Les rapports de force des groupes de pression depuis l’apparition de la Covid-19 au Sénégal ont toujours opposé un désaccord sur les prises de décisions de l’autorité dans la gestion de la crise. Les replis graduels appelés mesurent d’assouplissement ou flexibilité en fonction des états-majors qui communiquent font croire que l’Etat a fini par céder en souscrivant sans le dire aux vagues de manifestations qui ont envahi la rue ces dernières heures.
Pour une première fois, le Sénégal a enregistré une tempête articulée autour de plusieurs couches et sensibilités. Les guides religieux ont été les premiers à faire de la résistance aux dispositions légales prises par le Président de la République en se réfugiant sur les arguments religieux, réfutant la fermeture des lieux de culte.
Sommes-nous dans une République laïque ou dans un Etat de culte ? Depuis quand nos dispositions légales prises par l’autorité doivent-elles obéir à des préceptes religieux pour être validées ?
À côté des religieux, il y avait la pression des corporations. De quoi créer tout un cocktail de protestations suivies de manifestations dans la nuit du 03 au 04 juin qui a embrasé Dakar et certaines régions de l’intérieur du pays.
Du Cap SKirring à Kaolack, l’armée et la police étaient dans la rue pour tenter de contenir les manifestations. Une coïncidence troublante dans la synchronisation des incidents sur l’ensemble du pays au même moment avec les mêmes méthodes et les mêmes arguments. Ces faits nous amènent à croire que ce qui s’est passé ce jour n’est pas spontané et que les choses prenaient l’allure de l’élaboration d’un schéma préétabli dans un agenda.
Mais à qui profiterait cet agenda ? Comment, sous nos tropiques, des milliers de personnes de différentes localités du pays ont-elles pu s’organiser à la surprise de l’autorité ? Pour un Etat, il est préférable d’anticiper que de réagir. La société civile, l’opinion et les jeunes ont fini par comprendre que si le peuple se lève, il obtient gain de cause.
Ces événements doivent être analysés sous l’angle d’un test qui devrait permettre aux artisans des agendas cachés de voir leur capacité à tordre la main de l’autorité et du pouvoir.
Dans la gestion de cette crise, on aura remarqué que le gouvernement a fait plus usage de pouvoir que d’autorité. Or la différence sémantique entre le pouvoir et l’autorité est criarde, grande. De manière plus explicite par exemple, la déclaration du Khalife général des mourides a suffi aux jeunes manifestants de Touba de se ranger automatiquement après qu’il ait appelé au calme.
Et pourtant, le Khalife n’a pas d’armées, ni de police ou la gendarmerie, mais a réussi à asseoir son autorité là où l’Etat déploie toutes les forces pour essayer de rétablir l’ordre.
À Dakar contrairement à Touba, aucune voie d’homme politique n’a pu apaiser les émeutes, il a fallu faire recours aux forces de l’ordre.
À mon avis, Son Excellence le Président Macky Sall devrait aujourd’hui avoir une visibilité et une lecture qui puissent lui permettre de corriger profondément son attelage gouvernemental par un remaniement. Beaucoup de membres de son gouvernement ont failli. Certains ont tâtonné, là où d’autres ont fait preuve d’incompétence et de limites objectives.
N’est-ce pas là un contexte favorable pour réajuster son gouvernement car on se rend compte que bien des dysfonctionnements notés sont liés à une mauvaise mise en œuvre.
À chaque fois que le Président prend une décision dans le cadre de la gestion de la crise, la mesure est saluée mais aussitôt décriée le lendemain du fait d’une mauvaise application des orientations. Et ça, ce n’est pas au Président la faute.
Comment comprendre que des ministres se dédouanent de manière inélégante, laissant croire que les dysfonctionnements sont liés aux décisions du Chef de l’Etat ? Pire, on aura constaté que personne n’a élevé la voix pour dire que si ça n’a pas marché, c’est bien ma faute. Chacun se préserve et finalement le Président est seul.
Autant de faits qui expliquent que le Président Macky Sall aujourd’hui, à la faveur de l’opinion doit se séparer de tous ses hommes qui n’auront pas été à la hauteur de la tâche pour prouver qu’il sait où il veut mener le pays. Le Président ne doit surtout pas se dérober face au triste constat lié au mauvais casting; parce que mis à l’épreuve, certains ouvriers n’ont pas pu traduire l’œuvre architecturale en édifice. Autant reconnaître que le Président a besoin de bons maçons pour avoir un bon édifice.
Macky Sall ne souffre d’aucune autorité. Par contre ses ministres et certains de ses responsables politiques « gouvernent » avec trop de pouvoir, mais sans autorité. Le peuple pense que son Président doit corriger parce qu’il a reçu un signal fort de son peuple. Le grand dommage a été de voir que certains états-majors politiques ont fait la confusion volontaire sur des plateaux de médias, soutenant que ces vagues de contestations constituent un désaveu des opérations dans la lutte contre la propagation de la pandémie. Ce qui est totalement faux car tout le monde a été solidaire dans la prise de grandes mesurés autour du Président. A ce titre donc, s’il y a désaveu, c’est au niveau de la mise en œuvre. Macky n’a pas reculé, il a été flexible avec intelligence. Dans les prochaines heures, il ne devrait pas manquer de trouver un nouveau gouvernement qui lui permette de corriger. C’est le moment.
Bacary NDIAYE