Dakarmidi – C’est le 26 juillet 2016 que j’avais publié un article intitulé : « la diplomatie sénégalaise à l’épreuve de la crise turque »… Je disais alors que pour être préventive, la diplomatie sénégalaise aurait dû prendre les devants et anticiper le règlement de l’affaire de « écoles turques » avant que cela ne débouche sur une crise diplomatique. On ne m’avait pas écouté ; résultat : l’État du Sénégal a été sommé par l’État turc d’accepter le changement de la gestion de l’école par la fondation Maarif. Cette décision a provoqué l’ire de certains Sénégalais qui s’agitent pour faire annuler la décision de l’Etat ! Pour une fois, je vais paraître comme un défenseur de nos Autorités !
Il est diplomatiquement impossible que le Sénégal refuse d’obtempérer aux injonctions de la Turquie. L’institution Hizmet qui gère les écoles Yavuz Selim est tenue par les disciples de Fethullah Gülen, un marabout turc réfugié en Pennsylvanie, aux États-Unis depuis 1999. Ce dernier, qui s’inspire de Mawlânâ Jalâloud Dine Ar ruumi, mais surtout de Saïd Nuursi, prétend n’appartenir à aucune confrérie, mais développe, en sourdine, une pensée islamique, qui prend déjà les allures d’une nouvelle confrérie dont Gülen erait le fondateur.
Allié du parti islamiste de Tayyip Recep Erdogan depuis 2002, les deux hommes se séparent vers les années 2014, suite à la volonté d’Erdogan de rejuger des militaires, lourdement condamnés en 2012, pour tentative de coup d’Etat.
Faut-il cependant rappeler qu’avant Erdogan, l’armée turque avait voulu ouvrir une enquête sur lui en mars 1999 l’accusant de tenir un discours anti-laïc. Il se rendit, furtivement, aux Etats-Unis qu’il n’a plus quittés depuis cette date. Néanmoins, ses disciples, très présents dans le circuit économique, gèrent, de nos jours, quelque mille écoles à travers le monde via le réseau Baskent Egitim, connu sous l’appellation populaire de Yavuz Selim.
Depuis le coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016, la Turquie de Recep Tayyib Erdogan indexe le mouvement de Fethullah Gülen d’être l’instigateur de ce coup de force contre le gouvernement en place. La chasse à l’homme se déclencha ainsi que le contrôle systématique des sources de financement du mouvement Hizmet, soumis au Sheikh Fethullah Gülen. Dans cette chaîne des sources de financement, le réseau scolaire et académique Baskent Egitim occupe une place de choix. Dès lors, il était évident que le gouvernement Turc allait trouver le moyen de fermer ce robinet.
Le Sénégal, qui n’est qu’un pays d’accueil, parmi d’autres (Soudan, Burkina Faso, Guinée Conakry, etc.), compte tenu des relations de partenariat qui le lient à la Turquie officielle, et de la simple règle de réciprocité diplomatique, ne pouvait, en aucun cas, s’immiscer dans un combat turco-turc, en continuant d’abriter une association privée turque, considérée par son propre gouvernement comme étant une organisation « terroriste ». Vrai ou faux, le gouvernement sénégalais ne pouvait que s’en tenir aux règles et conventions diplomatiques le liant à l’Etat turc. Dans mon propos du mois de juillet dernier, j’attirais déjà l’attention du gouvernement sur l’inéluctabilité de revoir la présence de ces associations turques sur notre sol. On se rappelle que le sieur Sidya Bayo, jeune opposant gambien avait été obligé, par décision du gouvernement sénégalais, de quitter le territoire national, manu militari, sur la demande du Président d’alors, Yaya Jammeh. Ce fut aussi le cas, du blogueur tchadien, expulsé vers la France, sur la demande des autorités de son pays. Les exemples sont nombreux.
Je me demande d’ailleurs, comment la justice pourrait obliger l’Etat du Sénégal à maintenir sur son sol, des citoyens d’un autre pays ami, accusés par leurs propres autorités de comploter contre leur Etat ?
Il ne me revient pas de dire, ici et maintenant, si une telle accusation est fondée ou non, car je m’en tiens au principe sacro-saint interdisant de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays souverain et indépendant. Ceux qui soutiennent une thèse contraire ne s’imaginent pas, si la Turquie abritait des Sénégalais, qualifiés par leurs autorités d’éléments subversifs…
Il est bizarre de voir les citoyens d’un pays, indépendant depuis 1960, s’accrocher aux basques d’un étranger, lui exigeant de venir enseigner ses propres enfants !
Il appartient aux Sénégalais d’inventer des écoles d’excellence pour, enfin, résoudre définitivement la crise scolaire qui gangrène notre système éducatif qui se cherche encore une identité.
Le système éducatif Baskent Egitim, est de type confessionnel, basé sur des valeurs islamiques, tirées des enseignements de Jalâlu Dine Ar Ruumi et de ceux de son disciple Fethullah Gülen, qu’Allah les rétribue !
Mamadou Bamba Ndiaye