Dakarmidi – L’échec diplomatique prépare l’intervention militaire en Gambie, mais à quel prix pour les populations des deux pays, pour le Sénégal et ses institutions, pour la crise en Casamance, sans parler de l’instabilité chronique dans la sous-région, singulièrement en Guinée-Bissau et en Guinée Conakry ?
Barrow à Bamako, puis à Dakar, en lieu et place de Banjul, qu’est-ce à dire, sinon que la méthode de l’Ecurie de Pâtick patine ? Et ce, à un moment où la colère des retraités gronde tandis que près de 10 000 « réfugiés » sont annoncés et que les travailleurs de la Santé ainsi que les Enseignants et les Jeunes sont dans tous leurs états ?
Mieux, à près de 2 mois et demi de la fin du Premier Quinquennat du Président Macky Sall, le 2 avril 2017, les errements diplomatiques de BBY/HCCT et du « Gagner Ensemble, Gouverner Ensemble » se précisent sur fond de crise lamentable des Cartes d’identité CEDEAO et de levées de boucliers dans l’Enseignement Supérieur, dans la Magistrature ainsi que dans les Collectivités dont les biens fonciers sont expropriés de manière violente par des sociétés privées en toute indifférence de l’Administration qui fait complice !
Et puis, l’un dans l’autre, n’est-ce pas d’abord aux Gambiens et à eux seuls de gérer cette crise, en lieu et place de la CEDEAO ou du Sénégal, encore moins à M. Hollande ou des USA, qui à tout le moins, auront sauté pieds joints – pour des raisons qui sentent le Bois, le Gaz et le Pétrole – dans cette immense Sénégambie-nasse à ciel ouvert ?
Autrement dit, et selon toute vraisemblance, le feuilleton Yahya Jammeh va passer de sa phase tragi-comique sertie de bourdes diplomatiques à sa phase psychopathologique et suicidogène cousue d’intrigues militaro-policières, d’espionnite et de provocations en tous genres, -sans compter les dérives policières sur le modèle libyen ou ivoirien-, si d’aventure les Citoyens des deux pays ne prenaient pas la mesure de la situation et ne prenaient pas des initiatives à même de rappeler à l’ordre, des segments de leaderships politiques sénégambiens visiblement dépassés par les événements, et qui ne misent plus que sur des scénarios guerriers de plongée dans la crise.
A quelques encablures de la fin du premier Quinquennat du Président Macky Sall, le 2 avril 2017 prochain, la question posée n’est autre que celle-ci : La Sénégambie ne va-t-elle pas tout droit vers Deux Crises Majeures de Légitimité et d’Autorité : l’une en Gambie ayant commencé depuis le 1er décembre 2016, tandis que la Seconde au Sénégal se profile de manière larvée depuis le Référendum sans débats du 20 mars 2016 ? Etant entendu que la crise proprement sénégalaise ira s’aggravant à mesure que l’on se rapprochera de la date fatidique du 2 avril 2017.
Dans ces conditions, dire que la situation actuelle en Gambie résulte d’un échec de la diplomatie sénégalaise revient à ceci que la Méthode Ó Fañiŋ Fañ Fañ n’est ni efficiente ni sereine, encore moins vigilante, qui a envoyé Bamba Fall au gnouf, levé l’immunité parlementaire de Barthélémy Dias avant de s’en prendre à l’Honorable Député Aminata Diallo ! En d’autres termes, les bourdes en Gambie sont à la mesure de l’impasse en Casamance : un leadership incapable de solutionner ce problème intérieur qui dure depuis 35 ans, comment peut-il prétendre résoudre, au lieu de l’aggraver, ce problème de Transition démocratique de cette ex-colonie britannique à l’intérieur du Sénégal ?
Parlons donc net. Pour arriver à un résultat en Gambie, c’est la Crise Casamançaise qui est la bonne porte d’entrée sur le plan stratégique, n’en déplaise aux sycophantes et aux thuriféraires : l’équation démocratique en Gambie est fondamentalement liée à la Justice pour la Casamance, et rien d’autre ! Prétendre remettre de l’ordre en Gambie, sans affronter de front le problème intérieur sénégalais en Casamance, c’est un peu se cacher derrière son doigt, ou prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages. De fait, la protection et la prévention, c’est d’abord aux Sénégalais de Casamance et des frontières avec la Gambie que l’Etat du Sénégal les doit ! Telle est la précondition de toute aide efficiente du peuple sénégalais au peuple frère de Gambie auquel nous devons inconditionnellement Assistance, Solidarité et Asile.
Ce qui donc est à l’ordre du jour, c’est un Dialogue National Sénégalais sur la Casamance( entre autres), lequel inclura forcément la question Gambienne, en lieu et place de cette focalisation abusive sur cette Crise postélectorale gambienne dont la résolution éventuelle par un coup d’Etat et/ou une intervention armée ne règlera point la situation casamançaise qui nous occupe au plus haut point.
En dernière analyse, le problème sénégambien aujourd’hui, ce n’est nullement Jammeh ni le bras de fer Barrow-Jammeh, mais l’Imposture des Elites de pouvoir de part et d’autre de la frontière, lesquelles se soucient d’abord de se maintenir aux commandes au lieu de penser aux populations actuelles et aux générations futures . Et pour cause ! Qui pourra seulement nous expliquer autrement cette surenchère remarquable contre Jammeh lorsqu’il eût reconnu sa défaite et félicité Barrow ? Comment comprendre que d’aucuns au Sénégal se soient précipités pour lui promettre la CPI, l’emprisonnement à vie et l’humiliation (suivez notre regard…) ? Poser la question, c’est y répondre ! Car, l’odeur de Gaz et de Pétrole qui pollue l’atmosphère et attise les convoitises impériales ne concerne pas que le conflit mineur entre Jammeh et Barrow, mais d’abord et avant tout Les Peuples sénégalais et gambien, qui devraient y regarder à deux reprises avant de se lancer tête baissée dans la première gué guerre du Pétrole en Sénégambie méridionale (Gambie/Guinée-Bissau/Sénégal…), voire septentrionale (Sénégal/Mauritanie…).
Pr. Malick Ndiaye, Sociologue, UCAD
Coordonnateur du Comité d’Initiatives des intellectuels du Sénégal – CIIS