Dakarmidi -Dans notre précédente communication, nous nous demandions si notre génération actuelle avait suffisamment appris et pris de nos Guides religieux. Car, ils constituent suffisamment de modèles qui ont donné toute leur vie pour l’Humanité, et à nous leurs proches. Dans la présente, nous souhaitons aborder la place de choix que nos religions, notre culture africaine et notre histoire ont accordée de façon harmonieuse à la Femme de façon générale, et à la Femme africaine en particulier, de par leurs vertus, leur courage et leur panafricanisme.
Une certaine pensée a tendance à nous faire croire que la Femme africaine est considérée comme esclave. Car, soumise à son mari, elle est privée de tout droit et ne joue aucun rôle important dans la société. Nous trouvons cette pensée entièrement erronée, rien qu’en interrogeant juste quelques éléments de nos religions, notre culture africaine et notre histoire.
Dans la religion musulmane, lorsque Allah parle des hommes, il faut comprendre par-là l’espèce humaine, c’est à dire homme et femme. Dans le Coran, sans entrer dans les détails, l’homme et la femme ont les mêmes droits, devoirs et obligations, les mêmes rétributions ou récompenses, sans distinction aucune. Cependant, Allah (Swt) a confié à l’homme l’autorité (Khalife ou Kilifa de la famille et de son épouse). Et cela n’a point gêné le leadership et l’exemplarité de la Femme dans la société africaine. Le nom de Khadija, épouse du Prophète Mohamed (Psl), suffit comme exemple. Dans une future communication, nous reviendrons exclusivement sur la place que l’Islam a accordée à la Femme.
Dans la religion chrétienne, l’on rapporte que Jésus a bousculé les mœurs de son époque en accordant une place d’honneur à la Femme, place que sa génération lui refusait.
La culture africaine a bien admis que la Femme, en sa qualité de Mère, est dotée du premier contact psychoaffectif, avec son enfant ; une des vertus de l’allaitement prouvée même par la science. Elle communique tendrement avec celui-ci ; et cette communication est le premier fondement du caractère de l’enfant.
Dans les royaumes précoloniaux de l’Afrique, la succession et l’héritage se faisaient en fonction de la lignée matrilinéaire. Cela explique, en partie, pourquoi le nom de la mère figurait dans la composition du nom de l’enfant, par exemple Lat Dior Ngoné Latyr Diop (Lat Dior Fils de Ngoné Latyr Fall), Maba Diakhou Bâ (Maba fils de Diakhou Dieye). Ces royaumes accordaient également une place de choix à la Femme dans la gouvernance. L’article 16 de la charte de Kurukan Fuga, considérée comme une des premières constitutions africaines, datant de 1236 dispose: «En plus de leurs occupations quotidiennes, les femmes doivent être associées à tous les gouvernements». Cela confirme notre position selon laquelle la question du genre ne nous vient pas de l’Occident ; le genre est intégré dans le quotidien africain depuis le début de son histoire.
L’histoire et le parcours de quelques femmes de chez nous prouvent à suffisance que la vertu, le courage et le panafricanisme sont particulièrement au féminin.
Sokhna Mame Diarra Bousso reste une «Grande Royale» de l’éducation. Prenant conscience de l’importance de l’éducation dans l’épanouissement de l’Homme et dans la croissance économique de toute nation, la Mère du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, en plus de ses travaux domestiques énormes, avait toujours trouvé le temps de s’occuper de l’éducation et de la formation de ses enfants. Raconter l’histoire des Saints était une de ses approches pédagogiques pour inspirer les enfants. Maitre dans l’art de la calligraphie, elle a produit manuellement plus de 40 exemplaires du Livre sacré. En parfaite épouse dévouée et mère éducatrice, aujourd’hui un hommage mérité lui est rendu à travers le pèlerinage à Porokhane, qui accueille chaque année des milliers de fidèles de tout bord.
Aline Sitoé Diatta ou la «Dame de Cabrousse» s’est particulièrement distinguée par le culte de la solidarité entre les jeunes et les Sages. Mais elle est surtout célèbre par son courage et son panafricanisme, en s’opposant farouchement aux dérives de la colonisation comme le paiement abusif et exagéré des impôts, le travail forcé et le recrutement forcé des Jeunes Sénégalais dans les armées coloniales. Pour une autosuffisance alimentaire, elle proposait les cultures vivrières à la place de l’arachide que prônait le colon.
«Talaatay Ndèr» ou le fameux «Mardi de Nder» symbolise à plusieurs dimensions l’unité, le courage, la bravoure et surtout l’honneur. Ce fameux mardi, les hommes, occupés à leurs activités quotidiennes, avaient laissé au village, femmes, vieillards et enfants. Une armée de Maures surgit brusquement afin de capturer les femmes pour abuser d’elles puis les revendre comme des esclaves. Refusant ce déshonneur, elles décidèrent de cacher vieillards et enfants dans les champs. Elles se précipitèrent dans leurs cases pour en ressortir vêtues de boubous d’hommes, les cheveux dissimulés sous des bonnets, munies de tout objet pouvant servir d’arme de défense. Toutes unies, animées de leur seul courage dans la terrible confrontation avec l’ennemi, ces amazones se battirent avec énergie, jusqu’à tenir l’ennemi en échec.
L’armée maure humiliée, reviendra à la charge de façon musclée. Cette fois, moins outillées face à l’ennemi barbare et très armé, les Femmes de Nder ont choisi la mort à la place du déshonneur, de la souillure, de l’esclavage. Affaiblies, elles décidèrent de s’immoler toutes unies, armes à la main, dans la Grande case. L’Armée sénégalaise n’aurait-elle pas tiré sa devise de cet acte de courage : «On nous tue, on ne nous déshonore pas» ?
Et enfin, un dernier exemple, parmi tant d’autres, reste la brave Femme chef d’Etat, l’ultranationaliste Ndatté Yalla Mbodj. En vrai chef d’Etat, son règne sera marqué par une défiance permanente au colon contre lequel elle avait livré une bataille acharnée. Elle finit par faire prévaloir ses droits sur l’île de Mboye et sur l’île de Sor (actuelle ville de St Louis). En véritable nationaliste, elle inculqua à son Fils Sidiya, âgé de 10 ans, les valeurs de l’enracinement. Malgré qu’il avait fréquenté l’école des Blancs et était baptisé par Faidherbe sous le nom de Léon, Sidiya, en digne héritier de sa mère, poursuivra le combat nationaliste en défiant l’administration coloniale pour marquer son appartenance sociale.
La liste des femmes modèles n’est pas exhaustive. Nous avons juste choisi de commencer par celles-ci, en attendant de revisiter l’histoire d’autres héroïnes de chez nous. Notre propos ici est de mettre en relief le rôle héroïque joué par les Femmes dans tous les combats de construction de notre Nation, même si leur participation dans la prise de décisions reste encore marginale dans notre continent de façon générale. La nouvelle génération de Femmes activistes que nous sommes, leur rendra hommage en s’inspirant de leurs vertus, leur courage et leur panafricanisme.
Mlle Marie Mbathio NDIAYE
Activiste africaine du Sénégal
Membre du Forum Social Sénégalais
riema05@hotmail.com
Zone B, Dakar – Sénégal