations.
Le diplomate américain a tenu à souligner que certains penseraient que l’assouplissement des sanctions économiques contre le Soudan découlerait ipso facto de l’intérêt qu’ont les Américains dans la lutte contre le terrorisme, engagée par le Soudan depuis un certain temps. En réalité, ajoute le diplomate, les motifs de la mesure sont beaucoup plus profonds. La guerre a connu un net recul sur le territoire soudanais de manière notable, le gouvernement de Khartoum s’est abstenu de fournir toute aide militaire à l’opposition armée du Sud Soudan, sans compter l’existence de nombreux couloirs humanitaires dans des zones isolées depuis plus de cinq ans, souligne-t-il.
A ceux qui s’interrogeaient sur la nécessité d’assouplir les sanctions économiques, alors que le président de ce pays est encore poursuivi par la cour pénale internationale ; M. Lippmann a précisé que les questions du terrorisme, de la Cour pénale internationale et de la levée des sanctions économiques ne sont pas liées les une aux autres. En cela, l’Etat américain s’est voulu clair dès le départ. Il y a cinq points retenus pour la levée des sanctions économiques. L’ayant compris, le Soudan a œuvré pour satisfaire ces cinq exigences.
Des doutes sont cependant émis pour ce qui concerne la position de la nouvelle Administration de l’ère Trump, face au processus d’assouplissement. A ce propos, M. Lippmann rassure en disant que la nouvelle équipe a été bien informée sur l’avancement du dossier et qu’il ne souhaiterait pas se prononcer sur l’avenir de ces négociations américano-soudanaises. Toutefois, il note l’importance pour la nouvelle Administration de Trump de nommer un nouvel envoyé spécial au Soudan afin de poursuivre les efforts de règlement définitif déjà entamés.
A côté de ces positions favorables à l’assouplissement des sanctions, il y a des groupes hostiles à tout assouplissement des sanctions économiques qui s’agitent depuis quelques capitales occidentales, mais la plupart d’entre eux, sont mus par des intérêts économiques, comme l’avait observé le diplomate américain. En outre, des observateurs avertis estiment que les sanctions économiques servent beaucoup plus à affamer des populations innocentes qu’à sanctionner des dirigeants supposés coupables. Dans ce cadre, il est fortement recommandé à l’équipe de Donald Trump d’œuvrer en faveur d’une levée totale des sanctions économiques plutôt que de durcir sa position en maintenant des mesures économiques, jugées inefficaces et inopérantes. Il a été prouvé qu’une large frange des populations vulnérables ont terriblement souffert, plus que quiconque, de telles sanctions économiques.
A la lumière de ces positions divergentes, l’on pourrait se demander s’il est humainement acceptable dans ce 21 ème siècle que l’on permette à des peuples, lugés plus forts, d’affamer d’autres peuples, sous prétexte de vouloir sanctionner leurs dirigeants ?
Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien Ministre des Affaires Religieuses